Ce qu’il y a de mieux à faire pour l’opposition togolaise…

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Lorsque nous avions  arraché la tenue de la Conférence Nationale Souveraine (CNS) au Général GNASSINGBE Eyadema, nous avions poussé un ouf  de soulagement. J’étais désigné par mes collègues de l’UTPL  (Union Togolaise des Professions Libérales), dont le Président était Mr Hilaire LOCOH DONOU, pour faire partie des treize (13) membres de l’opposition togolaise, face aux treize (13) membres du pouvoir. Les discussions ont duré des semaines et ont été laborieuses et épuisantes. Le pouvoir, conduit par le ministre Barry MOUSSA BARQUE et le ministre Edoh, a négocié, ligne par ligne, point par point, les conditions et les modalités de cette Conférence Nationale (CN). Côté opposition, Léopold GNININVI, Joseph KOKOU KOFFIGOH, David IHOU et nos autres collègues, avaient tenu la dragée haute au pouvoir, qui ne se doutait pas que la CN allait, des l’ouverture des travaux, se transformer en Conférence Nationale  Souveraine(CNS) ! On connait  la suite…

Mais, quelle ne fut pas notre déception quand, à la fin de la Conférence Nationale, nos amis de l’opposition créèrent, à tours de bras, des partis politiques !  N’importe qui voulait créer un parti politique, dans l’euphorie de la fin de cette CNS ! Aucune préparation, aucune étude sur le terrain, aucune préparation et prévision financières, rien ! Beaucoup de partis furent créés dans la salle Fazao ! Eyadema, très pragmatique, comprit vite l’aubaine qui lui est offerte, et fit créer aussi, une flopée de partis soit disant  démocratiques, par des hommes de mains. Ainsi, il donna trente millions CFA  à X, Y, ou Z, et du jour au lendemain, X, Y ou Z créaient des partis, qui partaient déjà financièrement avantagés par rapport à nos amis de l’opposition … On connait la suite : environ 90 partis  sont officiellement créés et enregistrés au Ministère de l’Intérieur ! Fait notable : tous les partis créés en sous-mains par Eyadema ont cessé leurs activités et les membres ont rejoint sagement le RPT ! Seul l’opposition a gardé ses partis (une soixantaine au moins), qui sont plus des partis fantômes ou partis unijambistes (nous y reviendrons)…

Toutes les difficultés actuelles de l’opposition, viennent de cette flopée de partis sans queue  ni tête, créés de toutes pièces, sans support populaire, sans stratégies crédibles de conquête du pouvoir et sans vrais stratèges. A part le fondateur du parti, on compte parfois à peine cinquante ou cent militants ! Un parti politique vit principalement des cotisations  de ses adhérents, des dons et legs de mécènes  et de quelques activités génératrices de revenus (dîners, kermès, conférences, vente d’objets griffés etc.…). On comprend pourquoi la majorité des partis politiques de l’opposition n’ont pas le sou. A part le Président fondateur, qui se ruine au fil du temps, à force de puiser dans ses fonds propres pour les défenses de son parti… et quand le fondateur disparait, le parti disparait. C’est le cas du MODENA  de ATSOUTSE  AGBOLBI,  du PSP de Tavio AMORIN, du parti de BOUCARI DJOBO, etc.…. C’est ce que j’appelle les partis unijambistes ; si Mr AGBEYOME Kodjo  disparait aujourd’hui, je parie que  OBUTS  va disparaître ! Le Parti des Travailleurs de Claude AMEGANVI est un parti fantôme dont  on n’a jamais vu les membres du comité Directeur, ni d’organisations de son congrès. Vous prenez ADDI, et vous ne voyez pas les stratèges  de ce parti. Vous prenez le PRR et vous constatez qu’à part Nicolas LAWSON, on ne voit pas beaucoup de monde ! Vous prenez le PDP de Mr KAGBARA, et c’est le même constat ! La situation est meilleure  quand vous prenez des partis  plus structurés comme le CAR, La CDPA, le PDP, l’UFC, et l’ANC. Mais, le problème financier se pose de façon criarde  pour ces partis aussi …

Devant tous ces partis de l’opposition, il y a un seul parti en face, qui était le RPT , et qui est maintenant l’UNIR. Ceux qui avaient cru que les nostalgiques du RPT allaient créer un parti RPT jumeau à UNIR en ont eu pour leurs frais ! L’UNIR  est un parti qui se construit patiemment, qui a ses stratèges, ses « brains », aussi bien togolais, africains que français. En plus, le parti a des moyens, légués par le RPT, qui a exercé le pouvoir tout de même depuis 1967 ! C’est ce pouvoir-là que la kyrielle de partis de l’opposition affronte, et c’est pourquoi l’opposition peine tous les jours, toutes les semaines, tous les mois et tous les ans…

Que doit faire l’opposition pour survivre ?

Il n’y a pas mille solutions, il faut s’unir, laisser de côté  son ego et voir les choses en face. Tous les partis de l’opposition doivent s’auto-dissoudre et fondre dans un grand parti qui va affronter à armes égales, l’UNIR ! Ce n’est pas la première fois que je propose cette stratégie politique. Beaucoup de pays de la sous région s’oriente vers cette bipolarisation politique : le Ghana, le Benin, le Nigeria, et même la Côte d’Ivoire…

Le problème de leadership sera aussi réglé par des élections primaires, qui départageront tous les anciens dirigeants de partis, pour élire un seul dirigeant qui va affronter le candidat du pouvoir. S’il réussit à   se faire élire Président de la République, il fera son second et dernier mandat (s’il est réélu), sinon, il devra démissionner de la tête du parti, ceci donnant lieu à de nouvelles élections primaires, pour désigner un nouveau chef du parti, qui sera le nouveau candidat  à la présidentielle pour affronter le candidat  du pouvoir. Bref c’est une sorte d’américanisation de la vie politique togolaise que je propose…

Au Togo, cette tendance de bipolarisation de la vie n’est pas nouvelle. En 1958, le CUT  de Sylvanus Olympio et la Juvento de  ANANI SANTOS formaient presque un parti, en tout cas, une entité politique pour obtenir l’Indépendance. De l’autre côté, le Parti du Progrès de Nicolas Grunitzky  et son allié, l’UNION des populations du Nord, d’Antoine MEATCHI, passaient dans l’l’opposition. Tout aurait pu aller bien et très bien même, si les togolais n’étaient, au début de l’expérience démocratique. Hélas, tout est vite passé au vinaigre ; le camp des vainqueurs (surtout Sylvanus Olympio), malgré sa large victoire, a vite plombé le pays : chasse à l’homme, destructions de biens mobiliers et immobiliers, meurtres,  embastillements, tout est bon pour terroriser le peuple. L’opposant, appelé « Progrès » (en références au Parti du Progrès de Nicolas Grunitzky, était devenu un gibier, un pestiféré affublé de tous les   maux ! Au lieu d’expliquer aux populations qu’un « opposant n’est pas un ennemi, mais quelqu’un qui n’est pas au pouvoir, mais quelqu’un qui va venir demain au pouvoir », le parti de l’Unité Togolaise s’est mué en épouvantail pour le peuple. Autiste jusqu’au bout, Sylvanus Olympio n’a pas entendu, ni vu venir les balles qui l’ont atteint, un 13 janvier 1963 ! Cinquante ans après ce drame, il y a encore des énergumènes au Togo, qui ne comprennent  pas toujours le sens de la démocratie ! Si vous défendez une thèse favorable au pouvoir, ils vous lancent : « Il est RPT ! »… Comme si être du RPT ou de UNIR  est un crime ! Pour ces énergumènes, il faut que vous soyez « Opposition », comme si être de l’opposition est un exploit,  alors que c’est une déroute ou même un malheur !

Si vous n’arrivez pas à conquérir le pouvoir pendant 4 et 5, ou 8 et 10 ans, vous êtes de piètres opposants… Et si vous restez 15, 20, 25 ans dans l’opposition, sans jamais parvenir au pouvoir, vous êtes des opposants maudits ou, au minimum, peu intelligents et peu entreprenants.

Tous ceux qui ont suivi la campagne électorale américaine, qui a vu la réélection de BARAK OBAMA,  conviendront avec moi, que nous n’avons pas de leaders  politiques dignes de ce nom au Togo ! ROMNEY et OBAMA  n’ont jamais appelé leurs partisans  à battre de pavé pendant des mois, à s’habiller en rouge et  à défiler  dans les rues de Washington, (nues pour les femmes), à faire des sit-in et des marches à perpétuité … Ils ont parcouru l’Amérique, de long en large, pour exposer leurs projets au peuple américain et le convaincre de voter pour eux. Tous les domaines de la vie ont été passés au peigne fin et le meilleur a gagné !

Quand il y n’aura que deux grands partis au Togo, tout ce qui est superflu aura disparu de la politique togolaise. Les deux candidats qui vont s’affronter pour le fauteuil présidentiel, seront choisis, après des primaires dans les deux camps, et on aura deux candidats qui feront la fierté du monde.   On suivra avec intérêt leurs débats télévisés, et leurs prestations, lors des meetings, des congrès, des symposiums etc.…

Pour en revenir à la dernière élection américaine, les factures sont salées : au total, près de six (6) milliards de dollars ont été  dépensés par les deux candidats ! Autant dire qu’il n’y a pas de place ici pour de petits partis, partis fantômes ou des partis  unijambistes dont j’ai parlés plus haut.

Au Togo, nos partis n’ont pas d’argent, mais ils n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes ! Si vous arrivez à convaincre vos militants de vos idées et vos programmes, ils vont mettre la main à la poche. En 2007, l’UFC  avait obtenu plus d’un million de voix. Si chaque militant qui avait voté pour l’UFC, avait donné 1000F chacun (sans compter les gros donateurs), l’UFC aurait eu 1.000.000.000. FCFA au moins ! Aujourd’hui, certains partis au Togo, ne roulent que sur l’argent de la diaspora, qu’ils dilapident en pique-niques à la plage ! Comment voulez-vous avoir une majorité  absolue au Parlement, quand vous ne connaissez pas les autres régions du Togo,  autre que la région maritime, et encore ! Demandez à un leader politique Togolais s’il connaît SEVAGAN, VO ASSO, HAVE, TOVEGAN ou ADANGBE, situées toutes à moins de 60km à vol d’oiseau de Lomé ! Il faut connaître le Togo, notre Togo, qui, bien que petit en taille, est difficile à couvrir à cause de l’insuffisance et de la pauvreté des voies de communication.

Les deux grands partis, que nous proposons pour  notre pays relèveront le défi de la réappropriation de l’histoire, de la culture, de l’économie et de la sociologie de notre chère patrie, pour le bien et la prospérité des populations Togolaises. Ainsi, d’un côté nous avons le Parti UNIR  (PU) qu’on peut étiqueter  comme un parti de Droite, et un autre grand parti réunissant tous les partis de l’opposition, et qu’on pourrait appeler Parti REUNIR (PR). Ainsi donc, en 2015, nous assisterons au duel fraternel PU contre PR. Finis les problèmes d’égo, de leadership, de combat de chefs, de décisions saugrenues, d’improvisations, de surenchères au sein de l’opposition togolaise. Cette opposition fera émerger  de son sein, de véritables leaders politiques de gauche, capables de penser enfin, à la priorité des priorités du peuple togolais : le développement.

Dr IHOU Ancien Ministre de la Santé et de la Population, Consultant en géopolitique et stratégie sécuritaire

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