Gilchrist Olympio, un mythe usé par l’âge de sa révolution

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Il y a quarante ans qu’il combat le régime.Que ce soit pour venger son père ou pour restaurer les promesses de l’indépendance, son engagement reste légitime. Seulement, la lutte pour la démocratie au Togo est longue et âpre.Gilchrist Olympio, dans ce parcours du combattant, s’est exposé à toute sorte d’accrocs qui vont considérablement éroder son charisme. L’opposant majeur d’hier deviendra une irritation mineure pour le pouvoir. Il va se retrouver, ces derniers temps, dans une posture peu enviable, entre  jeter l’éponge et demeurer candidat à vie.C’est le premier et aussi le moins déshonorant qui va finir par s’imposer à lui.

Parmi les qualités que doit avoir un Homme d’Etat, il en est une que le principal opposant togolais n’a pas : l’humilité.A force de se répéter, inlassablement, qu’il est le plus grand, le plus populaire, l’âme la plus noble, et que les autres ne sont, au mieux, que de quantité négligeable, il n’a pas vu venir le vent de la fronde et de la contestation qui va le mettre hors jeu.L’homme, un mauvais politique, s’est fait griller à petit feu par son incapacité à devancer les pièges, par l’absence de résultats et aussi par les refrains adulateurs de ses courtisans.Sa nature un peu trop suffisante le conduit fréquemment à prendre ses distances avec la logique.C’est ainsi qu’il dira par exemple que “ la candidature unique en 2010 n’était par nécesaire face au RPT, le parti au pouvoir”.

C’était là une gaucherie de sa part.L’équation était trop erronnée pour ne pas endommager son image publique et déstabiliser ceux qui veulent encore donner quelques chances à cette élection.La réaction de l’opinion, y compris dans son propre camp, avait été un parfait reflet de l’émoi suscité par cet écart de langage.Le CAR de Maître Agboyibor, visiblement aux aguets, avait bondi sur l’occasion pour remettre en cause la candidature du leader de l’UFC. La brouille, disons plutôt la zizanie à répétition entre nos opposants, fait jubiler les faux prophètes au pouvoir qui doivent en réalité  être la cible commune.

Sur la base de l’expression “ il faut donner à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu”, Gilchrist Olympio devrait avoir les égards de sa séniorité et porter l’étendard. Il est une pièce centrale, l’un des tout premiers à comprendre la nécessité de renverser le régime des abominations qui a fait du Togo la confluence de tous les réseaux  de mafieux.On l’accuse parfois d’être possédé par un esprit de vengence.Qui à sa place ferait autre chose? Et où aurait été le mal s’il avait, dans les années 80, réussi à redonner au Togo les fondamentaux de son indépendance? C’est conscients du symbole qu’il représentait que les séïdes du tyran Eyadéma avaient voulu, en mai 1992, l’enterrer à Soudou.
Gilchrist Olympio avait la baraka, l’aura et l’agenda pour être le chef de file incontestable de l’Opposition togolaise.

Seulement, l’homme avait beaucoup souffert d’un mal, pas des moindres: il n’est pas un stratège accommodant pour diriger un groupe de derrière, tout en tenant solidement le devant.Certains le trouvent même “invivable”. Du haut de sa grandeur, difficile pour lui de tisser des alliances en terrain hostiles et d’attirer la sympathie des forces extérieures que son genre nationaliste exacerbe.Après l’avoir promené sur les cinq continents pour des accords politiques aussi creux que dupeurs – des fois il est en tête-à-tête avec les bourreaux du peuple derrière portes hermétiques – le  pouvoir a réussi à lui venir à bout. L’âge a fait le reste.Le mythe s’est ramoli.Le sexagénaire exposera des comportements regressifs bizzares propres au crépuscule d’une fin de carrière, pour finalement abandonner au profit de Jean-Pierre Fabre.
Mr Olympio quitte la tête de pont mais la question de la candidature unique de l’opposition reste en tête de liste des exigences des togolais. Me Agboyibor peut penser que le départ de Gilchrist va l’arranger, ayant toujours cru que l’UFC lui doit un ascenseur.Non. Il faut avoir l’honnêteté intellectuelle de soulever que l’image du leader du CAR dans l’opinion a connu une profonde érosion. Le Belier Noir n’est plus qu’une épave.Sa cote est amaigrie et son avenir politique est derrière.Lorsqu’on le compare aux plus sérieux des prétendants que sont Fabre, Yamgnane, Agbéyomé, il est loin d’être  l’homme de la situation.

Inutile de s’attarder sur les fourberies de Léopold Gnininvi, le leader de la CDPA qui, après avoir épuisé tous ses crédits de confiance, a balancé sur le circuit une carte féministe soupçonnable, à travers la candidature de Mme Kafui Adjamagbo.

Ceci dit, les candidats crédibles dans la course, vont-ils pouvoir réussir là où Gil a échoué, c’est-à dire sur le chapitre d’un grand rassemblement de toutes les forces progressistes, petites et grandes, autour d’un candidat unique? Quelles sont les chances de chacun par rapport au noeud gordien que constitue la situation ethno-politico-militaire du pays ? Qui peut gagner, et si nécessaire, défier le RPT sur le front de sa tradition, celui de la violence.Peu importe la provenance de ce candidat, c’est à celui-là qu’il faudra que les togolais confient leur sort.

On sait que les leaders de l’Opposition, trop souvent, de bisbilles en confrontation directe, se sont toujours entredéchirés, oubliant royalement l’intérêt général. Aussi  n’ont-ils jamais réellement oeuvré dans un mouvement collectif pour changer l’histoire au bénéfice du peuple togolais.S’il est vrai que “ l’objectif d’un parti politique, c’est la conquête du pouvoir” , il n’est pas moins vrai que le contexte actuel refute ce principe auquel on aime à s’accrocher au Togo, les yeux fermés. Ce moment particulier est à l’effacement de soi, à l’acceptation d’une alternative gagnante de circonstance, quitte à gérer après, aux lendemains de l’alternance, certaines considérations qui ne manqueront pas de surgir.

Gilchrist Olympio a peut-être compris que l’appel pressant du peuple en faveur d’un candidat unique de l’opposition ne peut plus rester sans réponse.A défaut de faire un consensus sur son nom ou pour des raisons qui sont à ce jour encore inconnues, le président de l’Union des Forces de Changement a passé la main, tout en évoquant un mal de dos en Amérique.Vrai ou faux malade, c’est un emblème qui se met en berne.C’est aussi ça, la grandeur que lui-même et ses “adeptes” n’ont jamais manqué aucune occasion de reclamer, tambour battant.

Kodjo EPOU
Accra, Ghana
01/15/2010

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