Gilchrist n’est pas un imbécile

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Les latitudes que j’ai prises depuis quelques années en initiant la critique ouverte de Gilchrist Olympio, en dépit de la notoriété de l’homme et ce qu’il pouvait représenter aux yeux de nos compatriotes, ont été beaucoup plus fondées sur non seulement sa vison anomale et étriquée de la situation sociopolitique de notre pays, mais aussi la manière cavalière de l’homme en ce qui concerne la lutte pour la fin du règne des Gnassingbé. Cette démarche s’articule donc autour de quatre raisons fondamentales.

Tout d’abord, souffrez que Gilchrist n’a aucune considération pour personne au Togo et il paraît même que l’homme a une autre vilaine tare beaucoup plus dévastatrice. Personne dans son entourage, je dis bien personne, y compris même ses soi-disant conseillers spéciaux, ne peut lui faire changer d’avis. D’ailleurs, pour la petite histoire, remarquez que ses conseillers spéciaux ne sont rien d’autres que des membres de la famille. Et ils ont, anormalement, préséance sur les membres du bureau de l’UFC. Passons.

Ainsi dit, pour qu’il vous écoute et pouvoir l’intéresser, dès votre introduction, vous devez aborder le départ d’Eyadema tel qu’il le percevait et surtout le présenter comme il veut l’entendre sinon il n’est pas difficile d’atteindre le point de Godwin avec lui. Et là, il vous cataloguera de partisan d’Eyadema ou de personne qui rencontre ce dernier dans la clandestinité. Nombre de ses « sujets », tels que Patrick Lawson ou feu Amah Gnassingbé, pour ne citer que ceux-là, en ont fait les frais pour avoir osé exprimer des idées contraires à celles du Maréchal. Quant aux autres leaders de l’opposition et les collaborateurs d’Eyadema, Gilchrist les considèrerait comme des personnalités de seconde classe autrement dit, moins que rien. S’il vous est déjà arrivé de suivre des séances de négociation entre la mouvance présidentielle et l’opposition, vous comprendrez facilement le type de personnalité qui se cache derrière le nom Gilchrist Olympio. Par exemple, au cours des pauses café, vous verrez l’homme s’isoler avec Jean-Pierre Fabre pendant que les autres membres de l’opposition plaisantent avec ceux qui sont venus défendre les intérêts des Gnassingbé, comme s’ils voulaient dire aux facilitateurs qu’ils ne sont que des adversaires politiques et non des ennemis. Ce qui n’est pas une contrevérité ; mais seul Gilchrist s’interdisait de voir la crise politique au Togo sous cet angle et se comporte comme un enfant à qui vous venez d’arracher son jouet préféré.

Ensuite, il n’est plus un secret pour personne que l’homme s’arroge le droit de  parler au nom de toute l’opposition. C’est la deuxième la raison. Gilchrist croit avoir des mots comme « pouvoir » et « président » inscrits sur son ADN et donc naturellement seul conféré des pouvoirs divins ou plutôt diaboliques, je ne sais pas trop, pour décerner les quitus de démocrates ou antidémocrates aux Togolais. Comment sommes-nous parvenu à cette situation ?

Et bien, le fait que la plus part de ceux qui ont eu des ennuis avec les Gnassingbé aient toujours cherché à raconter leur mésaventure à Gilchrist pour, en quelque sorte, se faire accepter dans leur nouveau statut d’opposant, celui-ci ne le prendrait pas comme une démarche l’invitant à la collaboration pour chasser les Gnassingbé du pouvoir. Mais plutôt comme une adhésion à sa cause, car cette lutte est avant tout la sienne et non celle de tous les Togolais. En bon autocrate, Gilchrist pense donc, et se comporte d’ailleurs comme tel, avoir des nouveaux sujets qui reconnaissent sa préexcellence dans l’avènement d’une alternance politique au Togo. Le dernier en date n’est rien d’autre qu’un officier de l’armée Togolaise : François Boko. Mais avant lui, il y a eu entre autres Waste Arégba, professeur à l’université de Bordeaux I, ou les anciens Premiers ministres des Gnassingbé :  Edèm Kodjo et Agbéyomé Kodjo.

En effet, au début, toutes ces personnalités, ne connaissant pas l’homme, trouvaient normal que Gilchrist puisse parler en leur nom. Ils trouvent aussi banal que ce soit l’UFC (entendez Gilchrist) qui choisisse le candidat unique de l’opposition au sein de l’UFC (entendez parmi ses fidèles). Mais très tôt, elles comprendront qu’au-delà du mythe fabriqué de toutes pièces par les médias, cet homme n’est, en réalité, pas mieux que ceux que nous combattons tous. C’est pourquoi vous ne verrez aucune des grandes figures de l’opposition accepter coaliser avec Gilchrist et son UFC. Pour un homme d’affaire qu’il prétend être, la négociation ne semble pas être le point fort de Gilchrist. Pour lui, négocier c’est arriver avec son point de vue, même tordu, sur le sujet et demander à la partie adverse de l’accepter sans aucune autre forme de procédure.

De même, chemin faisant, parmi ceux qui étaient allés lui offrir leur collaboration, certains finissent par le critiquer ouvertement et d’autres créer leur propre formation politique. C’est le cas de Comi Toulabor et tout récemment Kodjo Agbéyomé qui a jugé mieux d’exprimer ses idées avec un « obut » sans lanceur. Et en fin, comme pour dire qu’être plus bas est mieux que par terre, la plupart d’entre eux préfèrent retourner servir leur ancien employeur (Gnassingbé S.A.). Malheureusement en 2005, la peur de se faire juger par l’histoire a eu raison de certains leaders comme Agboyibo et Gnininvi qui lui ont laissé les coudées franches pour nous imposer un mourant à l’élection présidentielle. Nonobstant ce mal qu’il nous a fait cette année-là, l’orgueil de Gilchrist ne lui a toujours pas laissé comprendre raison et tirer les leçons qui s’imposaient.

La troisième raison qui me semble plus gravissime chez cet homme est dans sa nature même. En effet, Gilchrist n’a jamais su se départir de son arrogance et complexe de supériorité pour se mettre au dessus des clivages ethnocentristes, qui constituent des bombes coloniales sur lesquels surfent les colons pour maintenir leur emprise sur les pays Africains. Au contraire les propos de l’homme ne passent jamais inaperçus comme un couteau dans une plaie déjà béante. D’ailleurs sur ce sujet, il est vrai qu’il n’est pas seul et certains pourront citer Edèm Kodjo ou Yao Agboyibo. Ce n’est pas encore le moment pour parler de ce dernier. Mais d’autres me diront que c’est héréditaire chez Gilchrist car feu Sylvanus, son père, dans son héroïque lutte pour l’indépendance, avait, lui aussi, voulu créer « Ewéland » avant de se contenter de ce qui est aujourd’hui Togo, après que feu Komi N’krumah soit parvenu à lui prendre le Togo britannique.

Restent des ambiguïtés dans les raisonnements de cet homme. Alors que les Gnassingbé et leur RPT opposent constamment le nord au sud depuis bientôt un demi-siècle pour justifier leur présence au sommet de l’Etat ; pour Gilchrist et son UFC, il existerait deux catégories de Togolais : Ceux du sud mangeant à leur faim et matures pour la démocratie ; opposés à ceux du nord, affamés, qui votent pour leur ventre, et donc attardés pour comprendre la démocratie. Pourtant une analyse dépouillée de sa vision ethnocentriste de la situation sociopolitique du Togo devait lui permettre de comprendre que ses vrais partisans se trouvent dans la partie nord du pays. En effet, au sud, tous ceux qui s’activent et votent pour le RPT le font en vendant leur âmes au diable, c’est-à-dire contre rétribution en pièces sonnantes et trébuchantes. Mais on ne peut pas dire pareil de ceux qui, au nord, votent pour l’UFC. D’ailleurs, façon dont Gilchrist est pingre, il est genre de personne qui bousculerait toute une foule pour récupérer une pièce de 25 francs qui tomberait de sa poche. En outre, vu l’emprise d’Eyadéma, par intimidation de toutes sortes et autre manipulation, sur cette partie nord du pays, il ne serait pas trop difficile de comprendre que seules des personnes sincères, dotées d’esprits logiques et ayant une conviction avérée en l’avenir d’un Togo uni et prospère pouvaient se permettre de s’afficher partisan d’une UFC de Gilchrist, ennemi juré des Gnassingbé. Mais Gilchrist trouvait que Péré est trop Kabyè pour être le candidat unique de l’opposition.

Parallèlement, pendant que les Gnassingbé brandissent constamment leurs différents Premiers ministres comme signe de partage du pouvoir entre Kabyè et Ewé, Gilchrist faisait semblant de se protéger de cette critique aux yeux de l’opinion, en exhibant l’organigramme de son UFC personnel. En effet, vous y verrez insérer, particulièrement,  quelques Kabyè dont celui ayant même patronyme qu’Eyadema. Mais les Togolais ne doivent pas êtres dupes; car ce Gnassingbé de Lama, n’avait aucun pouvoir de décision et ne représentait rien dans l’UFC de Gilchrist malgré son rang de 2e Vice-président.

Cette réalité ethnocentriste, innée chez Gilchrist, et qui lui colle bien la peau met en évidence avec le moins d’ambiguïté possible son incapacité à être un véritable leader dont aspire la grande majorité des Togolais aussi bien au nord qu’au sud. A la lumière de tout ce qui précède, Gilchrist n’est pris dans aucun piège du RPT, chacun d’eux connait bien son jeu et va continuer de le jouer au naturel jusqu’au bout, c’est-à-dire la mort.

La quatrième raison apparaît comme une conséquence des trois premières. Une analyse rétrospective vous permettra de constater que tout au long de son existence, Gilchrist et son UFC n’acceptent les propositions du RPT, sur un sujet donné, que du bout des lèvres. Son système de règlement de la crise politique fonctionne par antériorité. C’est-à-dire que ses solutions sont toujours des anciennes propositions qu’il avait déjà récusées. Voici schématiquement comment les choses se passent.

Le RPT propose des épis de maïs à l’opposition pour sortir d’une crise X. L’UFC est toujours la première à dénoncer l’insuffisance de l’offre et exige le maïs déjà décortiqué. Tout en étant conscient de l’impossibilité, pour elle, d’obtenir sa revendication, l’UFC s’arc-boutera sur cette position tant que le Maréchal n’aura pas changé d’idées. Pendant ce temps les autres membres de l’opposition se mettent à l’œuvre pour rendre ces épis consommables pour la population. Entre temps, la raison est revenue chez Gilchrist après qu’il ait crié au scandale et traité les autres leaders de tous les noms d’oiseaux. Pour ne pas paraître ridicule, il attendra la résolution d’une crise Y (suite logique de X) pour exiger sa part du maïs décortiqué. Là, l’UFC va vouloir en consommer plus que ceux qui l’ont transformé, sous prétexte qu’elle est le parti majoritaire de l’opposition.

C’est toujours pareil avec Gilchrist pour qui la somme des « NON » donne « OUI ». Il est vrai que Gilchrist n’est pas un imbécile pour ne pas changer d’avis. Mais sa soudaine métamorphose depuis la mort d’Eyadema surprend le togolais moyen non averti qui croyait en lui aveuglement. D’ailleurs, c’est ce que certains membres de l’opposition, comme feu Amah Gnassingbé ou Dosseh-Anyron ou encore Yao Agboyibo et Léopold Gnininvi, ont compris et se sont précipités pour avoir leur part du gâteau national.

Cette entrée probable dans le gouvernement Houngbo II concrétise donc l’échec annonce depuis 2005 d’une lutte, qui, à mon sens, était inévitable puisque Gilchrist est loin d’être un révolutionnaire, c’est à dire un idéaliste qui affronte le pouvoir temporel. Après avoir donc passé 47 ans à vilipender ceux qui collaborent avec les Gnassingbé, Gilchrist vient de passer à table pour souper sur le sang de son père et de nos martyrs.

C’est ainsi que le mystique tomba plus bas que le sol. Bon appétit donc Monsieur Olympio. Mais avant chaque gorgée, il serait aimable de votre part de faire une prière en mémoire de Marc Attidépé et tous ces martyrs.

… à suivre…

Rédigé, le 23 mai 2010
Mohammed Youssif
mohammed_yusif@voila.fr

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