L’accession du Togo à la souveraineté nationale dans les années 1950 à 1960 s’est faite sur fond de déchirements et de malentendus vivaces. L’histoire politique de notre pays au lendemain du 27 avril 1960 a montré que le souci de l’autre et du partage, l’idéal républicain avec des institutions fortes au service du peuple et la culture d’un véritable dialogue national n’ont pas été au cœur de l’action politique. Ce qui a facilité le déni de reconnaissance, les manipulations politiciennes perverses notamment la réécriture des textes et de l’histoire, ouvrant ainsi la voie aux dérives autocratiques.
Cette crise éthique s’est aggravée par l’absence d’écoute et d’échanges interculturels féconds qui conjuguée à la moindre valorisation de notre héritage historique tout comme notre patrimoine culturel a facilité notre acculturation. Confrontés aussi bien sur le plan intérieur que sur le plan international à la falsification et à l’instrumentalisation de l’histoire, nous avons perdu nos références culturelles et l’essence de notre identité.
Appauvris dans le délicat et subtil travail de construction identitaire, notre compréhension de l’histoire et des exigences de développement de notre pays a été biaisée, d’où le manque de vision qui a caractérisé notre lutte démocratique. A cette double crise éthique et identitaire, s’est donc ajoutée une crise managériale. La grave crise sociopolitique actuelle que connaît notre pays découle des errances, des déviances, de la politique de pilotage à vue et d’autarcie conduite par le système RPT depuis quatre décennies et maintenant par le nouveau système RPT/AGO.
Ainsi le délabrement du tissu social, le marasme économique ambiant et l’impasse politique actuelle placent notre pays dans une situation de nation failli. Ce qui ne laisse d’autre perspective que la seule voie de la refondation morale, spirituelle, démocratique (politique et socioéconomique) pour sortir sans délai le Togo de l’ornière.
I- DES MESURES PRELIMINAIRES
Il s’agit de préalables indispensables à l’ouverture d’un véritable dialogue politique national pour ramener la confiance entre les différents acteurs sociopolitiques d’une part, et d’autre part entre le peuple et les gouvernants.
1. Arrêt immédiat de toutes les formes de violences et de voies de fait sur les populations, et respect scrupuleux des droits constitutionnels de manifester et de culte religieux (articles 14 et 25 de la Constitution Togolaise).
2. Libération immédiate et sans condition de tous les prisonniers politiques.
3. Ouverture de discussions avec tous les partis régulièrement constitués et enregistrés auprès du Ministère de l’Administration Territoriale, de même que les syndicats, les autres organisations de la société civile et de la diaspora.
4. Organisation avant la mi décembre 2010 d’une rencontre à Lomé entre le pouvoir RPT/AGO, le FRAC, l’ANC, OBUTS, les autres partis politiques d’opposition, les organisations la société civile et de la diaspora sous la facilitation du G5 (groupe des ambassadeurs de France, d’Allemagne, des USA, de l’UE, et de la représentante du PNUD au Togo).
5. Adoption d’une feuille de route de sortie de crise.
II- DES SOLUTIONS DE SORTIE DE CRISE
Seule une ferme volonté politique empreinte de décisions courageuses peut aider à sortir de manière pacifique de l’impasse politique actuelle que connaît notre pays.
Pour ce faire, le Chef de l’Etat, soutenu par le RPT doit opter sincèrement et de façon claire pour une rupture radicale avec les dérives autocratiques et de mauvaise gouvernance, en acceptant la mise en œuvre sans délai des différentes réformes nécessaires pour le retour de la confiance et la relance économique du pays.
La Constitution togolaise est la loi fondamentale de notre pays. Elle mérite d’être connue du peuple. C’est pourquoi il devient urgent qu’elle soit traduite dans les deux langues locales officielles, et qu’elle fasse l’objet d’explications dans le cadre d’émissions sur les médias. Afin de garantir sa nécessaire stabilité et tirant les leçons du passé, il convient d’indiquer clairement les domaines qui ne peuvent pas faire l’objet de révision, par exemple la durée et le nombre de mandats présidentiels, identifier les domaines soumis obligatoirement au référendum, par exemple le type de régime, enfin redéfinir le domaine de compétence des institutions avec une séparation et un équilibre entre les différents pouvoirs.
La durée du mandat présidentiel doit être de 5 ans renouvelable une seule fois. En cas de vacance du pouvoir, la succession ne peut se faire de façon anticonstitutionnelle par un membre de la famille du Président au premier degré (conjoint, ascendant, descendant, collatéraux). Dans tous les cas, nul ne peut exercer pendant plus de dix ans la fonction présidentielle. Par ailleurs, le Président de la République, durant l’exercice de sa fonction ne peut plus assumer les responsabilités de Chef de parti, ni être membre d’une quelconque association. Il faut en outre mettre un terme à la concentration excessive du pouvoir entre les mains du Président de la République, et veiller à mettre fin à toute immixtion du Président de la République dans le fonctionnement du législatif et du judiciaire. L’exécutif doit s’abstenir de toute interférence dans le fonctionnement de la justice. Tous les responsables politiques de haut niveau de ces dix dernières années sont comptables devant la Cour des comptes et justiciables.
Le cumul de mandats et le nombre de mandats successifs doivent être strictement limités pour toutes les fonctions électives.
Le mode de scrutin doit être un scrutin uninominal à 2 tours pour les élections présidentielle et législatives, et pour les élections locales, le scrutin de liste à la proportionnelle peut être maintenu.
La Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) doit être une institution purement administrative et technique, dont les membres doivent être nommés sur une base consensuelle après un débat public sur leur compétence, leur intégrité morale et intellectuelle. Ils doivent être inamovibles pendant au moins 15 ans.
Convenir d’un nouveau redécoupage électoral en se donnant comme clé de répartition des sièges, le poids démographique de chaque circonscription électorale.
Organiser après le recensement général, des élections locales pour développer la culture de la démocratie participative à la base et intensifier le rôle des élus locaux dans la gouvernance de proximité afin de mieux répondre au besoin des populations et aux exigences de développement.
L’Inspection Générale d’Etat doit être un organe de prévention de la corruption et de la dilapidation des ressources publiques. Pour être efficace, elle doit être restructurée. Elle doit être autonome et doit disposer des moyens suffisants et des ressources humaines de qualité pour accomplir sa mission de prévention et de répression des délits. Elle a le pouvoir de saisine directe des tribunaux pour des poursuites contre la prédation des deniers publics, car les biens publics et les deniers publics doivent être désormais sacralisés.
L’attribution des marchés publics doit obéir à des critères spécifiques, notamment de transparence totale, et d’équité.
Dépolitiser l’administration afin de mettre fin aux mesures répressives pesant sur les citoyens qui travaillent dans les services publics, et leur garantir la liberté d’expression. Aussi, il importe de convenir ensemble que les décisions politiques qui découlent de l’accord politique entre le pouvoir, l’opposition, la société civile et la diaspora doivent être entérinées par l’actuelle Assemblée Nationale.
III – DE LA MISE EN PLACE D’UN GOUVERNEMENT DE REFONDATION
Dans le souci de l’apaisement et du retour de la confiance en vue de la relance socio-économique et politique du pays, il importe que le Chef de gouvernement soit une personnalité issue des rangs de l’opposition notamment du FRAC, de l’ANC, ou OBUTS.
Dans le souci de résoudre au mieux la crise de représentativité du pouvoir, la composition du gouvernement doit obéir à la règle de 40/40/20, c’est-à-dire 40% des membres du gouvernement doivent provenir du RPT et ses alliés, 40% de l’ensemble de l’opposition et 20% provenant de la société civile et de la diaspora. Le programme du gouvernement de refondation devra être axé sur un Plan Stratégique de Relance (PSR) en vue de redresser la situation socio-économique de notre pays. Ce plan doit :
Prendre en compte les graves évènements liés aux intempéries et leurs conséquences sur nos populations (inondations avec déplacements des populations, dégradation généralisée des infrastructures routières dans la capitale et sur toute l’étendue du territoire).
Prévoir également des mesures d’urgence pour relever le niveau du pouvoir d’achat des populations (réduction des prix de certains produits de première nécessité et augmentation des salaires des travailleurs tant du secteur public que privé).
Prévoir des volets de la modernisation des infrastructures sanitaires et de l’éducation sur toute l’étendue du territoire dans les meilleurs délais.
Prévoir la relance de l’agriculture et de capacités productives nationales créatrices de valeurs ajoutées.
Le gouvernement de refondation doit pouvoir mobiliser des ressources internes et externes pour porter le budget de 500 à plus de 1000 milliards d’ici l’année 2011. Il s’avère donc nécessaire de mettre en place une commission interministérielle chargée de la normalisation de la comptabilité nationale, de l’atteinte des objectifs budgétaires, et de la comparaison de nos performances avec celles des pays voisins. Ses rapports seront publics et constitueront un des éléments de la promotion des compétences. Son action est bien différente de celle de la Cour des comptes et de l’Inspection d’Etat, étant donné que sa compétence ne se limite qu’aux performances et à l’atteinte des objectifs.
Dans le cadre du plan stratégique de relance, il s’avère indispensable de définir un budget exceptionnel pour les 3 années à venir et prévoir des actions de grande envergure nationale pour créer la confiance auprès des citoyens. Dans cette perspective, la réduction des dépenses publiques notamment le train de vie de la présidence de la République, du gouvernement et de la direction des régies financières est une priorité des priorités.
Ainsi, le gouvernement ne peut compter plus de 18 membres. Le Chef du gouvernement doit avoir la latitude de procéder au redéploiement du personnel à la tête des sociétés d’Etat en accord avec le Chef de l’Etat.
Conformément au principe de la représentativité du pouvoir pour lui conférer plus de légitimité, les nominations à la tête des sociétés d’Etat, des régies financières, des directions centrales, des ambassades, des préfectures et des principales structures étatiques doivent respecter la règle des 40/40/20.
Quant aux nominations aux postes de la hiérarchie militaire et de la gendarmerie, elles doivent faire l’objet d’un commun accord entre les 2 Chefs de l’exécutif.
La réduction du train de vie de l’Etat et des dépenses publiques impose qu’on observe un arrêt provisoire du recrutement dans l’armée.
Le plan stratégique de relance doit aussi tenir compte de l’état psychologique des citoyens et prévoir une vaste campagne de sensibilisation et de formation des cadres supérieurs, des cadres intermédiaires et leurs collaborateurs pour renforcer le sentiment de patriotisme, et susciter une dynamique porteuse dans l’administration.
Le gouvernement doit également appuyer les actions du CVJR pour l’aider à mieux accomplir sa mission de rétablissement des faits nécessaire pour le travail de mémoire, de justice et de réconciliation nationale.
Il importe donc que soient mises en place sans délai les 12 mesures d’urgence suivantes par le gouvernement de refondation.
IV- LES DOUZE MESURES D’URGENCE
Elles sont censées ramener la confiance et relancer la consommation. 1. Enrayer la cherté de la vie pour les togolais, par la diminution et la régulation des coûts des produits de première nécessité, notamment : le carburant et l’énergie, les télécommunications, le ciment, assurer la libéralisation de la commercialisation du gaz butane au niveau des ménages. Ces premières mesures provoqueront à coup sûr l’allègement du coût de revient du panier de la ménagère.
2. Mettre fin immédiatement à la dilapidation des ressources de l’Etat, notamment les recettes, douanières, fiscales, les recettes provenant des sociétés d’Etat, les recettes des produits d’exportation dont le phosphate et le clinker. Des objectifs annuels chiffrés et mesurables seront définis pour chaque unité institutionnelle relevant du secteur public. Une commission technique interministérielle, sera chargée de la normalisation de la comptabilité publique, de suivre à échéance trimestrielle le plan d’action défini, d’identifier les errements, de définir les mesures correctives immédiates et de superviser leur mise en œuvre. Cette nouvelle gouvernance permettra de commencer à dynamiser nos performances économiques et de définir et d’adapter les besoins urgents de financement public.
3. Rendre la césarienne gratuite à toutes les femmes devant accoucher par cette voie, et faciliter l’accès aux soins de santé à tous en renforçant les prestations des services sociaux.
4. Identifier les zones à risque d’inondation et prendre des mesures urgentes en matière de réseaux d’assainissement, pour briser la spirale des dégâts désormais collatéraux liés à l’arrivée de chaque saison des pluies.
5. Mettre fin au désordre dans le secteur de la micro-finance, et mieux réguler son fonctionnement tout en promouvant l’entreprenariat féminin.
6. Revenir à la Constitution de 1992 et mettre en place un Conseil Constitutionnel de la République (CCR) chargé de la vulgarisation dans les langues nationales de la loi fondamentale, de même que de l’élaboration d’une nouvelle constitution devant inclure la saisine directe de la Cour Constitutionnelle par tout justiciable togolais.
7. Créer 25 nouveaux arrondissements dans la ville de Lomé pour rapprocher l’administration des populations de base, favoriser une saine gestion de nos arrondissements, avec à la clé, le recrutement des jeunes pour le service de la Police de Proximité.
8. Constituer comme 6e région du Togo, l’ensemble de la diaspora et créer un ministère chargé de la diaspora et de son intégration à la vie nationale.
9. Créer une Agence Nationale Emploi-Insertion (ANEI) en vue de recenser tous les demandeurs d’emploi et chômeurs de longue durée, les catégoriser et mettre en œuvre un programme d’insertion professionnelle dans le cadre d’un partenariat coopératif Patronat-Etat, et gérer les programmes d’accompagnement pendant les périodes de transition professionnelle.
10. Réorganiser la Commission Vérité Justice Réconciliation tant dans sa composition que dans ses attributions en la dotant des moyens appropriés.
11. Décréter de concert avec toutes les forces vives du pays une Journée Nationale de Mémoire, d’Actes de souvenir et de Patriotisme.
12. Rapatrier avant le 27 avril 2011 la dépouille mortelle de Feu Sylvanus Olympio, le Père de l’Indépendance, pour que lui soit rendu l’hommage de funérailles nationales, dignes de son œuvre et de son rang. Cet acte s’inscrira dans le cadre d’un ensemble d’actes concrets devant ouvrir la voie à une véritable réconciliation du peuple togolais avec son histoire.
V- LES AUTRES AXES DE REFONDATION DE LA REPUBLIQUE
Dans le souci de consolider l’action gouvernementale, de promouvoir le civisme et de susciter un élan de solidarité nationale, il importe que des actions fortes qui mobilisent la majorité des citoyens et renforcent aussi bien la cohésion nationale que le bien être collectif soient entreprises.
1. Organiser les Assises Nationales de Refondation Démocratique où sera validée la Charte de Refondation Démocratique du Togo (CRDT) qui constituera un outil de référence dans la formation civique.
2. Restructurer la Cour Constitutionnelle tant dans sa composition que sa mission pour la rendre plus représentative des aspirations du Peuple togolais et du paysage politique actuel, renforçant ainsi sa légitimité.
3. Restructurer la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) tant dans ses attributions que sa composition, et revisiter le code de la presse dans le souci de mieux préserver la liberté d’expression des médias.
4. Réhabiliter et développer les infrastructures sanitaires, et mettre sur pied un système de régie d’assurance maladie.
5. Développer les infrastructures et repenser le système éducatif du Togo en élaborant un curriculum instituant une passerelle entre l’emploi et la formation afin de dynamiser la formation des adultes et la mobilité professionnelle.
6. Définir une nouvelle politique de constructions d’infrastructures routières et d’équipements, et réhabiliter rapidement les principaux axes routiers du pays.
7. Conclure des partenariats avec des pays, régions ou collectivités locales étrangères intéressées par une complémentarité dans la création de richesse et le développement à la base.
8. Instituer un service civique obligatoire pour toute personne âgée de 15 à 55 ans afin de promouvoir la culture du civisme et résoudre notre crise identitaire pour mieux construire avec Patriotisme un Togo prospère.
9. Faire de notre armée une armée républicaine au service de la nation et élaborer une diplomatie proactive et performante.
10. Réorganiser et intensifier la lutte contre le trafic des stupéfiants, et des armes légères.
CONCLUSION
La situation d’impasse politique actuelle est la preuve que la triple crise éthique, identitaire et managériale à laquelle est confrontée le Togo a atteint son paroxysme. L’ampleur de la détresse des populations requiert des acteurs sociopolitiques du courage politique pour se dépasser afin d’ouvrir sans délai le chemin de l’espérance pour que notre pays renaisse de ses cendres. Le CVU est convaincu que seule l’action concertée dans l’humilité et le souci de l’intérêt général peuvent favoriser aujourd’hui le retour de la confiance et la prospérité partagée dans notre pays.
FEDERONS NOS ENERGIES POUR REFONDER LA REPUBLIQUE !
Le Coordinateur National Provisoire
Agbéyomé KODJO
Le Secrétaire International Provisoire
Dr Edem Atsou KWASI