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Coupée du reste du monde par les sanctions et confrontée à la menace d’Al-Qaida et des rebelles touaregs, la junte militaire au pouvoir au Mali depuis le 22 mars 2012 se trouve aujourd’hui acculée. Mais depuis le retour, en date du 2 avril dernier, au Nord-Mali du leader d’al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) Mokhtar Belmokhtar (alias « Laaouar ») est de retour dans le nord du Mali. Son retour intervient après que les rebelles touaregs eurent mis à profit le vide consécutif au coup d’Etat pour prendre le contrôle de cette vaste région désertique du Mali.
Depuis janvier dernier, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) lutte aux côtés du groupe islamiste Ansar Dine, qui souhaitait imposer la charia dans le pays.
Mais le lundi dernier, le leader d’Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, est arrivé à Tombouctou en compagnie des combattants d’AQMI et a délogé le MNLA de la ville qui se dirige vers le Burkina-Faso au sud.
Appelé sous le sobriquet de « l’Inattrapable », Belmokhtar, âgé de 39 ans, de son vrai nom Khaled Abou El Abass, est un membre fondateur du GSPC, le précurseur d’AQMI et se trouve au côté de Iyad Ag Ghaly. Il dirige désormais la katibat d’AQMI qui couvre l’Algérie, le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie.
L’heure est grave pour le Mali
Depuis le mardi 3 avril dernier, l’Union africaine a imposé, une interdiction aux voyages et a gelé les actifs de la junte militaire malienne après que les leaders du coup d’Etat n’eurent pas rétabli l’ordre civil. Les sanctions de l’UA sont tombées un jour après que la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) eut imposé un large embargo au Mali enclavé à l’issue de sa réunion d’urgence à Dakar.
« Toutes les mesures diplomatiques, économiques, financières et autres sanctions s’appliquent à compter d’aujourd’hui et ne seront pas levées avant que ne soit rétabli l’ordre constitutionnel », déclarait le Président ivoirien et actuel président de la CEDEAO Alassane Dramane Ouattara.
Il a également annoncé que la CEDEAO mobilisait une force militaire pour contrer une véritable mosaïque de sécessionnistes touaregs qui contrôlent désormais le nord du Mali. Le président du bloc régional a également demandé aux Etats voisins de respecter cet embargo contre le Mali et d’interrompre toutes leurs fournitures de carburant et d’armes aux rebelles.
Par la même occasion, il ajoutait que la communauté internationale accepterait d’apporter si nécessaire un soutien militaire, financier et matériel à la CEDEAO. Avant de faire part de son espoir de parvenir à une solution pacifique par le biais de la négociation, pour convaincre les Touaregs de se retirer des régions qu’ils contrôlent désormais.
Lors du sommet de Dakar, le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé a précisé que « Paris soutient les efforts de la CEDEAO et est disposé à lui apporter un soutien pour résoudre la crise dans le nord du Mali par l’intermédiaire du Conseil de sécurité, si nécessaire ».
Pour réagir à l’embargo de la CEDEAO, le leader du coup d’Etat au Mali, le capitaine Amadou Aya Sanogo, a déclaré qu’il avait pris note des sanctions et a fait part de sa volonté de négocier avec le médiateur burkinabé pour trouver une solution.
Auparavant, la semaine dernière, le capitaine Sanogo avait déclaré que le CNRDRE (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat) remettrait le pouvoir à un gouvernement intérimaire. Et le Dimanche dernier, la junte s’était engagée à restaurer la constitution de 1992.
Mais la promesse des fleurs n’a pas tenu celle des fruits. La nouvelle proposition du capitaine Sanogo a été rejetée par la classe politique malienne, qui l’a considérée comme une tentative de perpétrer le régime militaire. Kassoum Tapo, porte-parole de l’Alliance pour la démocratie au Mali (ADEMA), opposée au coup d’Etat, est arrivé à déclarer qu’il était ironique de voir la constitution et les institutions restaurées alors que le conseil militaire, qui n’a plus aucune justification dans le cadre d’un régime républicain et démocratique, serait maintenu. La question est maintenant la suivante : quel rôle le conseil militaire compte-t-il jouer ? »
Pendant que le CNRDRE lutte pour sauver son bifteck, les rebelles touaregs clament sur tous les toits qu’ils contrôlent désormais l’ensemble de la région de l’Azawad après la prise de Tombouctou, le dimanche dernier. Dans la foulée les rebelles touaregs islamistes d’Ansar al-Din hissent leur drapeau noir dans le camp militaire de Tombouctou, tout comme ils l’ont fait à Gao et Kidal.
Ces rebelles islamistes, qui combattent aux côtés du Mouvement national pour la libération de l’Azaouad (MNLA), d’obédience plus laïque, cherchent à imposer la charia et ont dans le passé été accusés de travailler avec al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI).
Les rebelles fredonnent
Selon les dernières informations, les rebelles touaregs avanceraient en direction du sud à partir de Tombouctou. « Les Touaregs ont été vus près de Mopti, et aucune présence de l’armée malienne n’a été constatée dans cette région pour tenter de contenir leur avance », déclare le ministre français de la Coopération, Henri de Raincourt, sur les antennes de RFI.
Le ministre n’a pas exclu la possibilité que la capitale malienne soit visée par des éléments d’al-Qaida ou par le groupe terroriste nigérian Boko Haram. La France a demandé à ses ressortissants de quitter le Mali au vu de la dégradation de la situation sécuritaire.
« La nouvelle situation au Mali contraint le Sahel à vivre une crise sans précédent, parce qu’elle donne aux mouvements terroristes, aux gangs de trafiquants et aux chefs des bandes armées la possibilité de se déplacer librement pour la première fois depuis le début de leur présence dans la région, au début des années 1990 », indiquent les analystes.
Dans le feu des actions le leader d’Ansar al-Din, Iyad Ag Ghaly, est allé au-delà de la revendication de libération de l’Azawad en appelant à l’application de la charia islamique, non seulement dans le nord du Mali, mais aussi dans le sud du pays.
En effet, Ansar al-Din cherche à étendre son influence dans le sud, à Tombouctou, dans le but d’atteindre les villes peuplées par des Maliens Bambara, pour y faire appliquer la charia ; cela signifierait un nouveau bouleversement dans la région, à moins que le monde ne réagisse.
« Tous les indicateurs montrent que le slogan et l’empreinte d’al-Qaida sont fortement présents dans ce conflit », mettent en garde les experts.
Au même moment, le nord du Mali est inaccessible. Quelque 90 000 personnes déplacées qui se trouvaient à Gao, Tombouctou et Kidal, sont aujourd’hui « sans assistance ». De nombreuses sources témoignent des saccages et des pillages à Tombouctou et Gao. Mais la situation serait beaucoup plus critique dans cette dernière ville qui n’échappe pas à la lutte de pouvoir entre les différents groupes rebelles qui y sont entrés depuis le 31 mars. Dans la confusion de nombreux pillages ont eu lieu et ont semé la panique chez les habitants. Certains ont d’ailleurs quitté la ville au motif qu’ils craignent une intervention des forces militaires de l’ONU contre les islamistes armées.
Du jour au jour, la situation alimentaire se détériore. Il n’y a plus de marchés, et la plupart des boutiques sont vides. Selon le maire Sadou Diallo, les stocks d’aide alimentaire ont été pillés. Pour l’instant, il y a encore de l’électricité et de l’eau dans la plupart des quartiers, mais il est difficile de savoir pour combien de temps encore.
Le carburant qui sert à faire tourner les groupes électrogènes commence à manquer, et sans énergie, l’eau ne pourra bientôt plus être acheminée. Il faut agir très vite assure le maire qui, ajoute qu’il y a eu ces derniers jours de graves violations des droits de l’homme : « des femmes ont notamment été violées », confirme-t-il.
En attendant, les rencontres se multiplient entre le MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad), les chefs traditionnels et des chefs religieux, afin de ramener le calme et rassurer les populations de la création d’un Etat.
Yapi N’guessan