CDPA-BT : L’UFC FACE À SON DESTIN

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La situation créée au sein de la direction de l’UFC à la veille des présidentielles du 4 mars 2010 interpelle tous les opposants, qu’ils soient membres d’un parti d’opposition ou non. L’orage électoral n’avait pas permis à la CDPA-BT de donner sa position sur cette situation depuis la fin des élections, et le caractère, on ne peut plus, fluctuant des prises de positions passionnées appelait jusqu’à présent à la prudence et à la réserve.

Maintenant que l’horizon commence à s’éclaircir, et qu’on peut donc tenter d’y voir plus clair, il faut poser un regard froid sur cette situation pour l’analyser en toute objectivité, pas seulement pour la comprendre toujours mieux, mais dans le but surtout d’en tirer les leçons qui s’imposent, pour permettre à l’opposition de mieux baliser la lutte pour la fin du régime de dictature.

En tant qu’opposants au régime d’Eyadema, il faut savoir que tout ce qui affaiblit un parti d’opposition affaiblit forcément l’opposition toute entière. On reviendra sur cette idée.

Il importe de revenir rapidement sur les faits. Dès le lendemain des législatives d’octobre 2007, la direction de l’UFC s’est précipitée pour organiser un congrès et désigner son candidat pour les présidentielles de 2010. Gilchrist 0lympio, Président du parti, fut ainsi investi comme candidat de l’UFC. Et le congrès a proclamé son ambition de rassembler toute l’opposition autour de ce candidat.

Certains partis d’opposition s’étaient même imprudemment engagés dans cette logique, en croyant à tort que le problème politique togolais est comparable à celui de l’Afrique du Sud à la veille de l’élection de Nelson Mandela. Par ailleurs, l’annonce bruyante de la candidature d’Olympio pour 2010 et la perspective illusoire de la prise du pouvoir par l’UFC à l’issue de ce scrutin, ont levé quantité d’opportunistes et d’arrivistes qui ont afflué vers “le parti d’Olympio” comme des lièvres.

Dans ce contexte politique, où les partis du courant majoritaire de l’opposition se battent entre eux-mêmes pour le pouvoir, vouloir rassembler l’opposition autour d’un seul candidat, à plus forte raison celui de l’UFC est une gageure. Une connaissance intime des partis d’opposition de ce courant et de leurs chefs respectifs montre bien que des leaders comme ceux du CAR ou de la CDPA ou ceux de la CPP ou du PDR (quand ces derniers se proclamaient encore de l’opposition) n’accepteront jamais de s’aligner derrière le “Maréchal” comme ils ont coutume d’appeler Gilchrist Olympio depuis 1998, par dérision. La direction de l’UFC le sait tout aussi bien que quiconque.

C’est pourquoi la proclamation bruyante de rassembler autour du candidat de l’UFC relève bien plus d’un effet d’annonce qu’autre chose. En fait, (et il faut le relever), en annonçant ainsi à grand bruit et dans la précipitation la candidature d’Olympio aux présidentielles de 2010, la direction de l’UFC voulait simplement devancer ses concurrents potentiels du courant majoritaire et, autant que possible, leur couper l’herbe sous les pieds.

La pratique est habituelle à l’UFC. Qu’on se souvienne : après la modification arbitraire de la constitution de 1992 en 2002, Gilchrist est allé dire à Agoe qu’en raison de cette “loi scélérate”, aller aux élections prèsidentelles de juin 2003 n’avait plus de sens pour l’opposition. Ce qui est fort juste. Et la CDPA-BT avait applaudi. Mais ayant constaté sur place que ses concurrents habituels du courant majoritaire (Agboyibo, Kodjo et d’autres encore) se préparaient activement à se rendre à ces élections en dépit de tout, 8 jours après son retour à Paris, Gilchrist lance sa candidature pour ces présidentielles-là. C’était de toute évidence pour les devancer.               

L’annonce de la candidature d’Olympio par le congrès de son parti et la résolution prise dans le dit congrès de rassembler toute l’opposition autour de ce candidat, traduisent ainsi ces rivalités ataviques que les chefs des partis du courant majoritaire entretiennent entre eux pour le pouvoir ou, à défaut, pour la première place. Mais il faut reconnaitre que le choix apparait être fait dans les règles, conformément aux statuts du parti. Sans être en mesure d’affirmer qu’il était fait à la suite d’un vote régulier comme dans tout parti politique démocratique qui se respecte, ou tout au moins qu’il est le fruit d’un consensus (mou ou enthousiaste peu importe), le choix semblait avoir recueilli une adhésion générale au sein du parti.

Dans tous les cas, il n’a pas été remis en cause jusqu’en février 2010. Et pendant les 21 mois qui ont couru depuis le Congrès jusqu’à la veille du scrutin de 2010, Gilchrist Olympio est apparu devant l’opinion comme le candidat investi par son parti. Et de fait, depuis 2008, l’UFC a présenté Gilchrist Olympio comme son candidat. Il a été perçu comme tel dans tous les dialogues et autres négociations qui ont accompagné la préparation du scrutin. L’importance accordée par l’UFC à la question de la double nationalité était, de toute évidence, intimement liée à ce choix.

Puis, quelques jours avant la clôture des candidatures, coups de théâtre en cascade : la direction de l’UFC annonce Jean Pierre Fabre comme le candidat du parti à la place de Gilchrist Olympio. On a alors parlé de “candidature de recours”. Alors que des tractations étaient encore en cours à Lomé pour trouver un candidat unique à opposer au candidat du régime, un “facilitateur” sort du néant dans la diaspora pour régler le problème, non plus de la candidature unique de l’opposition, mais d’un candidat unique à opposer à Faure Gnassingbe.

Parmis les 7 candidats en lice, le “facilitateur” invite le 11 février 2010, chez lui à Paris, “le candidat de recours” de l’UFC, le candidat du CAR (Agboyibo), celui de la CDPA (Adjamagbo), celui de l’OBUTS (Agbeyome) et M. Kofi Yamgnane dont la candidature venait d’être rejetée. Le candidat du CAR et celui de la CDPA vont claquer la porte le jour même pour des raisons sur lesquelles il importe toujours de faire toute la lumière. Il ne reste plus que le supposé “facilitateur”, le candidat de recours, le candidat de l’OBUTS et Kofi Yamgnane à cette réunion du 11 février. Ces quatre personnes consacrent Jean-Pierre Fabre comme candidat unique de l’opposition, créent le FRAC pour le soutenir et se partagent les rôles au sein de ce FRAC comme on l’a vu.

Mais une fois de retour à Lomé, Agbeyome Kodjo claque la porte du FRAC à son tour et prend ses libertés. Jean-Pierre Fabre, ses amis de l’UFC et Kofi Yamgnane parviennent à étoffer le FRAC par des partis candidats qui n’ont pas participé à la réunion de Paris, et qui, de toute évidence, ne sont pas plus informés sur la genèse du FRAC que ceux qui ont appris de loin sa création. Chemin faisant, le candidat unique proclamé à Paris devient tantôt le candidat de l’UFC, tantôt le candidat du FRAC, tantôt le candidat de l’UFC-FRAC…

Ces faits ont produit une situation confuse au sein de l’UFC et au sein de l’opposition dans son ensemble. L’impression dominante parmi les membres de l’UFC eux-mêmes, comme au sein de la population, est qu’une sorte de coup d’Etat est monté contre Gilchrist Olympio par ses propres “hommes ressources”. Le chef de l’UFC laissera clairement voir que quelque chose s’est tramé sans lui et contre lui, avec la complicité d’hommes qui ne l’ont jamais porté dans leur cœur, et qui souhaitent fortement son effacement de la scène politique togolaise. Ces hommes au demeurant ne sont même plus les Kodjo, les Agboyibo et les Gnininvi comme autrefois. Ce sont désormais de nouveaux venus sur la scène politique au titre d’opposants aspirant avant tout au pouvoir, et avec lesquels le chef de l’UFC ne s’est jamais encore directement confronté dans l’arène politique.

Et quand la confusion va commencer à se lever comme un mauvais brouillard, on se rendra alors compte que la direction de l’UFC avait commencé à être gangrenée par les prémisses d’une scission, avec des déclarations souvent à l’emporte-pièce, et qui ressemblent si bien à de vieux règlements de compte, comme cela arrive couramment dans un parti politique dont les adhésions ne sont pas portées par des convictions fortes, mais par l’opportunisme politique et des comportements d’arrivistes. Les faits survenues depuis l’annonce de la candidature de Jean-Pierre Fabre montrent que la descente aux enfers de l’UFC se poursuit, et que personne n’est encore en mesure de prévoir la suite.

Aucun parti politique n’est à l’abris de dissensions internes. C’est pour éviter celles-ci autant que possible, ou pour arriver à leur trouver les meilleures réponses possibles, que les partis politiques, en tant qu’organisation, se donnent des statuts et des réglementents intérieurs. C’est aussi pour prévenir ces dissensions que les décisions prises au sein du parti se doivent d’être conformes aux dispositions statutaires, et que les mécanismes de la prise des décisions doivent être démocratiques. Sans cela, les décisions que l’on prend courent toujours le risque de ne pas être réglémentaires, d’être illégitimes par conséquent.

Il se trouve que la désignation, par un parti politique, de son candidat aux élections présidentielles dans un pays est un acte d’une importance capitale. Non pas seulement pour le parti en question et ses adhérents, mais aussi pour toute la population, car ce candidat pourrait se retrouver à la tête de l’Etat au lendemain du scrutin. Sa désignation comme candidat doit donc se faire selon les dispositions réglementaires du parti, et en toute transparence pour les citoyens. Elles doit éviter de laisser un arrière goût de magouilles et de manipulation de l’opinion.

Sous cet angle, la désignation de Gilchrist Olympio comme candidat de l’UFC aux présidentielles de 2010 est statutaire, ne serait-ce que parce qu’elle est faite au cours d’un congrès national du parti. Il est clair qu’on ne peut pas en dire autant de la désignation de Jean-Pierre Fabre, laquelle semble être faite dans un climat de mésentente au sein du parti, et de manœuvres tant à l’intérieur de l’UFC qu’à l’extérieur de ce parti, au niveau d’organisations et d’acteurs politiques qui ne portent pas Gilchrist Olympio dans leurs coeurs.

En tous les cas, la désignation de Jean-Pierre Fabre n’a pas fait l’objet d’une procédure transparente. Elle ne semble pas avoir été faite dans le respect des statuts du parti. Si non, elle n’aurait pas créé dans l’organisation cette guéguerre dont on voit mal encore l’issue. Et il faut souligner que dans la foulée, le FRAC et les conditions de sa création ont singulièrement accru l’opacité.

Le simple fait d’être de l’opposition au régime de dictature invite chaque opposant et chaque citoyen togolais à s’intéresser à la situation qui prévaut au sein de l’UFC depuis la veille des présidentielles de 2010. Il ne s’agit pas de prendre parti pour l’un ou pour l’autre des deux camps en face. Il s’agit de chercher à mieux comprendre, afin de se faire un jugement lucide et mieux mesurer les conséquences d’une telle situation sur la lutte d’opposition en cours. On est d’autant plus tenu à cela que l’UFC passe, à tort ou à raison, pour le plus grand parti d’opposition dans le pays.

La lutte d’opposition en cours est une lutte pour la démocratie. A ce titre, elle doit être menée par des voies démocratiques. Celles-ci excluent tout ce qui est ou peut ressembler à une atteinte aux droits de l’homme et à l’irrespect de la dignité humaine. Elles sont également incompatibles avec le mensonge, les manœuvres politiciennes, l’opacité dans la conduite des affaires publiques, la manipulation de l’opinion, la rétention de l’information, la désinformation…

En tant que parti d’opposition à un régime de dictature, la CDPA-BT se sent fortement concernée par cette situation. Tout ce qui affaiblit l’opposition éloigne d’autant le pays de la démocratie et de sa capacité à améliorer les conditions de vie de la population. En se battant contre le régime de dictature, la CDPA-BT se bat pour la justice sous toutes ses formes. Elle reste convaincue qu’en politique comme ailleurs dans la vie, la fin ne justifie pas les moyens. Une autre politique est encore possible.

Fait à Lomé, le 10 Juin 2010

Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire

Prof. E. GU-KONU

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