CEDEAO – Un procès contre la Côte-d’Ivoire pour rupture d’égalité entre divers candidats à l’élection présidentielle

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Un événement discret mais considérable va se produire au sein de la Cour de Justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), située au Nigéria : la mise en accusation de la République de Côte d’Ivoire par un candidat à l’élection présidentielle, Monsieur N’Guessan Yao, élection qui devrait avoir lieu le 25 octobre prochain.

Il s’agit d’un procès en référé : il y avait urgence, naturellement. Une injustice antidémocratique a été commise d’une façon particulièrement inacceptable, moins pour celui qui accuse que pour l’ensemble du peuple ivoirien: en effet, ce qui se passe relève de la liberté et de l’égalité des citoyens des démocraties de l’Afrique occidentale francophone en ce qu’elles ont été bafouées: l’affaire entre de ce fait dans le champ des compétences de cette Cour de Justice reconnue précisément par l’ensemble de ces pays dont la Côte d’Ivoire.

Monsieur N’Guessan Yao, de nationalité ivoirienne, membre du Barreau de Paris, au vu, notamment, de son dossier de candidature et de la réponse reçue, a été, d’une façon certaine « discriminé » du fait, en particulier, de son incapacité à fournir une caution de vingt millions de francs CFA ; du fait également qu’il a été privé de son droit au recours contre une décision juridictionnelle. Or le Pacte international relatif aux droits politiques (art. 2 et 25) aussi bien que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme comme la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (art. 2), tous reconnus par la Côte d’Ivoire, reconnaissent explicitement le droit d’être élu à des fonctions électives sans discrimination qui serait fondée sur la fortune, les conditions sociales et l’origine.

De même la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (art. 7, & 1) ainsi que le Protocole international relatif aux droits civils et civiques (art. 2 et 3, & b) affirment le droit au recours contre une décision juridictionnelle.

L’important ici est de comprendre que Monsieur N’Guessan Yao, Président-fondateur de l’Association des Ivoiriens de l’Etranger, auteur en 2006 du livre Sauvez la Côte d’Ivoire du désastre, (voir site éditorial « Parvis des Alliances »), n’est pas seul visé : en réalité ce qui lui est opposé concerne l’ensemble de tous ceux qui désirent servir leur pays selon le respect strict du Droit et de la Démocratie, vertu rare en ce moment où les égos semblent s’exacerber.

En effet, ce qui vient de se passer relève d’un manquement grave à ce que spécifient clairement les diverses institutions, auxquelles la Côte d’ivoire a adhéré, par des
dispositions constitutionnelles ivoiriennes en complète opposition (art. 98). La décision prise à l’encontre de Monsieur N’Guessan Yao constitue une violation à son droit de citoyen à un recours effectif prescrit par les tous les engagements internationaux ratifiés par l’Etat de Côte d’Ivoire…

Mais… il convient d’ajouter une seconde violation des conditions d’éligibilité eu égard aux textes internationaux en vigueur. En effet, que signifie un cautionnement qu’il faut verser dans une caisse du Trésor Public juste avant le dépôt de candidature ? Que signifie que ce cautionnement ne soit remboursé que si le candidat atteint au moins dix (10) pour cent des suffrages exprimés ? S’il n’obtient que 9,99% des voix, il perd ses 20 millions de francs CFA, ce qui signifie qu’il est littéralement dépouillé ! On ne peut que s’interroger sur la façon dont cette somme des plus excessive peut être obtenue par tel candidat et plus tard remboursée au prêteur : quelles promesses doivent être faites pour y parvenir ? Quelles conditions ?

En réalité, ce point est assez stupéfiant pour qu’il soit relevé comme un moyen très efficace d’« empêchement de candidature » : comme si celle-ci était réservée aux seuls riches… ou aux faux opposants, quel que soit leur niveau de compétence… alors qu’évidemment ce qui doit compter n’est pas la fortune mais cette compétence nécessaire appuyée sur une loyauté absolue envers les électeurs.

Monsieur N’Guessan Yao, alors candidat, avait envoyé au Président du Comité électoral ivoirien toutes les pièces nécessaires pour que s’obtienne la reconnaissance de sa candidature, soit, entre autres, un extrait d’acte de naissance, un casier judiciaire, un certificat de résidence, une attestation de régularité fiscale, une déclaration sur l’honneur de non-renonciation à la nationalité ivoirienne etc.. Toutes les pièces réclamées devaient être établies moins de trois mois avant l’échéance électorale. Il faut préciser que ces dispositions du Code électoral ne sont pas constitutionnelles : elles résultent, non d’une loi organique imputable au législateur ivoirien mais seulement d’une loi ordinaire qui figure dans le seul Code électoral. C’est ainsi que la caution de 20 millions n’est pas mentionnée dans la Constitution ivoirienne : il s’agit donc bien d’une manière discrète de se jouer des candidats afin d’en favoriser un seul.

Monsieur N’Guessan Yao a reçu une Déclaration du Conseil constitutionnel du 9 septembre 2015 (N° CI-2015-EP-150/09/CC/SG) rejetant sa candidature pour les motifs suivants : « n’avoir pas payé la caution de 20 millions de francs CFA exigée, – ne pas avoir produit un casier judiciaire et un certificat de résidence datant de moins de trois mois comme d’un original de la déclaration sur l’honneur de non renonciation à la nationalité ivoirienne »…Mais cette fameuse déclaration était en soi inutile puisque la nationalité ivoirienne du requérant était déjà prouvée par un certificat de nationalité ivoirienne présent au dossier de candidature…Ce dossier était parti une semaine trop tôt… alors que le Conseil avait parfaitement la possibilité de lui renvoyer aimablement l’ensemble en précisant de refournir au plus tôt les pièces revues et corrigées…

Nouveau point capital : parmi de nombreuses exigences, la Constitution ivoirienne prévoit notamment que les candidats doivent être de père et de mère de nationalité ivoirienne, ces derniers devant eux aussi être descendants d’ascendants de cette nationalité. Il se trouve que l’un d’entre les candidats ne remplit pas cette clause : mais comme il a été élu en 2010 par la grâce d’une exception non renouvelable, cette condition constitutionnelle redevient impérative. Or le Comité électoral n’a pas tenu compte de ce fait et donc laissé ce candidat ne pas obéir à la Constitution ivoirienne : en tant que président il s’était pourtant engagé une première fois à la respecter.

En somme, l’on a assisté à une véritable manipulation dans le but manifeste de rompre l’égalité qui doit pourtant être scrupuleusement respectée envers tous les candidats, selon ce que précisent tous les engagements internationaux signés par la Côte d’Ivoire. Pour ce faire le Comité électoral et le Conseil constitutionnel ont établi une sorte de barrage invisible, espèce d’usine à gaz, en lequel se découvre des notions qui ne sont en rien « constitutionnelles » : concept étrange auquel est fait allusion une prétendue éligibilité originelle et une autre prétendue éligibilité dérivée. La première concerne ceux qui se présentent pour la première fois, la seconde vise celui qui a été élu déjà en 2010. Il s’agit là d’une véritable embrouille, ou rideau de fumée, cache misère d’une usurpation ou, mieux, d’un abus de pouvoir.

La première oblige le candidat à fournir l’ensemble des pièces demandées ; la seconde dispense le candidat favori de les produire de façon à ce que si, par hasard, l’une ou l’autre de ces exigences ne pouvait pas être constatable, ce voile pudique camouflerait le fait automatiquement dans un brouillard bienvenu. Ainsi, le candidat officiel, c’est-à-dire ici le président sortant, n’aurait pas de ce fait à répondre aux demandes impératives du Comité électoral ; il passerait inaperçu à la fois du corps électoral, duperie sans nom, et des candidats floués de la première éligibilité, au plus grand bénéfice de « l’élu » de la seconde… L’étrange est qu’aucun candidat du premier groupe n’a vraiment mis le doigt sur l’imposture. La conclusion s’impose donc : il s’agit clairement de l’instauration hors la loi d’une rupture d’égalité, qui s’apparente à un méfait intolérable en une république de droit démocratique.

Inutile de préciser que l’entourloupe est énorme et indiciblement violente.

Dominique Laffont, journaliste à Paris

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