Affaire Eugène Attigan : Pourquoi le pouvoir protège Mey Gnassingbé ?

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L’animateur de l’émission « Couleurs des vacances » sur la TVT, proche collaborateur du Chef de l’Etat togolais Eugène Atigan-Ameti a été interpellé le samedi dernier à l’aéroport international de Lomé pour détention d’une quantité de drogue alors qu’il s’apprêtait à embarquer en direction de Amsterdam. Deux jours avant il avait demandé en vain un visa pour les USA. Depuis, il est gardé dans les locaux de l’ANR (Agence Nationale de Renseignement) du Commandant Massina qui a également sous bonne escorte le député Kpatcha Gnassingbé (le demi-frère cadet du chef de l’Etat togolais) depuis plus de 5 mois. Selon des indiscrétions, le nommé Eugène Atigan-Améti était déjà confortablement assis dans l’avion avant qu’on ne lui demande de redescendre.

Même si aucun média public ni privé n’a encore eu le courage d’en parler, l’information fait le tour de la ville surtout que le prévenu est un homme connu à travers ses émissions-télé sur la chaine nationale. En dehors des émissions télévisées Eugène Atigan-Ameti possède une agence de communication. Depuis l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé des rumeurs incessantes font état de ce qu’il évolue à ses côtés au titre de Chargé de mission et disposerait d’un passeport diplomatique. Des informations difficiles à vérifier mais qui cadrent avec le niveau de vie sultanesque de l’homme. En effet le sieur Eugène Atigan-Ameti a connu ces derniers temps un alpinisme social exponentiel accumulant voitures de luxes, maisons et multipliant les voyages. Pour certains, « Il est difficile de croire que son agence de communication, ses émissions à la TVT et sa supposée société d’import-export puissent lui rapporter autant d’argent ».

Pour qui roule Eugène Atigan-Ameti ?

Si réellement, il a été arrêté en possession de drogue, on peut estimer que l’homme n’est pas à son premier coup. Mais alors pour qui roule t-il ? La question a toute son importance lorsqu’on sait qu’il serait un Chargé de mission de Faure Gnassingbé et disposerait d’un passeport diplomatique. De quelle mission est-il chargé auprès de Faure ? Comment dans un premier temps a-t-il pu traverser sans difficultés les services de fouille de l’aéroport avant de se faire rappeler plus tard alors qu’il s’était déjà bien installé a bord de l’avion. A-t-il bénéficié des complicités au sein de l’aéroport ? Qui enfin a donné l’ordre de le faire descendre de l’avion ? Autant de questions sans réponses pour l’heure. Selon des informations de sources concordantes, Eugène ferait l’objet depuis un certain temps de suivi particulier des services anti drogue américains qui travaillent sans relâche avec les services de renseignement togolais.

Le prévenu serait actuellement sous interrogation des services secrets américains et togolais qui sont persuadés qu’il n’est que le maillon de toute une chaine qui certainement remonte jusqu’au sommet de l’Etat. Selon les premiers aveux du prévenu, le sieur Eugène Atigan-Ameti aurait déclaré qu’il était en mission pour Mey Gnassingbé, un autre frère du Chef de l’Etat, également chargé de mission à la présidence de la République. A Lomé cette affaire est au centre de toutes les conjectures et l’on se demande si Eugène Atigan-Ameti n’a pas été sacrifié pour protéger un véritable réseau aux ramifications internes au pouvoir. Toujours est-il que depuis les USA où il séjourne, Faure Gnassingbé serait très en colère contre son jeune frère (Mey Gnassingbé) et a demandé aux services de sécurité de traiter cette information avec la plus grande discrétion. Généralement lorsque des services de sécurité togolais se saisissent des cas du genre, on se précipite pour faire un matraquage médiatique vantant les mérites des autorités togolaises. Mais dans le cas d’espèce, curieusement, c’est le silence radio qui est observé autour de l’affaire. Plus curieux encore, ce silence sur cette affaire intervient au moment où l’ambassadrice des USA à Lomé a décerné mardi des prix aux ministres de la Sécurité Atcha Titikpina et celui de la Justice Kokou Tozoun pour leurs efforts en matière de lutte contre le trafic de drogue au Togo.

La famille Gnassingbé et le trafic de drogue au Togo

La mention du nom de Mey Gnassingbé dans cette affaire à priori ne surprend personne. Au Togo, ce n’est un secret pour personne que la famille Gnassingbé depuis le défunt père est souvent citée dans des affaires de trafic de drogue. On se rappelle en 2006 la publication dans certains journaux togolais d’un rapport du nom d’un Général d’armée togolaise « Gnofame » sur instruction de feu Gnassingbé Eyadema acculé à l’époque par les services secrets français. Ce fameux rapport « Gnofame » a révélé l’ampleur du trafic de drogue au Togo et le degré d’implication de la famille Gnassingbé (Père, fils, filles, cousins, familles alliées etc.). Il était même précisé dans ce rapport que l’avion présidentiel servait à transporter régulièrement la « marchandise ». On se rappelle encore du scandaleux dossier PITEA du nom de ce navire battant pavillon togolais arraisonné le 6 septembre 2004 aux larges des côtes sénégalaises avec à son bord 412 kg de cocaïne (peut-être même plus) puisque des informations à l’époque faisaient état de ce que les colombiens (constituant l’équipage) ont jeté une grande quantité de la marchandise dans l’Océan. L’enquête menée par les services anti drogue français et espagnols en collaboration avec le ministre de l’intérieur du Togo d’alors a fait état d’une forte implication du sommet de l’Etat togolais dans ce trafic. Des sources ont fait état de ce que la famille Gnassingbé avec feu Eyadema en tête était le commanditaire de la « marchandise ». A l’époque le président français Jacques Chirac avait fait pression sur son ministre de l’intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy afin que le dossier impliquant son ami personnel Eyadema ne soit pas divulgué. L’affaire PITEA n’a pas connu de suite mais depuis quelques temps, les USA ont remis le dossier sur le tapis en demandant expressément à Faure Gnassingbé de donner une suite judiciaire à cette affaire. Autant dire que ce nouveau dossier impliquant un autre Gnassingbé qui se fait passer pour l’autre Prince de la République (Mey) tombe très mal pour Faure Gnassingbé. Celui-ci ne cesse de déclamer ses bonnes intentions en matière de lutte contre la drogue mais trône en réalité sur un réseau mafieux institutionnalisé depuis le sommet de l’Etat.

Un système de plus en plus institutionnaliser

Depuis que les USA et la France sont en guerre contre les réseaux de trafic en Afrique de l’Ouest, les dealers ont changé de méthodes surtout au Togo. Les barons du pouvoir, les officiers supérieurs et leurs familles ont de plus en plus recours aux jeunes passeurs togolais et étrangers et leurs facilitent souvent les formalités aux entrées du pays. Les passeports diplomatiques sont souvent délivrés à ces passeurs qui sont toujours entre deux avions. La capitale togolaise regorge de ces jeunes toujours tirés à quatre épingles avec à leur disposition des voitures de luxe. Face à ce phénomène un sociologue qui a mené plusieurs années d’étude sur les mutations de la société togolaise conclut en ces termes : « Au Togo pour réussir, il faut deux choses, la première c’est appartenir à une société secrète genre Franc-maçonnerie ou Rose Croix, et secundo être membre d’un cartel de drogue. » Au Togo, le trafic de drogue a investit tous les secteurs. La Justice (Magistrats et auxiliaires de Justice), l’armée, les forces de sécurité, le sommet même de l’Etat au point que l’accumulation suspecte en un temps record de fortune ne fait l’objet d’aucune enquête. Un système assez bien huilé qui permet à chaque composante de la chaine de trouver son compte.

Mey Gnassingbé rejoindra t-il Kpatcha à l’ANR ?

Lorsqu’on parle du trafic de drogue au Togo, des soupçons se portaient beaucoup plus sur Kpatcha Gnassingbé (actuellement en prison pour « tentative de coup d’Etat »). Il semble que c’est d’ailleurs cette sinistre réputation qui aurait été à l’origine du refus de l’ambassade des USA de lui accorder la protection après les événements du 12 avril dernier. Cela fait 5 mois que l’homme est mis hors d’état de nuire et l’ensemble de son réseau est démantelé. Mais l’on constate que le trafic de drogue au Togo se porte toujours mieux et continue d’être l’œuvre des tenants du pouvoir. On est tenté de se demander suite aux aveux du prévenu Eugene Atigan-Ameti, si Faure Gnassingbé va envoyer son jeune frère Mey chargé de mission à la présidence rejoindre en prison les cinq autres Gnassingbé dans les locaux de l’ANR ou va-t-il faire le choix de sacrifier Eugène Atigan-Ameti pour protéger l’ensemble du réseau et surtout sa famille ? Faure Gnassingbé n’est-il pas au courant des activités criminelles de son jeune frère et partant de toute sa famille ? Il urge pour une fois qu’une suite soit donnée à ce dossier afin que les auteurs et commanditaires soient poursuivis selon les textes en vigueur. Il est quand même curieux que des gens qui pillent tous les jours les caisses de l’Etat et qui sont assis sur une richesse colossale s’adonnent à des activités criminelles de ce genre. Le gouvernement américain qui a fait du trafic de drogue sa priorité en Afrique de l’Ouest doit peser de tout son poids pour que les commanditaires soient arrêtés et qu’une suite judiciaire soit donnée à ce dossier. Avant d’en arriver là, le cas Eugène Atigan-Ameti alimente tous les débats à Lomé et les Togolais se rendent compte de la nature de la mission dont il est chargé auprès de la présidence de la République et donc de Faure Gnassingbé. Aux dernières nouvelles, le sieur Eugène Atigan aurait livré plusieurs autres noms dont des Nigérians qui sont sous les verrous de même que le responsable d’une agence de voyage qui aurait pris la poudre d’escampette. Affaire à suivre.

Tultogo.com

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