
Comme on le sait maintenant, le 14 juin 2013, le couple CST/ARC-EN-CIEL a tenu avec le régime un pseudo dialogue secret, un “mini dialogue top secret” comme on l’appelle ici. Les représentants des partis du couple à ce faux dialogue sont Me Dodji APEVON pour le CAR, Edem ATANDJI pour l’ANC, Agbéyomé KODJO pour OBUTS et Brigitte ADJAMAGBO pour la CDPA. La délégation du pouvoir est conduite par Gilbert Bawara.
Comme on le sait également, les responsables du couple CST/ARC-EN-CIEL n’ont pas arrêté de revendiquer un nouveau dialogue depuis la dernière tentative de négociation, où ils avaient claqué la porte à la barbe des représentants du pouvoir et de ses alliés. Ils ont bruyamment fait de cette revendication une condition sine qua non, non pas de leur participation éventuelle au scrutin, mais de la tenue même des élections : “Pas de dialogue, pas d’accord, pas d’élections”, ont-ils martelé à plusieurs reprises, en faisant croire qu’ils ont les moyens de leurs discours musclés.
De son côté, le régime ne voulait plus entendre parler d’un nouveau dialogue, comme pour se venger du comportement des responsables du CST lors du dernier dialogue, où ils avaient claqué la porte pour manifester leur désaccord sur les conditions d’organisation de la rencontre. Et il l’a fait publiquement savoir par la voix tonitruante de Bawara, dans la logique des “chiens aboient, la caravane passe”, et avec une volonté manifeste de passer en force pour organiser les élections.
Pour le couple CST/ARC-EN-CIEL, comme pour le pouvoir, le “mini dialogue top secret” est ainsi, avant tout, une manière de sauver la face. Pour le pouvoir, faire un vrai dialogue après avoir fait proclamer avec tant de force par son turbulent ministre de l’intérieur qu’il n’y aura pas de dialogue, c’est donner le sentiment de désavouer les propos outranciers de Gilbert Bawara, et de donner le sentiment de faire marche arrière.
Pour les chefs du couple, qui “ne veulent pas boycotter les élections”, le “mini dialogue top secret” est devenu une occasion inattendue pour aller déposer leurs dossiers de candidature, tout en sachant pertinemment que les conditions de la transparence et de l’équité du scrutin ne sont pas réunies. C’est également une occasion de gagner un point auprès de leurs partisans, en agitant la libération des dix détenus comme une concession arrachée de haute lutte au régime.
Dans cette situation embrouillée à loisir, c’est en réalité le rapport des forces qui a joué une fois de plus en défaveur de toute l’opposition. Les responsables du couple CST/ARC-EN-CIEL n’ont pas pu imposer leur “dialogue franc et sincère” au pouvoir malgré leur tournée en Europe ; ce qui n’est guère surprenant. Par contre, tout laisse voir clairement que c’est le régime qui a imposé aux partis du CST/ARC-EN-CIEL le “mini dialogue top secret”, le faux dialogue qu’il a, en plus, voulu “informel” selon la presse.
De toute évidence, c’est à prendre ou à laisser. Et comme ces partis n’ont pas cessé de proclamer qu’ils ne veulent pas boycotter les élections, et qu’ils se savaient, au même moment, incapables de les empêcher contrairement à leurs promesses, ils n’avaient plus qu’à sauter sur l’occasion du prétendu dialogue pour avaler les vilaines couleuvres. C’est ce qu’ils ont fait, et qui leur a ouvert la voie leur permettant de se précipiter pour aller déposer, à la dernière minute, leur candidature devant cette même CENI dont ils ont, à juste titre pourtant, dénoncé les modalités de la mise en place et la composition. On est habitué aux incohérences politiques du courant dominant de l’opposition, dont le couple CST/ARC-EN-CIEL n’est qu’une recomposition. Aussi, ne constituent-elles pas le fait le plus préoccupant dans cette situation confuse où vont se dérouler les élections le 21 juillet. Pour ce scrutin, les responsables du CST/ARC-EN-CIEL font exactement ce que le courant dominant de l’opposition a toujours fait lors de toutes les élections passées : ils se précipitent au scrutin à la dernière minute, en sachant bien que les conditions de transparence et d’équité ne sont pas remplies.
Et pourtant, le 4 avril 2012, à la fin de la conférence de presse où la création du CST est portée à la connaissance du public, on a bien entendu des responsables du Collectif proclamer aux journalistes : “les tripatouillages de la constitution ont verrouillé le dispositif des élections et reproduisent à l’infinie les victoires électorales frauduleuses du RPT… ; nous avons accepté d’aller aux élections dans ces conditions-là… ; nous acceptons de participer aux élections dans n’importe quelles conditions… ”.
On peut tout logiquement tirer de ces déclarations la conclusion suivante : “Nous ne participerons plus aux élections dans ces conditions … Nous n’accepterons plus de participer aux élections dans n’importe quelles conditions…”.
Proclamer toutes ces choses sans sourciller, puis courir déposer sa candidature à l’issue d’un “mini dialogue top secret”, qui n’a changé en rien ces conditions en bien, n’est pas seulement l’expression d’une démagogie inacceptable. C’est un coup de couteau froidement donné dans le dos de la masse des opposants. C’est une trahison de plus du courant dominant de l’opposition.
La nature même de ce prétendu dialogue (un “mini dialogue”) et son caractère “top secret” sont des circonstances aggravantes. Les représentants du couple ont demandé “un dialogue franc et sincère”, organisé sous l’égide d’un médiateur. Le régime leur impose un “mini dialogue”, qu’il a voulu en plus “informel”, autrement dit sans règle déterminée, sans caractère officiel. Et ils ont accepté d’y siéger !
Que se sont-ils dit au cours de ce faux dialogue ? En dehors de la libération sous condition de dix des détenus, sur quoi d’autre le régime et le couple CST/ARC-EN-CIEL ont-ils fait un consensus ? Quelles circonscriptions électorales le pouvoir a-t-il accepté d’octroyer aux responsables du couple pour se donner une “opposition parlementaire” taillée sur mesure ?
A partir du moment où le faux dialogue est en plus tenu secret, toutes les compromissions possibles sont envisageables. Il est significatif que, dans tout ce qu’ils ont dit jusqu’à présent à l’opinion pour se justifier, les dirigeants du CST/ARC-EN-CIEL n’ont rien révélé sur le contenu des discussions qui eurent lieu au cours du prétendu dialogue !
Dans tous les cas, les conditions de la transparence et de l’équité des élections ne sont pas réunies. Les dirigeants du couple le disent eux-mêmes. En plus, l’état du rapport des forces rend la situation bien plus défavorable à toute l’opposition que dans le cas des scrutins passés.
Les exigences d’une politique d’opposition cohérente n’admettent pas d’aller déposer une candidature dans ces conditions. Même pas à titre conservatoire.
Face à une telle situation, la CDPA-BT demande à chacun des inscrits sur les listes électorales de juger, chacun en son âme et conscience, avant de répondre à la question suivante : Faut-il continuer d’aller voter, pour qu’à chaque fois une prétendue opposition parlementaire toujours minoritaire continue d’accompagner le régime en place, et de lui permettre, par cette incohérence politique, de se maintenir indéfiniment au pouvoir au mépris de la volonté du grand nombre ?
Fait à Lomé le 27 juin 2013.
Pour la CDPA-BT
Le Premier Secrétaire
Prof. E.GU-KONU