Abass Bonfoh: Pour les 50 ans du Togo, je n’ai pas été cité comme président

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« Je n’ai jamais donné l’ordre à personne de tirer sur qui que ce soit ; je peux le démontrer »

Abass Bonfoh, président Abass Bonfoh, président de l’Assemblée Nationale, vous étiez en 2005 président intérimaire du Togo et c’est sous votre présidence que les violences post-électorales ont eu lieu. Vous ne vous sentez pas inquiété par une possible interpellation de la justice internationale?

Inquiété vous dites ? Vous vous trompez lourdement. Inquiété par quoi et pourquoi? Je ne le suis pas le moins du monde.

Vous ne vous reprochez rien quant à votre responsabilité directe ou indirecte de chef d’Etat sous la présidence de qui lès massacres ont été commis?

J’étais député ; et si vous prenez notre règlement intérieur ainsi que notre constitution qui dit qu’un député, même après l’exercice de ses fonctions ne peut pas être poursuivi. J’ai toujours été député depuis 1998, et je le suis encore. Je vais m’inquiéter de quoi, parce que j’ai fait quoi? Ce n’est pas à cause de la bêtise humaine que toute la responsabilité doit reposer sur la seule personne de celui qui commandait ! Nous sommes tous responsables ; tous les Togolais sont responsables, en commençant par les présidents des partis politiques sans exception aucune. Je crois que ce qui est arrivé en 2005 incombe aux militants; c’est entre eux-mêmes que s’étaient orchestrés des règlements de compte. En tant que président de la République en ce moment, ce sont des comptes-rendus qui me parvenaient d’être au parfum de ces événements ; je n’étais ni gendarme ni militant d’un parti, je n’étais pas encore moins dans la rue, ou responsable de parti politique.

Le président soudanais Omar El Béchir poursuivi par le TPI n’était pas lui non plus dans la rue …

Vous ne pouvez pas comparer le cas du Togo à celui du Soudan, vous ne serez pas objectif en faisant cette comparaison. Même quand vous racontez qu’il y a eu des morts au Togo, quels morts, où ont-ils été enterrés et qui s’en était plaint ? Ce ne sont que des histoires auxquelles je ne crois pas, parce que je n’ai rien vu de la sorte, pas même un seul mort. Sans doute qu’il y a eu des morts, mais leur nombre n’atteint pas 500 comme c’était écrit dans certains journaux, ou comme certaines associations qui ne soient pas représentées au Togo l’ont mentionné dans leur rapport. Qu’on nous montre les morts ou les fosses communes dans lesquelles ils sont enterrés. Je n’ai vu aucun cadavre, et je crois d’ailleurs que les poursuites doivent commencer par Georges Bush.

Voulez-vous dire qu’il y a eu une instrumentalisation de ces troubles?

Je pense effectivement qu’il y a eu des troubles certes, mais que les gens ont exagéré.

Et pourtant une commission gouvernementale a reconnu qu’il y a eu environ 150 morts!

Cela n’engage que la responsabilité de cette commission qui d’ailleurs n’émanait pas de mon gouvernement. J’ai été président du 25 février au 04 mai 2005. C’est d’ailleurs vous qui m’apprenez qu’une commission du gouvernement avait reconnu des centaines de morts; cette affirmation vous engage.

Le chef de l’Etat Faure Gnassingbé, dans une interview il y a 2 ou 3 ans, déclinait sa responsabilité, soutenant que pendant cette période il était candidat. A qui incombe alors la responsabilité de tous ces morts?

Tenez-le bien pour dit: j’assume, et j’insiste sur le mot. Je n’ai jamais donné l’ordre à personne de tirer sur qui que ce soit ; je peux le démontrer. J’ai encore tous mes discours que j’ai prononcés aussi bien à la radio qu’à la télévision, et tous les documents que j’ai signés. Celui qui était proche de moi, mon aide de camp, est encore là, il pourra témoigner. Je ne me reproche absolument rien. Il y a pourtant un fait qui ne devrait pas vous échapper. Lors des manifestations marquant le cinquantenaire de l’indépendance, je n’ai pas été cité parmi les présidents du Togo ; avez­vous cherché à en connaître les raisons? Et pourquoi venez-vous vers moi aujourd’hui?

De quoi avez-vous peur?

Je n’ai peur de rien comme je viens de vous le dire; je suis tranquille, je vis normalement. Je sors seul. Chaque samedi, je libère tous mes chauffeurs, je vais au magasin comme tout le monde, au marché avec mon épouse, je fais mes courses, tout le monde me salue dans la rue. Je n’ai peur de rien!

Selon un rapport du gouvernement qui a succédé au vôtre, les violences de 2005 auraient fait entre 100 et 150 morts. Est-ce que des initiatives ont été prises au parlement dont vous êtes le président, pour que justice soit faite pour la centaine de victimes?

Vous savez qu’il y a 3 pouvoirs, l’exécutif, le législatif et le judiciaire, auquel s’ajoute un quatrième qui est le vôtre (ndlr, la presse). Moi je suis du législatif, et je ne peux pas me mettre à la place de l’exécutif qui doit donner l’ordre au pouvoir judiciaire de faire justice!

Le parlement aurait pu par exemple enclencher la procédure en prenant une ordonnance…

Ce n’est pas de la compétence exclusive du président de l’assemblée. Tous les députés peuvent, même un seul, introduire une résolution à l’assemblée nationale; un débat sera ensuite ouvert autour de cette décision pour permettre au parlement de prendre une décision.

Assurément serein au point où vous pouvez voyager sur la Belgique par exemple sans crainte d’être arrêté?

J’y vais encore très prochainement. La dernière fois que je me suis rendu en Belgique, ce sont des motards qui sont venus m’accueillir. Et j’y suis allé plus de 4 fois. Si vous le souhaitez, je peux vous donner les dates de ce voyage, pour qu’éventuellement, si vous avez des correspondants dans ce pays, je puisse leur accorder une interview au salon d’honneur par où je passerai.

Un autre sujet pour parler de votre parlement, depuis l’entrée remarquable des députés de l’opposition, notamment ceux de l’Ufc et du Car. Qu’est-ce que cela a fondamentalement changé dans le fonctionnement de l’institution?

Nos travaux sont devenus très animés, les députés sont beaucoup plus motivés dans les discutions, parce que nous nous retrouvons en face d’un débat contradictoire. Ce qui est très intéressant, parce qu’il ne s’agit que de combat d’idées. Les discussions se révèlent parfois très houleuses, mais à les fin les députés se retrouvent pour causer en amis et camarades. Voilà le seul changement notoire intervenu dans la vie du parlement. Ce qui par contre n’a pas changé, malgré la représentation de l’opposition au parlement, c’est que le RPT garde la majorité, et donc nous ne sommes pas du tout inquiétés.

Quelle est la nature de la relation que vous entretenez avec les députés de l’opposition?

Je suis le président de tous les députés, aussi bien de l’opposition que de la mouvance présidentielle. Eux-mêmes disent que je suis leur père. On ne dirige pas une institution avec les muscles.

Beaucoup soutiennent que vous n’étiez pas prédestiné à une carrière politique!

Ils se trompent parce qu’ils ne me connaissaient pas. Il est vrai que j’ai commencé ma carrière dans le sport après avoir fait trois ans dans un institut de sport en Côte d’Ivoire. A mon retour au pays, j’ai été affecté au CEG de Kodjoviakopé où j’ai passé 2 ans. Grâce à une bourse, je suis rentré à l’INAS en France où j’ai fait l’administration scolaire et universitaire. De retour au Togo 2 ans après, j’ai été affecté à la planification de l’éducation, nommé directeur régional de la planification à Kpalimé. Je suis retourné en France pour un perfectionnement qui a duré 9 mois. Je retrouve ma fonction de directeur régional de la planification à mon retour, mais je serai basé à Kara, ville dans laquelle ma présence a été remarquée en tant que militant du RPT, toujours présent dans les meetings souvent en qualité de porte-parole. Et ce sont les populations qui me demanderont de me présenter à la députation. Ce que j’ai fait avec le soutien du député RPT sortant que les populations ont désavoué. Ce sont là des informations qui échappent à ceux qui pensent que je suis venu à la politique par hasard.

 Tribune d’Afrique N°0076 du 16 septembre 2010

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