Arsène Dogba : Il dénude complètement Affi N’Guessan : « Il lutte pour le dégel de ses avoirs pas pour la libération de Gbagbo »

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 Contrairement à ce que clame Affi NGuessan, ce n’est pas pour libérer Gbagbo qu’il veut soumettre le FPI, mais plutôt pour ses intérêts personnels.

Lynx.info : Le confrère Christophe Bouabouivier parle d’Alassane Ouattara comme le « grand favori » des élections de 2015. RFI prépare-t-il déjà les esprits pour la réélection d’Alassane…

Arsène Dogba : Oui, c’est cela. Mais ce que M. Bouabouivier ne dira jamais publiquement, c’est qu’il a déjà une idée exacte des résultats de la comédie électorale de 2015 qui donne M. Ouattara largement vainqueur. Oui, le régime d’Abidjan et ses soutiens ont déjà les résultats des élections à venir. Leur problème n’est donc pas de savoir qui va les gagner, mais plutôt comment crédibiliser ces résultats préfabriqués.

Ce que vous dites est assez grave monsieur Dogba. Pourquoi à votre avis le feraient-ils ?

On se rappelle que M. Ouattara est parvenu au pouvoir sous les bombes françaises et onusiennes après les élections de 2010 qu’il a perdu. Cette action militaire ordonnée par la France et une partie de la communauté internationale continue d’être dénoncée. Et cela gêne énormément les occidentaux. Mais il y a également l’attitude irresponsable des ambassadeurs Jean Marc Simon de France et Philip Carter III des USA qui a consisté, pendant la crise, à conduire de force le président de la Commission Electorale, M. Youssouf Bakayoko, au quartier général du candidat Ouattara pour le déclarer vainqueur. Cet incident diplomatique continue d’embarrasser énormément les deux pays. Il faut donc qu’une autre élection ait lieu que Ouattara remporte pour faire oublier l’épisode honteux de 2010-2011 en Côte d’Ivoire. Les élections de 2015 semblent être, pour la France et les USA, l’occasion espérée.

Toutefois, pour bien faire, ces deux pays exigent que le pouvoir d’Abidjan parvienne à les organiser à la date constitutionnelle, 28 Octobre, et dans les mêmes conditions qu’au second tour de la présidentielle de 2010. En conséquence, le gouvernement Ouattara, aidé par certaines chancelleries et l’ONUCI, tentent depuis de mettre tout en œuvre pour que la compétition se déroule entre le RHDP avec M. Ouattara candidat et l’ancienne LMP de Gbagbo avec Youssouf Bakayoko toujours président de la Commission électorale. Les grands absents étant, bien sur, Laurent Gbagbo et Yao Ndré. Mais ce n’est pas grave pensent-ils.

Comme on le voit, ce qui reste à Ouattara et ses alliés, ce sont les conditions politiques à remplir avant le scrutin pour définitivement régler la question de l’image de la France et des Etats-Unis et celle de légitimité qui pèse lourdement sur l’actuel chef de l’état. Une fois cela réglé, ils attendront tranquillement le jour du scrutin pour humilier le FPI. Ainsi, ils pourront dire à nouveau dire à l’opinion publique que Gbagbo n’avait pas gagné les élections de 2010 et justifier ainsi l’usage de la force armée en Mars/ Avril 2011 pour le déloger et le conduire devant la CPI.

Comment expliquez-vous qu’Affi N’ Guessan soit du coup devenu une « star » des partis comme le PDCI, le RDR et de leurs médias interposés ?

Les différentes rencontres entre M. Affi et Konan Bédié, président du PDCI, membre de la coalition au pouvoir d’une part et d’autre part, ses quelques minutes de conversation avec le président Français François Hollande, en Juillet 2014, à Abidjan, ont suffi pour influencer les convictions du président du FPI. Depuis cette période, Affi a décidé de rouler pour le pouvoir et il ne rate aucune occasion pour appeler ses camarades du FPI à se soumettre. C’est une véritable déception pour les nombreux ivoiriens et Africains qui ont placé leur espoir au FPI. Affi parle même de sa participation aux élections de 2015 contre la décision des instances de son parti et alors que beaucoup de cadres de son parti sont, soit en prison sans jugement, soit en exil et plusieurs militants dans les camps de réfugiés à travers l’Afrique de l’Ouest. Le problème de M. Affi n’est donc plus de poursuivre la lutte, mais de livrer le parti à Ouattara pour certainement obtenir le dégèle de ses avoirs. Il a complément abandonné la lutte.

Dans une telle situation, où Affi est devenu l’allié de la coalition RHDP au pouvoir, il ne pouvait qu’être la « star » de la coalition au pouvoir comme vous le dites si bien. Et pour cela il est à la UNE des journaux proches du pouvoir. Il vient même de limoger le Directeur General de Notre Voie, un quotidien proche du FPI pour son soutien à Gbagbo après avoir traduit en justice deux journalistes d’un autre journal, Le Temps, proche de son parti pour la même raison. Pour son activisme contre son propre parti, le FPI, Affi NGuessan vient d’obtenir le soutien du gouvernement ivoirien pour examiner la possibilité de retirer la candidature du président Gbagbo de la liste des candidats au poste de président du FPI.

Allez aux présidentielles de 2015 avec Bakayoko à la tête de la CEI, veut dire préparez un deuxième mandat de Ouattara selon plusieurs analystes. Sur quels leviers comptent Affi N’Guessan pour faire la sourde oreille ?

Ceux qui le disent ont parfaitement raison. C’est un mandat garanti pour Ouattara. Pour nous autre, organisées dans les conditions actuelles, il serait même mieux que ces élections-là ne se tiennent pas pour économiser les 30 milliards de Francs CFA qui vont servir à leur organisation. En voulant aller à ces élections, Affi NGuessan ne compte sur rien, même pas sur les militants du FPI qui ne veulent pas en attendre parler sans que les conditions politiques et techniques minimales qu’ils exigent depuis soient satisfaites par le pouvoir en place. Malgré cela, l’homme veut légitimer le pouvoir Ouattara en envoyant le FPI à ces consultations. En retour, le pouvoir Ouattara procédera au dégel de sa fortune et ceux de ses soutiens actuels et lui donnera quelques postes ministériels dans un gouvernement un peu plus ouvert à l’opposition.

Lynx.info : Pour libérer Laurent Gbagbo, le FPI doit être présent également dans les compétitions électorales à venir. Pur cynisme politique ou réalisme d’un parti politique averti ?

Plus que le cynisme, c’est de la sorcellerie politique. Mais, elle qui a tout de même le mérite de convaincre ceux d’en face qui pense que le président Gbagbo est à La Haye parce qu’il aurait commis des crimes contre l’humanité et non parce qu’il battu M. Ouattara aux élections de 2010 ; c’est-à-dire pour une raison politique. Sinon comment peut-on lier sa libération à la participation de son parti aux compétitions électorales de 2015. Ce grossier chantage est connu de tous depuis la fin de la guerre en Avril 2011. A Korhogo, en Côte d’Ivoire, où le président Gbagbo était détenu, sa libération tenait à sa reconnaissance du pouvoir de M. Ouattara. Aujourd’hui, à La Haye, c’est la participation du FPI à une élection dont le vainqueur est connu d’avance qui peut lui accorder la libération. En clair, pour que Gbagbo soit libéré, il faut que le FPI pose un acte politique qui, toutefois, le compromet en faveur de M. Ouattara. C’est une honte pour ceux qui font ce chantage. Mais, c’est aussi regrettable que le président du FPI ait épousé cette idée des amis de Ouattara. C’est malheureux.

Alassane inéligible, en exil, le staff politique du RDR répondait jurait et ne parlait que par un seul nom : Alassane Ouattara. Comment expliquez-vous qu’à peine deux ans en prison que les cadres du FPI s’entredéchirent alors que Laurent Gbagbo est encore en prison ?

C’est dommage, ce que nous constatons. Surtout parce que c’est M. Affi NGuessan qui est la tête de ce groupe de personnes qui ont décidé d’abandonner la lutte pour recupere leurs avoirs gelés par le régime Ouattara. Contrairement à ce que clame Affi NGuessan, ce n’est pas pour libérer Gbagbo qu’il veut soumettre le FPI, mais plutôt pour ses intérêts personnels. D’ailleurs qui d’entre Gbagbo et Affi peut vite convaincre la France pour obtenir cette libération ? Je pense bien que c’est Gbagbo lui-même.

Quand l’on compare la situation des cadres du RDR dans l’opposition à celle des cadres du FPI aujourd’hui, il y a vraiment une différence. Cette différence est que les premiers n’avaient pas leurs avoirs gelés comme les seconds. Mieux, dans l’opposition, certains cadres du parti de Ouattara recevaient de l’argent du président Gbagbo pour leur besoins quotidiens. Et avant cela, bien que persécutés du temps Bédié, les cadres du RDR avaient toujours leurs biens. Ils pouvaient donc continuer la lutte et tenir longtemps. Malheureusement, ce n’est pas le cas des cadres du FPI qui ont tout perdu pendant la crise postélectorale. Contrairement aux cadres du RDR, les proches de Gbagbo continuent d’être traqués, emprisonnés ou contraint à l’exil. Cette situation de paupérisation totale est certainement à la base de cette lutte interne qui s’apparente plus à celle de positionnement qu’à celle de gouvernance.

Pour beaucoup, Affi est un hors la loi. Ils en veulent pour preuve l’engagement du FPI à la CEI sans un débat et le duel qu’il se prépare avec Laurent Gbagbo pour la prise du parti. N’avez-vous pas peur que l’homme crée son parti politique une fois un échec et du coup diviser le FPI?

Il y a quelques mois, le Comité Central de son parti l’a désavoué sur la question de la présence du FPI à la CEI. Un bon leader aurait en toute responsabilité retiré le cadre du parti qui siège dans ce que j’appelle le club de soutien à Ouattara et que certains appellent CEI. Au lieu de cela, l’homme hésite et après une brève suspension, Alain Dogo est de retour à la CEI. Cela répond bien à sa stratégie, mais pas à celle des militants du FPI. Le congrès de décembre tiendra compte de tout cela en se prononçant sur le bilan de ses 13 années à la tête du FPI. Quant à sa candidature, même si elle manque d’éthique et de morale, elle demeure légale. Puisque les textes de son parti n’interdisent les militants de s’opposer au fondateur pendant les élections internes. Toutefois, c’est clair que si Affi ne renonce pas jusqu’au congrès, il y a des fortes chances qu’il soit battu. Apres une telle défaite, dans les grandes démocraties, le vaincu félicite le vainqueur et se mettre à la disposition de son parti ou alors décide de prendre sa retraite politique. Mais, comme nous sommes en Afrique, Affi peut aussi décider de créer son parti. C’est son droit. Mais ce n’est pas de lui seul que les alliés de Ouattara veulent ; mais lui et le FPI. Cette option sera donc le plus mauvais choix puisqu’il ne l’honorera pas et surtout ne rentre même pas dans sa stratégie de soumettre le FPI pour les échéances de 2015.

L’éternelle question. C’est quand Alassane Ouattara va-t-il livrer à la CPI ou mieux juger les tueurs qui l’ont porté au pouvoir ?

Cette question importante reste toujours posée. Nous attendons tous que M. Ouattara et la CPI posent des actes pour confondre ceux qui dénoncent leur justice de vainqueurs.

Alassane Ouattara c’est aussi un niveau de pauvreté “inquiétant” malgré la croissance. 171e en termes d’indice de Lynx.info : développement humain en 2014 sur 187 (selon le dernier rapport de la BM). Pourquoi ce soutien massif des Occidentaux en dépit de cet échec patent ?

Les hommes d’affaires et dirigeants occidentaux soutiendront M. Ouattara jusqu’à ce qu’il finisse de repayer leurs dettes contractées depuis 1998. Ils sont plus intéressés par leurs intérêts que par le niveau de vie de la population ivoirienne.
Lynx.info : À l’hôte Blaise Compaoré, Alassane dit : « qu’il peut rester en Côte d’Ivoire le temps qu’il le veut….. » Quelle lecture faite vous ?..
C’est de l’arrogance, propre aux dictateurs. La pression du mouvement BLAISE COMPAORE DEHORS ou BCD qui, en moins de deux semaines déjà, a environ deux mille adhérents vient de chasser Blaise Compaoré de la Cote d’Ivoire.

Interview réalisée par Camus Ali  Lynx.info
 

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