Burkina : « Un coup d’Etat probable » selon les services occidentaux

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La situation au Burkina préoccupe les principaux partenaires du pays. Tous ont envoyé des signaux très clairs indiquant leur refus de cautionner « le tripatouillage » de la constitution qui est projeté. Les partisans, les plus zélés du régime, pensent qu’une surenchère, sur le mode « nous avons le peuple avec nous », pourraient contraindre les partenaires, à défaut de cautionner, d’adopter une position de « neutralité ». Sauf que la situation évolue trop vite…

La situation est plus complexe qu’il n’y paraît. Même si pour nombre de Burkinabè, il n’est pas imaginable que le contrôle des choses échappe à Blaise Compaoré. Et si par la force des choses nous étions exactement dans ce cas de figure. Ceux qui fréquentent les arcanes du pouvoir constatent presque médusés comment les cercles de décision se forment et se reforment autour du président, avec comme maître mot « le trafic de la réalité » pour ne pas dire le mensonge. Un exemple tout bête pour l’illustrer, l’heure du début du conseil des ministres de Bagré. Le compte rendu officiel dit que la séance du conseil a débuté à 9 heure et à pris fin à 12 heures. Donc trois heures de conseil. Or tous les journalistes sur place ont vu l’hélico du président se poser exactement à 11h 30 mn. A Bagré la séance du Conseil n’a duré qu’une bonne trentaine de minutes. Ce détail est loin d’être anodin et jette un voile sur la sincérité des comptes rendus des conseils des ministres.

A savoir est-ce que vraiment le président les préside tous et est-ce qu’il reste toujours jusqu’à la fin, quand il est présent. Il s’ensuit que Blaise n’est pas aujourd’hui loin de ressembler à Bouteflika, avec des marionnettistes qui orchestrent des décisions dont la coordination laisse à désirer. Ils ont un objectif commun par contre, constituer un cordon étanche autour du président pour le protéger au maximum et éviter que ses faiblesses n’apparaissent de façon évidente à tous. Pendant ce temps, ce qui en reste du parti, avec l’appui de la FEDAP/BC et le renfort du « front Républicain » joue la diversion. Mais dans les cercles il y en a qui prennent très au sérieux leur rôle. C’est le cas de la Belle mère nationale, convaincue qu’elle joue sa vie dans le processus en cours. Le Larlé naaba a relaté récemment, dans une interview à nos confrères du « Lefaso.net », la sibylline conversation qu’il aurait eue avec elle et qui se serait terminée par ces mots, pleins de sous entendus « Dieu nous aide tous ». Le Larlé ne serait pas seul à souper de l’humeur massacrante de la belle mère. Elle ferait vivre actuellement toutes les humiliations, à une dame, épouse d’un des chefs du MPP, qui travaille à la chambre de commerce. Kosyam est présentement enveloppé dans une ambiance de terreur semblable à celle qui a entouré le Bunker de Cocody, durant les derniers moments du pouvoir du Woody, avec les escadrons de la mort et les patriotes en moins. Quoique sur la question des escadrons de la mort, d’anciens proches du palais, aujourd’hui en rupture de ban, alertent de façon insistante sur une liste noire de « sept personnes » dont les têtes seraient mises à prix. Il ne nous a pas été possible de vérifier le sérieux de cette information. Mais elle émane de sources qui savent bien les procédés du régime, en cette matière. Les projets de coup d’Etat Les services occidentaux n’excluent plus la survenue d’un coup d’Etat, contre le président Compaoré. Il y en aurait de deux ordres. Un projet proche du palais, une sorte de révolution de palais, qui éviterait que le pouvoir ne tombe dans les mains de l’opposition et surtout pas du MPP. Il consisterait en un coup à la général Gueï, dans une perspective, que le pouvoir revienne à un proche ou au candidat de la majorité actuelle, au terme d’un scrutin qui interviendrait dans des circonstances maîtrisables. Les rôles sont à peu près distribués, avec même un probable « Gbagbo ». Pour les proches du président, le raisonnement est exactement semblable à celui qui avait cours en Côte d’Ivoire et qui a permis à Gbagbo d’arriver au pouvoir. C’est « le tout sauf le MPP ». « Ils n’auront pas ce pouvoir, quel qu’en soit le prix ». Le deuxième projet serait l’œuvre d’officiers intègres et démocrates qui pensent qu’il faut « maintenir la constitution en l’état ». Pour ces officiers qui ne sont plus aussi muets que ça, le président Blaise Compaoré devraient partir en 2015. Dans les casernes où leur lieu de travail, ces officiers n’hésitent plus et se prononcent ouvertement y compris en présence d’intrus, dont ils savent qu’ils pourraient relayer leurs propos. Ces officiers par contre ne feront rien avant la décision officielle de recourir au référendum. Si le président décidait d’un référendum, ces officiers pourraient faire entendre leur voix. Il s’agirait peut-être « du prétexte évoqué par les médiateurs auto saisies ». Le président Blaise Compaoré n’ignorerait pas l’existence de ce projet. En début janvier 2014, dans la dernière entrevue qu’il a eue avec les Roch, il y avait fait allusion. La logique du lépreux ! Blaise Compaoré sait que son projet de se maintenir au pouvoir après 2015, ne sera pas accepté aussi bien au niveau national qu’international. Tout le monde attend qu’il franchisse le Rubicond. Il sait donc qu’il y a un risque énorme. Mais est-il encore maître des décisions ?

A Tenkodogo, au cours d’un meeting qui a succédé à un bain de foule chahuté, (des élèves portant des pancartes hostiles ont contraint les organisateurs à supprimer toutes les pancartes favorables au référendum), Blaise Compaoré a été réduit à parler en parabole. Il a interprété la mobilisation des populations de Tenkodogo, comme un engagement « à continuer à ses côtés à construire la patrie ». En retour il a « réaffirmé qu’il était avec les populations pour faire avancer le Burkina ». Un discours escamoté par les circonstances, puisqu’il a été contraint quelques instants avant à se mettre à l’abri, pour éviter les quolibets des jeunes qui s’étaient massés pour crier leur « non » à la révision de l’article 37. La garde présidentielle a pu les contraindre à ranger leurs banderoles hostiles. Mais par précaution à leur hauteur, le président a été prié de se mettre à l’abri dans sa décapotable, pour ne pas entendre « les méchancetés de ces jeunes ». Ainsi averti, on peut comprendre, qu’il ait évité d’annoncer son référendum en des termes plus explicites. Blaise Compaoré garde certainement en tête, que les malheurs de Sankara s’étaient révélés un certain 2 octobre 1987 à Tenkodogo. Lui aussi en fin de règne, aura vécu à Tenkodogo, son premier affront public. Comme en 1987, le destin semble s’être emballé. En son temps avait-il dit, la maîtrise des choses, lui avait échappé. Mais elles lui avaient tout de même bénéficié. Cette fois, tout montre que les choses lui échappent à nouveau ; mais à son détriment. Peut-être qu’au moment où vous lisez ces lignes, il a fait à Réo, en marge de la rencontre avec les maires du Burkina, l’annonce fatidique. A Réo, que Luc Tiao maîtrise parfaitement, il est en terrain conquis. Blaise Compaoré annoncera donc, qu’il convoque le peuple au référendum pour qu’il choisisse « le progrès continu avec Blaise Compaoré » ou le « chaos avec les traitres de l’opposition ».

Newton Ahmed BARRY

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