Depuis plusieurs mois, Kpatcha Gnassingbé, demi-frère du Président du Togo est emprisonné à Lomé dans un lieu tenu secret suite à une tentative de coup d’état présumée dirigée contre Faure Gnassingbé. L’affaire a défrayé la chronique, la tentative de « fratricide » ayant impliqué plusieurs hauts cadres de l’armée acquis à Kpatcha Gnassingbé, ancien ministre de la Défense remercié lors d’un remaniement début Décembre 2007. Depuis son départ du gouvernement, Kpatcha Gnassingbé rongeait son frein, se contentant d’un mandat de député retrouvé en février 2008, et de la présidence officielle ou officieuse de plusieurs sociétés.
La tentative de renversement de son frère n’était qu’une demi-surprise, tant le colosse avait affiché clairement ses intentions de s’emparer du pouvoir, estimant Faure « illégitime » dès la mort du Général Eyadéma . La question du sort de Kpatcha Gnassingbé prend néanmoins une tournure inattendue à moins de trois mois des élections présidentielles, puisque selon des sources bien informées proches du département d’Etat américain, la DEA (Drug Enforcement Administration, administration américaine en charge de la lutte contre le narcotrafic) , s’apprêterait à lancer un mandat d’arrêt international à l’encontre de Kpatcha Gnassingbé, réactivant un dossier le liant à un trafic international de cocaïne, où des mouvements de fonds importants en sa faveur auraient été effectués vers deux comptes bancaires, l’un en Belgique, et l’autre au Luxembourg .
Les transferts, qui constituent le paiement de « commissions » rétribuant la protection accordée par l’ancien ministre de la défense à des mafias internationales opérant entre l’Amérique Latine et l’Afrique, se monteraient à une dizaine de millions de dollars. Il semblerait que le goût immodéré pour l’argent de Kpatcha Gnassingbé ait contribué à enfoncer un peu plus le « frère ennemi » du Président Togolais, ce qui ne serait pas pour déplaire à ce dernier, partagé entre les pressions familiales pour relâcher Kpatcha et le ressentiment –légitime- à son égard. De surcroit, le « timing » de la DEA est tout sauf anodin, car le Togo est l’un des rares pays de la région à s’être engagé résolument dans la lutte contre le narcotrafic, en contrepartie d’une augmentation sensible de l’aide américaine au développement.
Ainsi, les progrès enregistrés par ce petit pays lors des deux dernières années sont considérables, les saisies de cocaïne totalisant plus de 450 tonnes pour la période 2007/2008, et ce malgré la modestie des moyens des forces de l’ordre. A l’aube d’élections présidentielles qui feront figure de véritable test pour le pouvoir en place, il semblerait que le lancement de ce mandat d’arrêt international à l’encontre de Kpatcha Gnassingbé éloigne un peu plus les perspectives de voir un procès rapide se tenir, les juges Togolais devant d’abord répondre aux demandes de leurs homologues américains et examiner les pièces du dossier afin de déterminer sa recevabilité. Cette situation ne sera sans doute pas pour déplaire à l’actuel Président, mais également aux pays limitrophes (Burkina Faso, Ghana et Bénin) , l’éloignement de Kpatcha Gnassingbé du pouvoir constituant une garantie supplémentaire pour lutter efficacement contre la reconstitution des routes du narcotrafic qui transitent par le Sahel, et qui contribuent à renforcer les groupes terroristes qui se terrent dans l’arc sahélien.
Ce n’est pas la première fois que le nom de Kpatcha Gnassingbé est lié au narcotrafic. En 2004, alors que le Général Eyadéma était encore en vie, et alors qu’il dirigeait le port de Lomé, ce dernier avait essuyé une volée de bois vert suite à l’arraisonnement par la Marine Française d’un navire immatriculé au Togo en provenance du Venezuela avec à son bord plus de deux tonnes de stupéfiants (Libération du 20/05/2005). La messe semble dite pour l’ancien ministre de la défense togolais, qui devrait rester en prison pour de longues années encore…
Frederic Powelton