Dès lors, d’aucuns estiment que la compréhension des causes de ce retard irrationnel devient un impératif. Cela, dans la mesure ou l’Afrique demeure le continent le plus riche sur la planète en ressources naturelles qui ont par ailleurs permis à l’occident de se développer et maintenir le cap jusqu’à ce jour. Mais, sachant que le résultat est toujours au bout du travail, il serait illusoire de croire que le développement sortira ex nihilo, faisant fi de la bonne volonté. En commençant par celle des dirigeants africains qui laisse encore à désirer.
A l’instar de ce chef d’état qui a fait construire un somptueux établissement scolaire dans le district de Chengduo à Yushu en Chine et que cette dernière a réceptionnée au titre de l’amitié entre son pays sous-développé inscrit au point d’achèvement PPTE (Pays Pauvre Très Endetté) et la Chine. Bien évidemment, tout ceci sans l’accord de ses compatriotes dépourvus d’université de qualité et dont 90 % vivent sous le seuil de pauvreté, selon les organismes des nations unies. Et, le questionnement sur le travail des dirigeants africains a encore du sens lorsqu’on assiste à des actes que ces derniers posent et que sous d’autres cieux les autorités ne se permettraient de faire. Pour preuve, cet autre chef d’état qui après avoir été fait docteur honoris causa de l’université Lyon III en France offrit à cette dernière un chèque de 300 millions de francs cfa alors qu’au même moment dans son pays les étudiants entamaient leur 6eme mois de grève. Ces derniers réclamant principalement le règlement de leurs arriérés de bourses.
Il est courant de voir certaines autorités africaines se déplacer avec des suites pléthoriques comprenant l’essentiel de leurs familles sans pour autant que ces pérégrinations de prestige ne parviennent à changer la vie de leurs concitoyens. D’autres ont amassé des fortunes, fermé les yeux ou encouragé l’enrichissement illicite des membres de leurs familles et de leurs sbires. Pas étonnant qu’une instruction liée aux biens mal acquis avec l’argent des africains soit toujours en cours en France.
Un rapport publié par l’organisme financier euro-américain Global Financial Integrity (GFI) démontre qu’en 38 ans, 854 milliards de dollars ont été détournés d’Afrique vers les places financières occidentales par les africains avec l’aide des occidentaux. Les estimations montrent que l’argent détourné entre 1970 et 2008 suffirait à effacer la totalité de la dette extérieure africaine évaluée à près de 260 milliards de dollars, prévoir 600 milliards de dollars pour la réduction de la pauvreté et stimuler la croissance. Ces milliers de milliards de dollars transférés en occident et qui concourent au développement de ce dernier, précise l’organisme, proviennent des détournements de fonds, de la fraude fiscale, de la corruption et du blanchiment d’argent.
Paradoxalement, l’Asie a mis 30 ans à se relever du chaos sans avoir à sa disposition les mêmes richesses que celles du continent africain. Sous-développés hier, les pays comme l’Indonésie, le Japon, la Thaïlande, la Corée du Sud ou la Chine se sont hissés au sommet du développement, améliorant considérablement le niveau de vie de leurs populations. De mémoire, en 1970, le PIB (produit intérieur brut) de la Corée du Sud et de la Corée du Nord réunis était inférieur à celui du Zaïre, actuelle République démocratique du Congo. D’autre part, nous gardons le souvenir de l’aide alimentaire apportée en 1976 par le Zaïre du président Joseph Désiré Mobutu à la Chine de Mao en crise.
Des pays comme le Vietnam, brisé par une longue guerre, ayant pour principale richesse le riz et ses eaux poissonneuses entrent dans l’émergence avec une monnaie 27 fois inférieure au franc cfa des pays d’Afrique francophone qui demeurent dans le sous-développement affirmé. En outre, les institutions financières internationales attestent qu’entre 1974 et 2008, la République du Gabon et le Qatar ont perçu les mêmes sommes d’argent en termes de revenus pétroliers. Qu’ont fait les gabonais qui manquent aujourd’hui de l’essentiel de leur argent ?
Condamnant une sorte d’idiosyncrasie de la classe dirigeante africaine, d’aucuns parmi les économistes considèrent que l’Afrique se dit en situation de dépendance, elle se dit pauvre et très endettée alors que ses autorités continuent d’envoyer les ressources nationales dans les pays qui sont paradoxalement leurs créanciers et d’où sont expulsés des Africains parce que sans-papiers.
A noter également, l’absence notable de réactions des autorités subsahariennes face aux souffrances, humiliations, brimades et tortures infligées aux africains noirs par les maghrébins en Afrique du Nord. Une insupportable absence d’assistance des autorités à leurs ressortissants qui a poussé Fabien Didier Yene, témoin et victime au Maroc de ces crimes et violations des droits de l’homme, à exposer ce « martyre noir africain » dans son ouvrage « Migrant au pied du mur » publié aux éditions Seguier en France.
Quant à la paix, elle demeure aux abonnés absents, périodique ou à la carte pour les états extérieurs à l’Afrique australe. Regroupés au sein de l’Union Africaine, financée à 77% par des fonds occidentaux, les dirigeants africains s’avèrent incapables de faire appliquer leurs propres textes. En effet, les coups d’états se succèdent et donnent toujours lieu à une condamnation de pure forme avant la réintégration des putschistes dans le sérail. Rien que ces dernières années, l’Afrique a connu une myriade de renversements anticonstitutionnels de présidences comme en Centrafrique, en Guinée Bissau, en Mauritanie, à Madagascar, au Niger, en Libye, en Égypte ou de nouveau en Centrafrique.
Actuellement, le chaos en Centrafrique fait des milliers de morts et au Sud Soudan, la tentative de coup d’état de l’ancien vice-président, Riek Machar, contre le président Salva Kiir a déjà fait près de 15.000 morts et 700.000 réfugiés jetés sur les routes et dans les pays voisins, selon le Haut Commissariat aux Réfugiés. La République démocratique du Congo agressée par plusieurs états depuis 15 ans à travers plusieurs groupes rebelles ayant causé la perte de plus de 10 millions de congolais, a été abandonnée à son triste sort avec la présence passive de 20.000 casques bleus de l’Onu.
En ce qui concerne le domaine sanitaire, dans de nombreux pays l’état n’est pas encore à même d’assurer les soins de santé primaires aux populations. Les structures sanitaires font toujours défaut au même titre que l’équipement et le personnel formé. A ce sujet, le cancérologue Claude Maylin, conseiller spécial en matière de santé à la présidence de la République du Congo souligne le manque de volonté politique dans ce domaine. Il estime pourtant avoir interpellé les autorités avec insistance pour que le nombre de médecins formés par année puisse passer de 20 à 150 environ pour couvrir les besoins hospitaliers. Sans résultat pour le moment ! « Ce n’est pas une affaire d’argent, mais de volonté politique…D’ailleurs, c’est sans doute l’une des premières décisions que j’aurais prise si on me nommait Ministre de la Santé. »
Qu’à cela ne tienne, désormais l’espoir africain résiderait dans les projets concrets tels celui de la cimenterie du magnat nigérian Aliko Dangoté au Cameroun qui fera baisser le prix du sac de ciment d’environ 3500 à 1000 francs cfa pour les camerounais. Le début de la coopération Sud-Sud entre la Côte-d’Ivoire et la Guinée Équatoriale dans le domaine agricole et celui des hydrocarbures s’annonce également prometteur.
Du coté de la République démocratique du Congo, avec la bancarisation du règlement des salaires des fonctionnaires, le gouvernement du président Joseph Kabila et son premier ministre Augustin Matata Ponyo, vient de réaliser une prouesse. Depuis belle lurette, les congolais se plaignaient d’être rackettés par des agents véreux au moment de la perception à la main de leur paie. Cette pénitence ainsi que la phlébotomie causée aux finances publiques viennent de prendre fin avec la modernisation, par le virement sur le compte bancaire du fonctionnaire, du règlement des salaires de la fonction publique.
Au Congo Brazzaville, les importants revenus pétroliers n’ont pas toujours permis à la population d’être convenablement fournie en électricité, en eau potable, d’avoir droit à une bonne éducation, d’avoir accès aux soins de santé de qualité, ou d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire pourtant jadis promise à grand bruit. De ce fait, pour y parvenir, les regards sont désormais rivés vers la bonne gestion espérée de l’entreprise Congo Iron dirigée par Aimé Emmanuel Yoka Fils. Cette nouvelle entité économique est dorénavant chargée de piloter le projet Mbalam-Nabeba du plus important gisement de fer. Projet qui devrait rapporter à moyen terme pas moins de 4,7 milliards de dollars qui serviront également à l’amélioration des conditions de vie de la population congolaise, comme l’a laissé entendre son responsable.
Si les attentes demeurent entières du Maghreb à l’Afrique centrale, les pays de l’Afrique australe, regroupés au sein de la SADC, avancent à grand pas vers l’émergence pour y rejoindre l’Afrique du Sud. Les économies telles que celles de l’Angola ou émigrent chaque année des dizaines de milliers de portugais à la recherche d’une vie meilleure, du Mozambique, du Botswana ou de la Zambie sont florissantes. Pour autant, l’idéal serait que le reste de l’Afrique parvienne à offrir a ses fils des infrastructures, l’emploi, la paix et une meilleure répartition de la richesse. Car à ce jour, la croissance à deux chiffres qu’on y trouve, profite uniquement à l’élite, aux grands groupes et aux multinationales.
Franck CANA
Analyste sociopolitique
(cana.franck@orange.fr)
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Publications :
« L’aube de l’odyssée, » éditions La Bruyère, Paris
« Opération Restore Hope, » éditions La Bruyère, Paris