En l’honneur de TSOGBE Kwadzo Franck et sa famille

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Bientôt le 27 avril. Les Togolais s’apprêtent à commémorer le 59ème anniversaire de l’accession du pays à l’indépendance. Malheureusement, notre ami Tsogbe Franck vient de nous quitter à la veille de cette commémoration.

Tsogbe Franck fut de ces patriotes africains qui ont écrit les douloureuses pages de la lutte pour l’indépendance, et qui, depuis la remise en cause de cette indépendance au Togo en 1963, n’a pas cessé de se battre avec d’autres pour l’instauration de la démocratie et le respect des droits humains dans son pays et ailleurs en Afrique.

Pour ces raisons, le Premier Secrétaire de la CDPA-BT se fait le devoir et le plaisir de mettre sur le site du Parti une brève histoire de cet homme, pour permettre à ceux qui ne le connaissent pas de savoir ce qu’il fut, et à ceux qui le connaissent de lui rendre l’hommage que méritent tous ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté et la dignité des Peuples africains.
Notre respectueux hommage à Monsieur Tsogbe Kwadzo Franck.

La génération de Tsogbe Kwadzo Franck est pratiquement éteinte. Cet homme était l’un des derniers qui nous restaient. Il vient de nous quitter ce 15 Janvier 2017, dans sa 90ème année. Que la terre lui soit légère.

Tsogbe Kwadzo Franck est né à Akata Adagali le 13 avril 1927. Il est marié. Ses enfants et ses petits enfants sont au nombre de 22 personnes.

Une gentillesse infinie. Une modestie sans bornes. Une moralité inattaquable. Une abnégation à toute épreuve… La disparition de cet homme ne peut qu’attrister ceux qui le connaissent bien. Nos sincères condoléances à la veuve, aux enfants et aux petits enfants.
Tsogbe Kwadzo Franck est un homme rempli d’amour pour son prochain. Aussi, la défense des droits humains et l’aide à qui en a besoin furent des préoccupations constantes pour lui, tout au long de sa vie. Pour ces raisons également, tout ce qui concerne la vie de la cité, le progrès du pays et des conditions d’existence de ses concitoyens, la liberté, la justice sociale, la vérité… sont parmi les objectifs essentiels de sa vie, comme on le verra dans les propos qui vont suivre.
Tsogbe Kwadzo Franck a fait ses premières études à Akata, puis à Kpalime. Il les poursuivra jusqu’à l’obstention du diplôme d’Etudes Administratives Africaines à l’Institut d’Etudes Administratives Africaines de Dakar en 1956.

Il sera recruté en tant que Comptable gestionnaire à la John Holt, une société anglaise qui opérait à l’époque dans le commerce colonial d’import-export à Kpalime. Il deviendra fonctionnaire de l’Etat togolais en 1960, avec première affectation à l’hôpital régional de Sokode, comme Comptable gestionnaire jusqu’en 1967, puis à l’hôpital de Lomé-Tokoin au même titre jusqu’en 1973. Il travaillera quelques temps pour le compte de l’OMS, de 1973 à 1976.
Si, par une modestie devenue aujourd’hui chose rarissime dans notre pays Tsogbe Kwadzo Franck s’est toujours interdit de s’afficher à tout bout de champ comme un homme important, son parcours professionnel montre qu’il n’est pas un Monsieur-tout-le-monde. Qu’il sort au contraire du commun à tous les points de vue. Sa grande modestie en fait un homme respectable.
Un Togo qu’il faut bâtir pour qu’il y fasse bon vivre de génération en génération. Un pays qu’il faut faire progresser pour le bien de tous. Des citoyens qu’il faut traiter comme des humains qu’ils sont. Des hommes et des femmes qu’il faut conduire dans la justice et dans la vérité…

Parce Tsogbe Kwadzo Franck a fait de ces objectifs et de ses principes les fondements de sa vie de tous les jours, il s’est impliqué corps et âme dans la vie politique du pays, avec la forte détermination de contribuer à les traduire dans les faits pour le bien de tous. Pour prendre un raccourci tout à fait juste, Tsogbe Kwadzo Franck a sacrifié sa vie pour le Togo.

Sans doute n’est-il pas le seul à porter cette croix avec une grande fierté et un désintéressement total. Mais il est de ceux qui l’ont fait avec la fermeté et la constance d’un homme d’action qui poursuit un but.
Tsogbe Kwadzo Franck est de la génération de ceux qui avaient commencé après la grande guerre le nouveau combat pour l’indépendance totale du Togo. Et dans ce contexte de la lutte ainsi engagée pour sortir le pays de la domination coloniale, on ne peut pas le citer, sans que ne viennent tout naturellement à l’esprit, l’image d’hommes comme GU-KONU Gerson d’Akata, SANKAREDJA Martin de Dapango, FIADJOE Robert de Lomé, DJAGBA Laurent de Dapaong, ATIDEPE Marc de Kpadape, NAMORO Karamoko de Sansané-Mango.
Et bien d’autres encore ! La liste est longue. Femmes et hommes. On ne peut pas citer ici toutes ces étoiles brillantes du firmament de la passionnante lutte anticoloniale pour le progrès du Togo et la prospérité du peuple togolais. Tsogbe Kwadzo Franck aussi brille de son éclat dans ce firmament.
La répression coloniale fut telle à cette époque que des hommes et des femmes du Cercle de Klouto, qui tenaient à tout prix à aller assister aux meetings des « Ablodetowo » à Ablodexome ou ailleurs à Lomé, étaient obligés de se rendre à Hohoe à pied, puis à Ho toujours à pied, de continuer toujours à pied jusqu’à Aflawo, pour finalement franchir la frontière dans la clandestinité par des chemins détournés avant de pouvoir atteindre le lieu de la réunion. Tsogbe Kwadzo Franck fut à chaque fois de ceux-là.

En octobre 1956, une poignée de jeunes triés sur le volet sont allés déchirer le drapeau du Togo de « l’Autonomie interne » sous la barbe de tous le gouvernement de Grunitzky et des représentants de la France coloniale assemblés au grand terrain de Lomé pour consacrer le nouveau statut du territoire. Par ce geste héroïque, ces nationalistes voulaient faire savoir au monde entier que le Togo n’accepte pas de continuer d’être sous la domination du colonisateur par le biais de ce nouveau statut, que l’on appelait alors « zotonomie », par dérision, dans les milieux des nationalistes togolais.

L’impératif de l’indépendance du Togo. La nécessité de construire un pays où il fait bon vivre. La possibilité, pour le peuple, de choisir de nouveaux dirigeants pour conduire les citoyens togolais avec dignité, dans la justice et dans la vérité et le respect…
Parce que Tsogbe Kwadzo Franck a fait de ces principes les fondements de sa vie, il fut naturellement opposé au coup d’Etat du 13 janvier 1963. Il fut contre la prise définitive du pouvoir par l’armée en 1967. Il n’accepta pas de se laisser embrigader dans le RPT créé en 1969 pour donner au monde la fausse illusion que le Togo est devenu un Etat républicain. Il afficha à chaque fois son refus des décisions hasardeuses prises au nom d’un prétendu développement, qui n’a servi en réalité qu’une toute petite minorité, en rendant les conditions d’existence de plus en plus difficiles pour la majorité…

Le refus de cette politique de paupérisation de la majorité lui valut beaucoup d’ennuis, comme cela est si souvent arrivé à d’autres Togolais dans ce régime despotique. Ainsi, pour avoir manifesté, par écrit, son opposition au projet de réforme agro-foncière monté dans les années 70, il sera jeté en prison pour « Faute grave » en 1973, sans jugement. Il n’en sortira qu’en 1977. Il retournera une seconde fois en prison lors des troubles politiques qui ont secoué le pays en 1985. Puis il sera licencié de son service en 1973, avec en prime l’interdiction de percevoir sa pension de retraite. Il a vécu tout le restant de sa vie sous ce régime de brimades politiques et de déni de droits.
Malgré son âge avancé et les douloureuses péripéties de sa vie, ses convictions politiques l’avaient poussé à prendre une part active dans les revendications démocratiques formulées dans la rue à parti du 5 octobre 1990 par la masse des opposants au régime : fin du régime de dictature au Togo ; principe de l’alternance politique au cœur de la gouvernance de l’Etat ; création de véritables institutions démocratiques pour le pays ; fonctionnement démocratique de la société togolaise ; fin de l’impunité à tous les niveaux de la hiérarchie étatique…

Tsogbe Kwadzo Franck s’est d’autant plus impliqué dans ces revendications qu’elles allaient tout droit dans la vision qu’il s’est toujours faite du pays : un Togo libre ; un Togo véritablement indépendant ; un Togo tendu vers le progrès pour la prospérité du pays et le bonheur de tous les citoyens ; un Togo qui rend les conditions de vie meilleures pour tous ses habitants, d’où ils sont et d’où ils viennent…

Cette vision généreuse va conduire Tsogbe Kwadzo Franck à s’engager dans la CDPA-BT, avant même la proclamation du multipartisme en avril 1991. Il est membre de la direction de ce parti, où il a tenu jusqu’aujourd’hui le rôle de Conseiller aux affaires politiques. Il a toujours travaillé dans l’organisation avec détermination et un sens profond de vérité et de respect de la dignité humaine.
Tsogbe Kwadzo Franck ne verra malheureusement pas le changement systémique se réaliser avant son grand départ. Voilà pourquoi il est en train là, présentement, de demander publiquement à tous ceux qui veulent le changement, de récupérer la canne qui vient de lui tomber des mains, et de poursuivre le chemin sans détours ; de continuer le bon combat avec détermination, intelligence et une claire compréhension de la situation politique de notre pays ; de préparer avec désintéressement un devenir meilleur pour le Togo.

Le licenciement abusif de Tsogbe Kwadzo Franck et le refus tout aussi abusif de lui payer sa pension de retraite ont naturellement rendu les dernières années de vie de l’homme difficiles, tant pour lui-même que pour toute sa famille. Mais tout au long de ces années douloureuses, Tsogbe Kwadzo Franck n’est allé à aucun moment s’agenouiller devant qui que ce soit, au sommet de l’Etat ou ailleurs. Il n’a jamais rien fait qui aille à l’encontre de ses convictions politiques profondes. Il n’a jamais demandé que ce qui lui est dû.

Il a toujours gardé la tête haute, et le regard droit. C’est un mérite pour l’homme. Ce mérite rejaillit forcément sur toute sa famille, sur tous ses proches, sur tous ses amis.

Nombreux sont dans le monde des personnalités, grandes ou petites, qui se sont sacrifiés pour leur pays, afin que leurs enfants et leurs petits enfants ne souffrent plus ce qu’elles ont souffert elles-mêmes toute leur vie, pour que les générations qui vont les suivre vivent mieux, dans la joie et dans la dignité dans un pays prospère.

Tsogbe Kwadzo Franck est de ce nombre. C’est un mérite pour lui. Ce mérite rejaillit forcément sur toute sa famille, sur tous ses proches, sur tous ses amis.
Un dernier mot pour conclure cette histoire de la vie de Tsogbe Kwadzo Franck. Sans aucun doute, cette vie est un grand livre. Un grand livre que son auteur a écrit année par année, mois par mois, jour après jour, pendant 90 ans.

Nous sommes nombreux à n’avoir pas lu ce grand livre pour en tirer des leçons pour nous-mêmes et pour notre pays. Aussi, ne devons-nous pas fermer ce livre aujourd’hui méconnu, et le déposer aux côtés de Tsogbe Kwadzo Franck dans sa dernière demeure. Nous devons au contraire le laisser largement ouvert, pour que nous-mêmes, nos enfants, nos petits enfants et toutes les générations à venir, puissent en prendre connaissance, pour en tirer des enseignements utiles.
Tsogbe Kwadzo Franck ! Tu n’es pas mort. Tu es seulement parti ! Au revoir ! Que la terre te soit légère… et le vin encore plus doux !
Fait à Lomé le 8 avril 2017

Emmanuel GU-KONU
Premier Secrétaire de la CDPA-BT
 

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