Si la Françafrique incestueuse et patrimoniale est morte, celle des réseaux est, elle, toujours bien vivante. A une différence – de taille – prés, elle est acéphale.
Là où Jacques FOCCART, qui consacrait l’essentiel de son temps aux affaires du « pré carré », tirait tous les fils à la manière d’un grand marionnettiste, Claude GUÉANT, pour qui l’Afrique n’est qu’une préoccupation parmi d’autres, n’intervient directement ou par intermédiaire interposé que sur certains dossiers sensibles. D’où l’éclatement et la multiplication de réseaux souvent complémentaires (Elysée-business par exemple), reliés entre eux par des passerelles (avocats, juges, médecins), ouvertement rivaux (ONG), transcourants (francs-maçons), etc., mais qui tous fonctionnent en interne avec de vraies solidarités corporatistes et une opacité commune.
Autre évolution, les réseaux sont désormais autant afro-français que franco-africains et leur interpénétration réciproque est fréquente.
Un Laurent GBAGBO, un Paul BIYA, un Denis SASSOU NGUESSO, un Ali BONGO ONDIMBA, pour ne citer qu’eux, ont tous leur réseau d’influence qui emprunte à chacun (ou presque) des réseaux français.
Conséquence de cette alchimie complexe, qui tient parfois de la raffinerie, l’apparition de missi dominici dont on distingue mal a priori l’allégeance principale. Il faut ainsi de bons yeux pour hiérarchiser les fidélités dont se réclament aujourd’hui l’incontournable Robert BOURGI, Nicolas SARKOZY et Claude GUÉANT en premier lieu, puis WADE, Ali BONGO ONDIMBA, OULD Abdelaziz, Laurent GBAGBO et quelques autres. Il est vrai que, en ce domaine, chacun avance masqué.
Le petit « Who’s Who » que nous publions (voir ci-dessous) – et d’où sont exclus les ministres pour qui l’Afrique fait en quelque sorte partie du job, tels Bernard KOUCHNER et Alain JOYANDET – a pour ambition de guider les pas du profane dans le maquis de la néo-Françafrique.
Nous avons volontairement omis dans ce vade-mecum les pays du Maghreb, qui relèvent, eux, de réseaux bilatéraux à la fois différents et étanches, sur lesquels nous reviendrons prochainement.
CES HOMMES QUI MAINTIENNENT LE LIEN AVEC LE CONTINENT NOIR : Elysée connexion
Aux côtés d’un président qui n’a que peu d’appétence pour les « affaires africaines » et dont la doctrine à ce sujet a évolué, de discours en discours, de manière quelque peu erratique, c’est au secrétaire général de l’Elysée, Claude GUÉANT, que revient la gestion du réseau ou de ce qu’il en reste.
Au niveau institutionnel, le conseiller diplomatique Jean-David LEVITTE et son adjoint chargé du Sud-Sahara (Mauritanie comprise), André PARANT – lequel bénéficie de l’apport de deux conseillers techniques, Rémi MARÉCHAUX et Clément LECLERC -, dépendent directement de lui.
Mais LEVITTE n’ayant jamais manifesté de tropisme africain particulier, en dehors de la préparation des voyages et sommets présidentiels, l’omniprésente éminence grise du Château a la main sur le continent. Claude GUÉANT reçoit volontiers dans son bureau les émissaires des chefs d’Etat et se déplace pour rencontrer ces derniers dans les grands hôtels où ils descendent lors de leurs passages à Paris.
L’avocat Robert BOURGI lui sert à la fois de conseil, de missi dominici et de poisson-pilote sur des pays comme le Gabon, le Sénégal, la Mauritanie, Madagascar, le Bénin, voire la Côte d’Ivoire ou le Togo. Mais il n’est pas le seul, même si les autres « africains » figurant dans le carnet d’adresses de Claude GUÉANT jouent un rôle beaucoup plus restreint.
Georges OUEGNIN, l’ancien directeur du protocole de la présidence ivoirienne, très introduit à Brazzaville et à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), est de ceux-là, tout comme le diplomate, ex-conseiller spécial d’Idriss DEBY ITNO (et décoré de la légion d’honneur), ABAKAR MANANY, qui a joué un rôle non négligeable dans la reprise des relations entre la France et le Rwanda.
Difficile par ailleurs de ne pas citer le nom du député-maire de Levallois-Perret, Patrick BALKANY, ami de Nicolas SARKOZY, électron libre quelque peu sulfureux que l’on a vu à l’œuvre à Kinshasa, Bangui et Nouakchott.
Autres francs-tireurs, les anciens ministres Charles MILLON et Alain MADELIN. Proche d’Abdoulaye WADE, ce dernier continue d’entretenir des liens avec l’Afrique par le biais du Fonds de solidarité numérique (accès aux nouvelles technologies), qu’il préside.
Côté UMP, le porte-parole adjoint (et conseiller de Nicolas SARKOZY), Dominique PAILLÉ, passe parfois des messages entre l’Elysée et Abidjan (ou l’inverse), ainsi que le font, avec Lomé, le député du Rhône, Christophe GUILLOTEAU, membre d’une demi-douzaine de groupes d’amitié franco-africains à l’Assemblée.
L’ex-chiraquien Jacques TOUBON, à la tête de la « mission du cinquantenaire » et qui occupe, au Quai d’Orsay, les anciens bureaux du secrétariat d’Etat de Rama YADE, ne s’est jamais éloigné du continent et a trouvé dans son éphémère fonction l’occasion de renforcer ses liens.
Enfin, à la périphérie, évoluent une poignée de publicistes tel Laurent TAÏEB, dont le périodique L’Essentiel des relations internationales, souvent axé sur l’Afrique et lié à l’UMP, est à disposition dans tous les salons d’attente de l’Elysée. Malin, TAÏEB a trouvé dans les cercles d’amateurs de cigares qu’il anime un réseau d’influence original.
A portée de main du Château également, le chirurgien-dentiste Patrick GAUBERT, ancien membre du cabinet de Charles PASQUA, président du Haut conseil à l’intégration, président d’honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra) et ami de vingt-cinq ans de Nicolas SARKOZY. GAUBERT, TOUBON, ainsi que les députés UMP Jean-Michel FOURGOUS et Jean-François MANCEL étaient à Brazzaville en juillet 2009 pour observer le scrutin présidentiel à l’invitation de la Commission nationale congolaise des droits de l’homme, proche du pouvoir. Au grand étonnement du Quai d’Orsay. Mais avec l’accord tacite de Claude GUÉANT.
MAMPOUYA, journaliste