La gouvernance concrète du «bon petit» de Michel Camdessus vient comme une sorte de «révélation» et de «désenvoûtement» forcé. Les faits sont têtus : Alassane Ouattara est un dirigeant incompétent et hâbleur, qui s’intéresse plus à l’écume des choses et à son ego surdimensionné qu’au fond des problèmes du pays qu’il dirige. Nous sommes fiers d’avoir écrit, en janvier 2013, que l’année en cours serait celle de la fin du mythe du super-économiste. «Le nouveau miracle ivoirien devra attendre après-demain», admettait, en mai dernier, le principal quotidien économique français, Les Echos. «Après avoir soutenu sans réserve le nouveau pouvoir ivoirien, les partenaires d’Abidjan ne cachent plus leurs inquiétudes face à la persistance de la corruption et de la mauvaise gouvernance», écrivait pour sa part en août dernier l’hebdomadaire Jeune Afrique, dont le zèle pro-Ouattara est ancien et connu de tous.
Alassane Ouattara est-il le capitaine de bonne volonté d’un bateau rendu ivre par les lacunes de ses subalternes ou le principal responsable d’une embarcation qu’il conduit droit vers un énorme iceberg, à l’image du Titanic ? Au Nouveau Courrier, nous pensons qu’il est notoirement incompétent, et que ses actes quotidiens témoignent de ce qu’il ne met pas en pratique le bon sens économique le plus élémentaire. Un bon sens qui est pourtant accessible à des hommes dotés de bon sens qui n’ont jamais mis un doigt de pied à l’université. Il est grand temps que ses soutiens extérieurs s’en rendent compte. Les quelques exemples qui suivent permettront en tout cas d’alimenter le débat.
Décentralisation : les errements scandaleux de Ouattara
Même pour un politicien moyen, l’organisation structurelle de l’Etat est une question fondamentale, qui relève d’un choix mûrement réfléchi, et de la stratégie de développement à long terme qu’il entend défendre. La légèreté phénoménale avec laquelle Ouattara change de doctrine à ce sujet est, du coup, particulièrement inquiétante. Candidat à la présidentielle de 2010, il promettait dans son programme : «Nous supprimerons les Districts. Abidjan et Yamoussoukro, à l’image des autres villes à créer, seront dirigées par des conseillers municipaux élus». Cinq mois après sa prise de pouvoir, il change subitement de braquet. Il décide de maintenir les deux districts d’Abidjan et d’en créer douze nouveaux. Il supprime les Conseils généraux, qui recoupent les départements, fait exploser le nombre de régions (elles passent de 19 à 30, alors que Gbagbo voulait les réduire au nombre de 10). Une réforme budgétivore et tout à fait inattendue, donc. En mai 2013, il promet qu’il nommera incessamment ses gouverneurs de district, «avec rang de ministres». Quatre mois plus tard, virage à 360 degrés. Lors d’une rencontre avec les préfets, il fait un incroyable aveu : «Si nous tardons à mettre en place ces districts, a concédé le président Ouattara, c’est parce que je ne suis pas convaincu que ce soit un échelon essentiel, dans l’administration du territoire (…) Je reprends ce dossier pour l’examiner en toute objectivité. Et voir où nous devons mettre en place le district ou pas». Que veut cet homme ? A-t-il le moindre début de commencement de vision politique ? Est-il seulement un peu sérieux ? Pour notre part, la réponse est claire : c’est non, sans hésitation.
Santé publique : des promesses irréalistes à la désertion
Démagogue sans scrupules, Alassane Ouattara avait promis tout et n’importe quoi dans son programme. Alors que Laurent Gbagbo prévoyait un système d’assurance maladie universelle basée sur des cotisations en fonction des revenus des différents bénéficiaires, il préconisait l’instauration d’une couverture médicale universelle accessible à tous «avec 1 000 FCFA par mois». Bien entendu, il s’agissait d’une promesse sans lendemain. Dès son arrivée au pouvoir, il mettait en place un mécanisme (non financé, ce qui est une aberration même pour un étudiant de première année à l’Ecole nationale d’administration) de gratuité de soins dans les établissements sanitaires publics. Neuf mois plus tard, il abandonnait cette politique improvisée et qui ne fonctionnait de toute façon pas sur le terrain, et parlait d’une gratuité des soins «ciblée», concernant tous les actes liés aux accouchements. Aujourd’hui, sur le terrain, c’est un échec total, à en croire les professionnels de santé. Les médicaments gratuits promis n’existent tout simplement pas. Le projet a été mal conçu et mal exécuté, mal pensé. Si ce n’est pas de l’incompétence, cela y ressemble terriblement.
Un banquier-boucantier qui fait déraper les finances publiques
«Je suis un banquier. Mon travail, c’est de trouver de l’argent», fanfaronnait le candidat Alassane Ouattara. Qui a déjà eu un banquier sait que, pour cette profession, la disciplinaire budgétaire est un principe sacro-saint. Depuis qu’il préside aux destinées de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara se caractérise pourtant par sa propension à dépenser n’importe comment l’argent qu’il ne possède pas. Comment peut-il justifier que, chef de l’Etat d’un pays sortant de dix années de guerre, il considère comme prioritaire d’acheter plusieurs nouveaux avions présidentiels – alors que Joyce Banda, la présidente du Malawi, choisit de vendre le seul qu’elle a pour endiguer la pénurie alimentaire dans son pays ? Combien ses voyages, et les voyages de ses ministres, auxquels prennent toujours part une cohorte de dizaines et de dizaines de parasites, coûtent-ils donc au contribuable ? Quelle explication peut-il donner au fait que le déficit budgétaire se soit creusé en 2012 en dépit de l’afflux inédit d’aide publique au développement ? Désargenté après avoir été «cadeauté» de centaines de milliards, l’Etat ivoirien en est aujourd’hui réduit à utiliser des techniques grossières de harcèlement fiscal et à faire la manche d’autre part – en ce mois de septembre, nous dit La Lettre du Continent, la France vient au secours de Ouattara pour une rallonge budgétaire… ce qui est une honte pour un pays qui n’en était plus là même au cours des années de guerre !
Les sujets qui mettent en lumière l’absence totale de vision d’Alassane Ouattara sont légion. Par exemple, qu’avait-il à détruire, via sa ministre Anne Oulotto, les commerces informels s’il entendait par la suite laisser le désordre s’installer à nouveau ? Quel intérêt a-t-il à faire la promotion du gré à gré alors que son administration est déjà notoirement corrompue ? Qui se souvient que la marche du RHDP du 25 mars 2004 visait à protester contre l’octroi à Bolloré du marché du terminal à containers du port d’Abidjan, dans un contexte où l’industriel français avait pour lui d’être le candidat unique dans une période de fortes incertitudes ?
Alassane Ouattara est incompétent. Et chaque jour, les Ivoiriens s’en rendent compte un peu plus.
Théophile Kouamouo Le Nouveau Courrier