Le nombre de vies perdues et l’immensité des dégâts matériels recensés à l’issue de l’affrontement entre les pros Morsi et les militaires en Egypte demandent une sérieuse réflexion.
Suite aux élections présidentielles couplées de législatives de 2012 en Egypte, les Frères Musulmans ont remporté la présidentielle, et sont sortis avec la majorité des sièges au parlement. Malheureusement, suite à des accusations d’un agenda islamiste que l’ancien président Mohamed Morsi serait en train de mettre en route, ce dernier fut renversé par les militaires à la tête desquels le General Abdou- Fattah EL-SISI, qui a pris le commandement du gouvernement intérimaire. Les frères musulmans ayant considéré cette intrusion brusque et brute des militaires comme un coup d’état, et refusant d’avaler la couleuvre, ont dressé des tentes pour occuper des places publiques, et ont fait le pied de grue jusqu’à 14 Août, ou l’armée et la police les ont violement chargés dans le but de les y déloger. Résultat : près de 700 morts officiellement, et près de deux milles selon des sources proches des organisateurs.
Ce qui se passe aujourd’hui en Egypte, n’est pas sans précèdent dans l’histoire du monde musulman.
L’Histoire est têtue, pour ne pas dire rebelle !
En juin 1990, les frères musulmans regroupés sous la bannière du FIS (Front Islamique du Salut) remportèrent largement les élections municipales. Apres la suspension du processus électorale par les autorités Algériennes, le FIS fut dissout, et Abassi Madani et Ali Belhadj furent emprisonnés. Les frères musulmans rentrèrent dans la clandestinité, et se furent attelé à planifier et a exécuter des attentats pour déstabiliser le régime Algérien. Dans le contexte Palestinien, le gouvernement Américain avait pendant longtemps crié a tu tête l’organisation inclusive des élections libres: ce qui fut fait en Janvier 2006 ou le Hamas était sorti de ces joutes électorales les mains hautes. Aussitôt qu’ils ont gagnés, ils furent placés sur la liste noire des mouvements terroristes par les Etats-Unis, et leur gouvernement fut complètement paralysé.
Ce coup d’état en fut un de trop !
Due à la composition ethnico- religieuse de la population Egyptienne, il très difficile d’imaginer (du moins à court terme) une élection qui ne serait pas sanctionnées par la victoire des Frères Musulmans (les musulmans font plus 80% de la population). Sous Moubarak, avec le financement et l’appui logistiques et militaire des Américains, les mouvements des Frères Musulmans ont été mis sous l’éteignoir. Moubarak était le chouchou de l’Occident, car, perçu comme seul rempart contre l’expansion de l’islam extrémiste, en même temps qu’il constitue le front sécuritaire contre l’invasion d’Israël, par ces mêmes extrémistes. Les coptes chrétiens orthodoxes eux, n’ont eu autre choix que de rallier la dictature de Hosni Moubarak pour leur sécurité. C’est pour ça que la Maison Blanche avait ‘ le cul entre deux chaises’ lorsqu’il faille designer le renversement de Morsi comme un coup d’état. Car, une fois ainsi dénommé ainsi, elle se verra dans l’obligation non seulement de suspendre la manœuvre militaire biannuelle qu’elle organise conjointement avec l’armée Egyptienne, mais aussi annuler la cagnotte de $ 1.3 Milliard d’aide militaire annuelle qu’elle octroie a cette même armée pour la lutte contre le terrorisme et la sauvegarde des intérêts d’Israël. N’est-il pas temps que les gouvernants Egyptiens ne travaillent rien que pour l’intérêt de leurs populations ? Pour revenir au risque d’islamisation, notons que La Turquie et l’Egypte, ont une structure sociale très semblable : une population majoritairement musulmane, avec des intuitions, surtout les institutions sécuritaires séculaires. La crainte d’islamisation totale (ôter la main aux voleurs, lynchage des femmes pour rapports sexuel extra conjugal, détention des hommes jusqu’à ce qu’ils poussent des ’ barbes d’Abraham’, etc…) a été certainement exagérée. Des mécanismes de control inscrits dans la constitution égyptienne, pré ou post Moubarak, et Turque ne permettront pas un agenda islamiste poussé. Si cela avait été possible, le Premier Ministre Turc Recep Tayyip Erdogan l’aurait réalisé. Il a dû céder du terrain face au soulèvement de la masse. Ce même soulèvement aurait suffi à faire reculer Morsi et son parlement si tant est qu’il avait des velléités d’islamisation. En court terme, disons tout haut que ce coup d’état en est un de trop ! Il a créé plus de problèmes qu’il en a résolus. On parle de plus de mille morts pour la seule journée du 14 Aout ! Combien y en a-t-il eu avant, et combien en aura t’il après ? Même si l’Egypte devenait cette jungle ‘islamo-extrémiste’ telle que peinte par certains libéraux, les « Mola Omars Egyptiens » ne réussiront pas à trancher autant de têtes en quatre ans de pouvoir. Les élections doivent avoir des conséquences : Quand on gagne, on est mandaté d’un pouvoir ; et quand on est au pouvoir, on doit avoir les coudées franches pour gouverner ! Si les Frères Musulmans remportaient les élections 30 fois, est-ce qu’on les renverserait autant de fois ? Alors, a quand donc le respect de la souveraineté populaire dans nos pays d’Afrique ? George Bush Junior est parti en guerre en Irak sous prétexte d’une histoire montée de toutes pièces : le résultat : plus de 3000 Américains soldats tombés avec des dégâts matériels estimés en milliards. Bush a bel et bien fait deux mandats, et est parti paisiblement à la retraite ; il ne fut pas bouté de la Maison Blanche !
C’est à prévoir qu’une fois au pouvoir, les Frères Musulmans déçoivent une bonne frange de la population Egyptienne, surtout la minorité de la majorité : les femmes ! C’est cette frange de la population, et la frange libérale, qui, petit à petit vont constituer des une coalition électoraliste sans connotation religieuse en Egypte. Ce n’est qu’une question de temps !
Koffi Apati-Bassah
New-York City