Les limites de la démocratie africaine

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J’ai visité plusieurs pays africains, trois pour être précis. Tous soi-disant démocratiques puisqu’ils tiennent périodiquement des élections grâce auxquelles ils désignent leurs présidents et leurs gouvernements. Selon le vrai sens du mot, ces pays sont considérés comme démocratiques. Mais ces pays supposés démocratiques ont un point en commun : ils abritent des pans entiers de populations vivant dans une pauvreté absolue.

Quel est vraiment le lien entre la démocratie et la pauvreté, du moins dans la version africaine de la démocratie, et la pauvreté ? La folie de la démocratie africaine est qu’elle se limite à des élections. La démocratie en Afrique est le plus souvent réduite à la propagande électorale et à des élections, sans oublier que la plupart des élections en Afrique ne sont ni libres ni équitables. Réduire la démocratisation au processus électoral constitue un obstacle majeur à la réalisation d’un progrès et d’un développement réels en Afrique. L’Afrique n’a jamais vraiment compris la démocratie, et en quelques sortes ça explique pourquoi elle n’a jamais profité des fruits de la démocratisation. Le véritable sens du terme de démocratie semble être perdu dans la traduction.

Nous devons revenir à l’essentiel : quels sont les principes de base d’une démocratie fonctionnelle et respectons-nous ces principes ? La démocratie dans son ensemble doit avoir un axe autour duquel elle peut graviter : des systèmes politiques pour le choix et le remplacement du gouvernement par des élections libres et équitables ; la participation active du peuple, en tant que citoyens, dans la vie politique et civile ; la protection des droits de l’homme pour tous ; l’État de droit dans lequel les lois et procédures s’appliquent à tous les citoyens. Généralement, les pays africains ne font que le service minimum et se gargarisent d’organiser des élections. Les autres principes de la démocratie, notamment l’État de droit, la participation civique et les droits de l’homme reçoivent généralement peu d’attention dans la plupart des sociétés africaines. Le résultat est le phénomène de l’« habillage des fenêtres » selon lequel, les pays semblent démocratiques en apparence, mais un simple grattage sous la surface révèle les contradictions existant dans ces sociétés se considérant comme démocratiques.

Le lien entre la démocratie et l’économie n’est pas automatiquement le développement, néanmoins il est intéressant de noter que de tous les droits et libertés sont généralement restreints en Afrique, la liberté de sortir de la pauvreté est visiblement la plus réprimée. Les régimes successifs n’ont jamais réalisé que l’égalité devant la loi est un pré-requis pour lutter contre l’inégalité sociale, politique et économique.

Les sociétés africaines n’ont jamais eu la foi en l’«homme africain», en sa capacité à prendre des décisions rationnelles, à échapper à la pauvreté, à prendre des décisions qui sont favorables à lui-même. Là réside le problème de la démocratie des frères africains, elle n’a jamais pris son envol parce que la société africaine n’a jamais eu foi en son peuple. Livrées à elles-mêmes, les populations africaines viendront avec des formules pour sortir de la pauvreté et faire progresser la société, malheureusement elles ont rarement la possibilité et le droit de les appliquer.

Contrairement aux idées reçues, du moins sur le continent, le libéralisme social, politique et économique est la panacée non le fléau aux problèmes africains. Pendant des années, les élites politiques ont tenté de nous faire avaler une étrange forme de la démocratie, ils nous ont vendu la version édulcorée de la démocratie, la version qui ne prévoit pas de surveillance, celle des élections et de la gouvernance sans intégrité. Les élites politiques nous ont vendu une version de la démocratie dans laquelle elles peuvent être les seules privilégiées, alors que nous, les masses, ne le pouvons pas. Ils nous ont vendu une version de la démocratie dans laquelle il est normal pour eux de se répartir les ressources et les opportunités entre copains, mais pas pour ceux n’appartenant pas à leur cercle.

Eh bien, nous le peuple, nous voulons la démocratie comme elle aurait dû être, sans aucune falsification ou altération. Nous voulons une démocratie qui favorise l’égalité et l’équité, qui ne connaît pas de couleur, de classe ou de race. Nous le peuple voulons une démocratie qui fournit l’égalité des chances, qui respecte l’État de droit, parce que nous croyons intimement qu’une telle démocratie aidera les entreprises et tout ce qui aide l’entreprise sera bénéfique à la société.

Alex Njeru Ndungu chercheur au Centre de la politique est-africaine.

Article traduit par LibreAfrique.org

 

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