Attaques terroristes au Burkina : Quand les autorités francaises sapent la crédibilité des autorités burkinabé

0

Que se passe-t-il entre dirigeants burkinabè et français en matière de communication ? ils ne semblent pas communiquer sur la même longueur d’onde.

En effet, pendant que les autorités burkinabè disent que ce sont trois terroristes qui ont perpétré les attaques sur Kwame N’Krumah, celles françaises parlent de six djihadistes dont trois seraient toujours en cavale. Alors que les Burkinabè annonçaient qu’il y avait des femmes parmi les assaillants, l’ambassadeur de France, Gilles Thibault, démentait cette information sur Twitter. Et comme si tout cela ne suffisait pas, après que le gouvernement burkinabè a informé l’opinion nationale de l’arrivée du Premier ministre français, Manuel Valls, au pays des Hommes intègres, samedi prochain, 23 janvier 2015, Gilles Thibault a annoncé de son côté que cette visite se fera à une date ultérieure. Comme on peut le constater, bien plus que la différence des canaux de communication utilisés, c’est la contradiction des informations données par les deux parties, qui retient l’attention.

On peut penser que les Français veulent prouver l’importance de leur présence sur le territoire burkinabè

Il souffle comme un parfum de concurrence entre autorités françaises et burkinabè. Dans le meilleur des cas, il s’agirait d’un problème de coordination. En principe, on peut comprendre qu’il y ait, de prime abord, une différence entre les informations collectées par les Burkinabè et les Français en termes de consistance et de fiabilité. Il est notoire qu’en l’état actuel du développement des deux pays, les autorités françaises ont plus de moyens que le gouvernement burkinabè pour collecter des informations de première main. Rien que l’assistance portée aux forces burkinabè lors des attaques terroristes par les forces militaires et sécuritaires françaises, convainc, si besoin en était encore, de leur capacité d’intervention, à l’instar des forces américaines, à des milliers de kilomètres de leur territoire. Cela, les grandes puissances ont travaillé à s’en donner les moyens et cela fait partie des raisons de leur hégémonie dans le monde. Pour être opérationnels, les Français se sont donc donné les hommes et la logistique nécessaires, conscients qu’il leur faut l’information la plus fiable possible et en temps réel. Et compte tenu de leur devoir de rendre compte de façon transparente, à leur opinion nationale, on peut comprendre que les autorités françaises aient eu à cœur de donner l’information qui leur semblait la bonne.
Mais, il y a que cette façon de faire peut également procéder de questions stratégiques et d’intentions plus difficiles à avouer. Il n’est un secret pour personne que certaines organisations de la société civile burkinabè et non des moindres, réclament le départ pur et simple des forces étrangères du Burkina. Dans leur ligne de mire, les forces américaines et françaises déployées dans le pays, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne. On peut, de ce fait, penser que les Français qui se sentent légitimement en sursis, veulent prouver, à tout point de vue, l’importance de leur présence sur le territoire burkinabè. En démontrant que les autorités burkinabè n’ont pas, par leurs propres capacités, les bonnes informations, les dirigeants français entendent certainement prouver le caractère indispensable de leurs forces dans le pays. Ils lèvent, quelque peu diplomatiquement, un coin de voile sur le danger que pourrait représenter un éventuel départ des forces françaises, pour la sécurité du Burkina et de son peuple.

La cacophonie ne peut être ni comprise ni acceptée par les populations

C’est dire que les autorités françaises ont des raisons, objectives ou non, de publier des informations contradictoires avec celles données par le gouvernement burkinabè. Il appartenait dès lors aux autorités burkinabè d’aller à la bonne source, de mettre en place un dispositif de coopération qui leur permet d’avoir les informations les plus fiables en temps réel. Ce dispositif devrait connaître la participation, autant que faire se peut, des Américains et des Français. Du reste, on se dit que si les forces de ces pays se sont coalisées avec les soldats d’élite burkinabè pour mener les opérations de libération des otages, de neutralisation des terroristes, et d’investigation, c’est avec l’accord et la bénédiction de leurs représentants officiels que sont les ambassadeurs. On ne peut pas imaginer le contraire. On peut donc estimer que cette collaboration peut aussi s’étendre au volet communication. En tout cas, cela ne devrait pas être la mer à boire.
Ceci dit et sauf si leur attitude est dictée par des raisons inavouables, les autorités françaises aussi pouvaient faire un effort pour améliorer la coordination avec les autorités burkinabè. En tout état de cause, la nécessité pour elles de livrer la bonne information, du moins l’information la plus fiable, n’est pas incompatible avec un effort de coordination de la communication avec le gouvernement burkinabè. En effet, pour ne prendre que le cas des informations relatives au sexe des assaillants et à la visite du Premier ministre français au Burkina Faso, rien n’interdisait à l’ambassadeur de France d’alerter les dirigeants burkinabè qu’ils n’ont pas les bonnes informations. Dès lors, il aurait appartenu au gouvernement, de prendre les dispositions nécessaires pour rectifier le tir. Si tout cela relève de simples maladresses, il faudra que les protagonistes comprennent que celles-ci n’honorent aucun d’eux. Si cela procède, bien au contraire, de choix délibérés, il y a matière à s’inquiéter. On ne le dira jamais assez : l’union sacrée des hommes de bonne volonté est indispensable pour vaincre les terroristes. Et cette vérité, personne ne devrait l’apprendre aux autorités burkinabè et françaises. Il convient, de ce fait, que ces autorités resserrent au plus vite les rangs. Elles pourraient procéder, au besoin, à la mise en place d’une cellule commune de crise qui intégrerait en bonne et due place la dimension communication au profit du grand public.

La cacophonie, à ce niveau de responsabilité et en des instants si graves pour le pays, ne peut être ni comprise ni acceptée par les populations.

Par exemple, les informations contradictoires relatives au sexe et au nombre des terroristes qui ont frappé le Cappuccino et le Splendid Hôtel à Ouagadougou, sont de nature à inquiéter les populations. Ne sachant plus à quel communicateur officiel se vouer, elles peuvent être gagnées par l’anxiété. Du reste, si ce jeu du « tu publies tes informations, je les rectifie publiquement » devait perdurer, il faut craindre une réaction d’hostilité des populations, surtout vis-à-vis du gouvernement burkinabè. Une situation qui, si elle devait advenir, ferait le jeu des terroristes qui ne se feraient pas prier pour surfer sur de telles dissensions. Il est donc grand temps pour les autorités burkinabè et françaises, de se ressaisir et de travailler davantage de concert. Elles seraient bien inspirées d’éviter désormais les contradictions dangereuses qui n’honorent ni les unes ni les autres.

Le Pays

{fcomment}

Partager

Laisser une réponse