Il va sans dire que ce magnat n’a cure des conditions de vie et de travail des ouvriers ou employés africains ni des règles de base du business international
L’illustre homme d’Etat kényan Jomo Kenyatta, digne fils de l’Afrique, disait : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés ; lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible. »
Lors du somment UE-Afrique du 9 décembre 2007, Nicolas Sarkozy, alors président, lançait à Faure Gnasingbé (selon le Canard Enchaîné) « Bolloré est sur les rangs. Quand on est ami de la France, il faut penser aux entreprises françaises ». C’est ainsi que le sort du Port Autonome de Lomé (PAL) fut scellé. Faure voulant la caution du « maître français » et, en contrepartie, le maître cherchant à obtenir la concession du PAL à son vieil ami et sponsor Vincent Bolloré. Un joli tableau de troc des temps modernes. Consécration de ce deal hideux, Faure fut reçu à l’Elysée un an après, le 20 novembre 2008. En dehors de gains énormissimes qu’engrange Bolloré au détriment des intérêts des Togolais, ce deal a fait une autre victime collatérale à savoir Jacques Dupuydauby et son groupe Progosa SA, pourtant ancien associé de Bolloré.
Comme pour confirmer notre interrogation de départ, François Hollande, nouvellement élu président, reçut lui aussi Faure Gnasingbé le 15 novembre 2013 et déclara, entre autres, « Nous avons aussi une coopération économique qui a été encore renforcée ces dernières heures, notamment par rapport au port de Lomé. L’Agence française de développement joue tout son rôle ; les entreprises françaises répondent à des appels d’offre qui peuvent leur être lancés… ».
A partir de ce cas togolais, nous voudrions affirmer ici que Bolloré est le nouveau visage de la machine françafricaine sur le continent noir, comme le fut en son temps, l’entreprise ELF. Le groupe Bolloré, qui pèse 1,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Afrique, avec plus 20 000 salariés dans plus de 40 pays, est en train de mettre en œuvre sa nouvelle stratégie : « mettre la main sur les principaux ports du continent ». La réalité est qu’il y parvient. Après avoir arraché la gestion du Port de Douala au Cameroun au même groupe de M. Jacques Dupuydauby, ce fut le tour du PAL de passer sous sa direction, toujours avec l’appui très prononcé et la bénédiction de l’Elysée. Et tout ceci, par des manières cavalières, en dehors de tout usage conventionnel ou toute orthodoxie du business international. Cela lui vaut d’ailleurs de multiples plaintes en France comme dans les différents pays de ses opérations carnassières pour, entre autres, « favoritisme et corruption », même si le parrain élyséen et l’arrosage des potentats locaux lui permettent de se sortir, pour le moment, de quelques unes. Il faut savoir que le groupe Bolloré gère aussi les ports d’Abidjan (Côte d’Ivoire), de Lagos (Nigeria), de Cotonou (Bénin) et de Pointe-Noire (République du Congo).
Il a suffi de quatre portiques « bas de gamme » et deux grues mobiles pour que les griots de la mafia Françafrique louent à tue-tête la solidarité, l’intérêt de Bolloré pour le développement de l’Afrique, voire la magnanimité de papa Bolloré. Ce geste de magnat français vaut la cession à son groupe du port de Douala. Selon des propos d’un de ces griots camerounais rapportés par le site camnews24.net dans un billet intitulé Voici pourquoi il faut chasser Vincent Bolloré, « ces quatre portiques de parc joueraient depuis leur opérationnalité depuis le 12 août 2014 un rôle essentiel dans l’amélioration de la productivité du terminal. Notamment dans l’accélération et le traitement des conteneurs à l’import… ». L’individu, tellement envoûté par la « bienveillance » de Bolloré, pousse le bouchon à un niveau extraordinaire en chantant « … Ce qui est une contribution efficace et efficiente de la DIT (Douala international terminal, filiale du groupe Bolloré) dans l’opération d’urgence de décongestionnement du port de Douala qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. Au point que certains en ont profité pour faire une campagne de sabotage à l’endroit du groupe Bolloré ».
Le site confrère va plus loin en affirmant que cette histoire de portiques et de grues ne serait que du pipo. Fustigeant l’attitude de certains de nos compatriotes africains à toujours se mettre du côté des prédateurs, de l’impérialiste contre l’intérêt supérieur de la Mère Afrique, contre bien sûr quelques billets et positions qu’ils pensent gratifiantes, le confrère relate comment des employés de plantations du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Liberia et de Sierra Leone, qui, lors l’Assemblée Générale du groupe Bolloré du 5 juin 2013, avait été traités par ces larbins de griots d’ « Africains insouciants qui veulent tuer la poule aux œufs d’or par leurs revendications excessives » . Le seul tort de ces employés était la réclamation de meilleures conditions de vie et de travail dans les plantations africaines du groupe Bolloré, l’accès des riverains à leur espace vital et, enfin, le respect des engagements de Bolloré en matière de développement économique.
Voilà où nous en sommes avec les soi-disant « bonnes actions » voir « investissements d’avenir » du groupe Bolloré dans nos pays dont le Togo. Il va sans dire que ce magnat n’a cure des conditions de vie et de travail des ouvriers ou employés africains ni des règles de base du business international. Nous dirons même encore moins des intérêts des pays ou de l’Afrique. Le seul intérêt qui vaille pour Bolloré, c’est de se remplir les poches autant que faire ce se peut ; le reste pour lui n’est que futilité. Il faut dire qu’il a vraiment les moyens pour y parvenir à savoir le parrainage élyséen, les larbins de potentats locaux avec leurs hordes de griots alimentaires.
Un constat haut en importance ne trompe pas. Le groupe Bolloré pèse, nous l’avons déjà dit, environ 1,4 milliards d’euros de chiffe d’affaires en Afrique. Pourtant, si on observe de près les actionnaires du groupe, personne d’autres que son épouse, leurs enfants, des avocats français, des assureurs, etc. tous donc français ou européens. Pas un seul Africain.
Enfin, nous en appelons à la responsabilité et au panafricanisme des filles et fils de la Mère Afrique. Ce groupe n’a aucune espèce de respect pour rien, ni mêmes pour les Directives européennes en la matière. Chez nous, il use allègrement de pratiques anticoncurrentielles, d’ententes illicites, d’abus de position dominante, et que savons-nous encore !
Nous nous joignons à nos confrères de camnews24.net en appelant les Africains hommes d’affaires à attraire Bolloré et son groupe devant les juridictions de l’Union Européenne car tout y est au sein de ce dernier. Les filles et fils du continent noir doivent se coaliser, si besoin est, pour récupérer nos ports afin d’y investir pour un vrai développement de nos pays à travers de retombées économiques importantes existantes et, au-delà, pour le bien de nos populations qui en ont énormément besoin.
Méditons toutes et tous, régulièrement, sur la leçon de Jomo Kenyatta : « Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés ; lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible. »
La Rédaction de Fenêtre sur l’Afrique
Radio Kanal K, Suisse