Bernard Dadier : Faut-il regretter le temps où des gouverneurs refusaient de tuer des indigènes ?

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Une délégation de hauts personnages a parcouru la Côte d’Ivoire – caverne d’Ali Baba – sa conclusion est qu’il faut ouvrir les prisons et les bouches. N’est – ce pas la chanson qu’on entend sur la radio ?

Celle que les dames dansent avec joie et les hommes avec frénésie. Cela fait penser du plus grand ami des Noirs au gouverneur général Van Volen Noveu qui s’opposait au recrutement massif des Noirs en 1914-1918. Il était un mauvais exemple. On pensait à lui lorsque les avions en colère, sortant de leur abri de Paris et d’ailleurs volaient bas pour ne pas rater la proie.

Certes le vide dans une famille fera penser aux milliers de jeunes que les avions et leurs compères français de service ont jetés dans les abîmes des océans pour faciliter la réconciliation qu’on préparait pour panser les plaies. Boire le sang nous avait fait prendre de bonnes et nouvelles habitudes de penser qu’un autre monde était né dans les colonies – qui pour les impérialistes ne seraient peuplés que de singes et d’esclaves.

Aujourd’hui, il y a des rues qu’on ne peut emprunter, des rues devenues des casernes de militaires toujours en armes. Réconcilier. A Paris. Il y a eu épuration, prison, fusillade, tribunal, dialogue. Les armes étaient rangées. La haine aussi. Les forces armées imposées par le pouvoir dans certains quartiers font la loi. Une nuit, un coq se permet de chanter. Trois coups de feu lui imposent le silence. Les journaux tous les jours publient la photo de Gbagbo et de ses compagnons avec la mention « c’est l’armée française qui a fait le travail ». Photo exposée dans les salons pour marquer un temps de notre histoire avec la France à une époque où l’on parlait de liberté pour les colonies ; nombreux sont les indigènes qui se battent pour être Président de la République, avoir une cour, des sujets, et parler directement avec les autorités françaises et mériter le titre d’Excellence. Faut-il regretter le temps où des gouverneurs refusaient de tuer des indigènes, ce temps colonial où un juge à un prisonnier se permettait de dire « j’ai reçu l’ordre de vous arrêter ? ».

Réconcilier. Se parler. Serait-il possible de faire visiter une cellule de prison et une salle de pauvre dans un hôpital à ces candidats à la Présidence ? N’auraient-ils pas un peu plus de respect pour l’homme son compagnon de neuf mois ? de taille différente, de langue différente ?

Réconcilier, c’est aussi réclamer les salaires, rendre les objets volés, libérer les innocents.

La Vierge de Bonoua ne pleure – t – elle pas ?

Le Christ préfère le sol humide où nous prions tous aux grands palais d’où la justice est morte.

Réconcilier, c’est nous sortir des mains de ces princes coloniaux qui ont pris le monde pour siège et le nègre pour essuie-pieds.

Combien sont-ils, qui dorment ces messieurs pressés d’appuyer sur la gâchette et se voient poursuivis par leurs victimes ?

Réconcilier, n’est-ce pas aussi se libérer des cauchemars ?

BERNARD BINLIN-DADIE

Président du C.N.R.D

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