Lorsque vous dites, je veux sortir du FCFA, c’est un peu comme si vous dites, je vais dévaluer le FCFA
Le Cameroun est engagé dans la voie des accords de partenariat économique, toute chose qui, selon une opinion avisée, ne risque pas d’arranger les affaires de la balance commerciale du Cameroun. Quelle est votre position sur les APE ?
A l’époque, je disais qu’il était déraisonnable pour notre pays de signer, en l’état, les Accords de partenariat économiques. Qu’est-ce que les APE ? Il s’agit des accords économiques qui vont lier notre pays à l’Union européenne avec pour objectif d’abaisser les barrières douanières.
Et j’ai toujours dit que l’économie camerounaise n’était pas encore en mesure de subir des chocs externes. C’est-à-dire du commerce international dans l’état dans lequel elle se trouve. Pour supporter le choc de la compétition commerciale internationale, il faut avoir préparé les entreprises en conséquence. Les entreprises industrielles, les entreprises du tertiaire, mais également le secteur primaire, c’est-à-dire le secteur agricole.
Parce que ce sont également les produits agricoles des pays européens qui vont entrer massivement et à des tarifs douaniers extrêmement faibles au Cameroun. Cela veut dire que vous allez probablement avoir plus de poulets, plus d’oranges, divers produits agricoles européens qui vont entrer facilement au Cameroun parce que les droits de douane seront faibles.
Mais non seulement leur coût de production sont plus compétitifs parce que leur mode de production est industrialisé, souvent d’ailleurs, reçoit des subventions. N’oublions jamais que la politique agricole commune de l’Union européenne vise à soutenir l’agriculture des pays membres et donc à les subventionner. C’est cette agriculture subventionnée qui va venir faire la compétition avec nos agriculteurs qui ne sont ni subventionnés, ni bien organisés. Dans ces conditions, nous ne sommes pas en mesure de participer valablement à la compétition.
Je ne dis pas que le Cameroun va se soustraire de l’économie mondialisée. Mais chaque pays se prépare avant d’aller à la compétition. Il faut d’abord muscler l’économie camerounaise, la préparer avant de la jeter dans la compétition. On nous a dit, mais oui, il y avait des fonds pour préparer les entreprises des pays qui vont signer les APE.
Sauf que, ces fonds n’ont pas été débloqués ou, s’ils ont été débloqués, les entreprises n’ont pas été préparées. Parce que vous devez préparer l’outil de production. C’est-à-dire, moderniser les équipements des entreprises camerounaises pour améliorer leur productivité de façon à ce qu’elles puissent baisser leurs coûts et être compétitif. Je ne crois pas que cet exercice ait été fait. On m’a dit, il y aura un délai supplémentaire.
On a poussé à la signature des APE pour quelques produits que nous exportons, en disant que si on n’avait pas signé on aurait arrêté l’exportation de la banane camerounaise.
Soit. Mais nous produisons combien ? Nous produisons 300 000 tonnes, maximum. Ce qui nous met peut être parmi les producteurs intéressants en Afrique. Mais c’est quoi comparé à l’Equateur qui produit 4 millions de tonnes ? Donc l’Equateur dictera sa loi sur le marché. Le Cameroun a signé l’accord intermédiaire. Nous attendons de voir les résultats de la négociation sous-régionale. Nous espérons que tous les griefs que nous mettons en avant seront pris en compte.
Sur le marché international, le prix du baril du pétrole a chuté. Au niveau du Cameroun cela ne se fait pas ressentir à la pompe. Que compte faire le MRC pour que les prix des carburants soient ajustés à cette baisse ?
L’argument que le gouvernement avait avancé pour augmenter le prix du pétrole ne tient plus. Et dans tous les pays y compris les pays occidentaux dont ceux qui ne produisent pas le pétrole, le prix du carburant à la pompe suit le cours du baril au niveau international. Lorsque le prix du baril baisse au niveau international, on baisse le prix du pétrole et de l’essence à la pompe. Or, chez nous, ça a diminué de plus de 50% mais le prix reste le même.
C’est à vous messieurs les journalistes, à nous les acteurs politiques, c’est au peuple camerounais de demander à ses dirigeants où est passé la différence ? Puisque maintenant vous achetez le carburant moins cher, cela veut dire qu’il y a près de 50 à 60% de différence sur le prix.
En coulisses on nous dit que ça compense la baisse du prix du pétrole camerounais. C’est-à-dire que comme notre pétrole subit aussi la baisse des cours, l’économie que nous faisons en achetant le pétrole sur le marché international, nous compensons. Mais c’est le serpent qui se mord la queue. C’est un exercice de gribouille.
Personne ne saurait soutenir un tel raisonnement. Ça veut dire que vous augmentez les prix, lorsque les prix augmentent, mais vous les maintenez lorsque les prix baissent. Et vous nous expliquez que ça compense la différence que vous perdez sur la vente de votre propre produit. Ça n’a aucune espèce de logique qui tienne. Car, les prévisions économiques doivent tenir compte de ces paramètres. Je ne vais pas faire l’injure aux gens qui travaillent au ministère des Finances de croire qu’ils ne savent pas faire les projections.
Tout le monde savait que dès lors que, l’Arabie Saoudite avait annoncé qu’elle ne baisserait pas sa production, alors que justement les pays qui importent habituellement ont des stocks importants ; tout le monde savait que dès lors que les Etats unis exploitaient le gaz de schiste et qu’il devait y avoir d’avantage de pétrole sur le marché ; tout le monde savait que dès lors que les négociations avec l’Iran allait dans la bonne direction et que l’Iran allait devenir à nouveau un acteur important sur le marché, les cours allaient baisser.
Pour ne pas dire s’effondrer. Donc je ne peux pas croire que nos prévisionnistes du ministère des Finances ne connaissent pas ces éléments.
Pour conclure sur la question, le MRC continue de dire que le gouvernement a le devoir de baisser les prix à la pompe pour être crédible sur l’augmentation qu’elle a faite en juillet parce que le cours du pétrole était élevé.
Récemment en France, on vous a posé la question de savoir qu’elle était votre position sur le FCFA. Vous avez répondu que vous ne connaissez par les stocks de l’or et des réserves. A-t-on besoin de connaître le stock de l’or et des devises pour avoir une position sur le FCFA ?
Je veux être extrêmement clair. Nous sortirons du FCFA lorsque les conditions seront réunies. Parce que le FCFA est régit par des accords conclus non pas entre le Cameroun et un pays mais entre l’ensemble des pays de la zone CFA et un partenaire qui s’appelle la France. Dans ces accords, les différentes parties ont un certain nombre de prérogatives. Notamment la France qui, pendant longtemps garantissait cette monnaie.
C’est en vertu de cette garantie que la France a pris de l’importance dès le départ au sein du FCFA. En vertu de ces accords, les avoirs extérieurs des pays de la zone CFA sont logés auprès du trésor français. Si nous voulons sortir du FCFA, préparons les conditions de sortie pour être sûr que la monnaie que nous allons créer est viable et que ça ne va pas couler l’économie camerounaise.
Lorsque vous dites, je veux sortir du FCFA, c’est un peu comme si vous dites, je vais dévaluer le FCFA. N’importe quel économiste fera l’anticipation. S’il avait de l’argent à la Société Générale ou Afriland, il va dire, moi je déplace pour me mettre ça au Nigeria ou à Londres pour attendre de voir ce que ces gens vont faire.
Si plusieurs personnes font ce mouvement, vous asséchez les banques. La suite c’est qu’on aura des émeutes sociales. Sur ces questions parlons avec responsabilité. Je suis d’accord que le FCFA n’est plus une monnaie compétitive. Le FCFA qui donne à l’économie de nos pays et aux pays de la zone Franc toutes l’énergie qu’il faut pour avancer. Mais je dis simplement, préparons-nous pour le faire en bon ordre et dans les meilleures conditions possibles.
Propos recueillis Sylvain Andzongo
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