L’échéance constitutionnelle de l’élection présidentielle fixée en octobre 2015 approche à grands pas ; les dates de dépôt de candidatures sont annoncées.
Devant une telle perspective, le CNRD s’inquiète à plus d’un titre. Il rappelle tout d’abord que la crise postélectorale qui a suscité une guerre sanglante en Côte d’Ivoire, avec son cortège de milliers de morts, de nombreux disparus et d’exilés, de prisonniers politiques civils et militaires dont le plus illustre, le Président Laurent GBAGBO, a été déporté à la HAYE, est née de la non reconnaissance des résultats définitifs de l’élection présidentielle proclamés par le Conseil Constitutionnel le 03 Décembre 2010. Or, les auteurs de cette grave tragédie sont aujourd’hui les organisateurs, à tous les niveaux, de la prochaine élection présidentielle d’octobre 2015.
Est- il pensable que l’actuel Conseil Constitutionnel dont la nomination est entachée de nombreuses irrégularités soit juridiquement apte à jouer son rôle ? Que, par ailleurs, le président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), source de la grande douleur nationale, soit encore en poste, pour procéder à la répétition ? C’est pour cette raison que le CNRD s’invite à examiner la légalité de la formation du Conseil Constitutionnel actuel ainsi que la légitimité des organisateurs de la future élection présidentielle.
I- DE LA LEGALITE DE LA FORMATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL ACTUEL
Aux termes des articles 90 et 91 de la Constitution :
– « Le Président du Conseil Constitutionnel est nommé par le Président de la République pour une durée de six ans non renouvelables… Les conseillers sont nommés pour une durée de six ans non renouvelables… » ;
– « Le premier Conseil Constitutionnel comprendra : trois conseillers … nommés pour trois ans ; trois conseillers nommés pour six ans …».
Ainsi, le premier Conseil Constitutionnel mis en place le 08 août 2003 a respecté scrupuleusement les dispositions constitutionnelles ci-dessus énoncées. Monsieur YANON YAPO Germain qui a été nommé Président du Conseil Constitutionnel en août 2003, n’a été remplacé par Monsieur YAO NDRE Paul qu’en août 2009 ; ce qui fait bien six ans de fonction, comme prévu.
Or, il a été donné de constater que Monsieur ALASSANE OUATTARA a mis fin aux fonctions de Monsieur YAO NDRE Paul dès le mois de mai 2011, le remplaçant officiellement par Monsieur Francis Vangah Romain WODIE, le 25 Juillet 2011. A cette date, Monsieur YAO NDRE Paul n’était qu’à sa deuxième année de fonction. Il en est de même du remplacement de Monsieur DALIGOU MONOKO Jacques, conseiller.
Par ailleurs, Monsieur ALASSANE OUATTARA a nommé le 25 Juillet 2011, trois conseillers pour une durée de trois ans, comme s’il s’agissait du premier Conseil. Il s’agit de :
– Madame Hortense ANGORA KOUASSI, épouse SESS ;
– Madame Suzanne Joséphine TOURE, épouse EBAH ;
– Monsieur Boniface OBOU OURAGA.
Soulignons que la démission de Monsieur Francis VANGAH Romain WODIE et son remplacement par Monsieur KONE Mamadou ne régularise pas pour autant l’institution. Le Conseil Constitutionnel demeure entaché d’irrégularité Constitutionnelle dans sa formation actuelle. Il est donc disqualifié pour statuer sur l’éligibilité des candidatures.
A fortiori le droit de proclamer les résultats définitifs de l’élection présidentielle à venir. Peut-on demander la sérénité au peuple lorsque l’institution garante de la légalité est elle-même entachée d’illégalité flagrante?
II- DE LA LEGITIMITE DE DEUX PERSONNAGES-CLE DE L’ELECTION PRESIDENTIELLE
Deux personnalités vont retenir notre attention parce que actrices essentielles de la crise postélectorale de la présidentielle de 2010 qui se trouvent être à nouveaux impliquées dans l’élection présidentielle de 2015. Il s’agit de Messieurs Alassane OUATTARA et de Youssouf BAKAYOKO.
Monsieur Alassane OUATTARA est parvenu au pouvoir d’Etat par une attribution illégale de titre de Président de la République de Côte d’Ivoire. En effet, au regard de la Constitution ivoirienne, ce sont les résultats définitifs du scrutin qui confèrent la qualité de Président de la République (articles 39 et 94). Or, la décision du 04 mai 2011 du Conseil Constitutionnel proclamant Monsieur Alassane OUATTARA Président de la République ne fait aucune référence aux résultats définitifs du scrutin du 28 novembre 2010 ; le Conseil s’est contenté de dire qu’il « fait siennes les décisions du Conseil de paix et de Sécurité de l’Union Africaine, sur le règlement de la crise en Côte d’Ivoire ».
Au regard de ce constat, le CNRD s’interroge sur la nécessité d’organiser une élection présidentielle en 2015 puisque Monsieur Alassane OUATTARA n’a pas eu besoin des suffrages du peuple de Côte d’Ivoire pour arriver au pouvoir. A moins de vouloir rééditer le coup de force de 2011.
Monsieur Youssouf BAKAYOKO, l’actuel Président de la Commission Electorale Indépendante (CEI), était également le Président de la dite commission pour l’élection présidentielle de 2010. Après sa forfaiture dans la proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle, Monsieur Youssouf BAKAYOKO, en totale violation des textes de la CEI, s’est rendu au quartier général de campagne du candidat Alassane OUATTARA pour lire devant une télévision étrangère (France 24), des chiffres donnant Monsieur Alassane OUATTARA gagnant provisoire du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2010.
En effet, l’article 59 du nouveau code électoral ivoirien prescrit que le président de la CEI procède « à la proclamation provisoire des résultats en présence des représentants des candidats », et l’article 18 du protocole de transmission des données et de procédure de proclamation des résultats dit ceci : « Proclamation de résultats provisoires par le Président de la CEI en séance publique en présence des commissaires centraux ».
Or, le 2 décembre 2010, Monsieur Youssouf BAKAYOKO est allé dans un lieu privé, le QG de campagne d’un candidat et il était entouré des ambassadeurs de France et des Etats Unis en présence du Représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Young Jin CHOI, et du Représentant spécial du Président du Burkina-Faso, en l’absence des commissaires centraux ainsi que des représentants des candidats. Il est donc évident que Monsieur Youssouf BAKAYOKO a violé le droit qui régit la procédure de proclamation des résultats provisoires de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
Constatant, en conséquence, que ces Présidents des deux Institutions discréditées, à cause, pour l’un, d’avoir été nommé en violation de la Constitution et pour l’autre, d’avoir trahi la volonté populaire, en proclamant de faux résultats électoraux, le CNRD :
– Juge inacceptable que de tels personnages soient à la barre, pour organiser la prochaine élection présidentielle ;
– Appelle à la mobilisation de tous les démocrates, d’ici et d’ailleurs, pour s’opposer à un nouveau drame sociopolitique en préparation ;
– Invite les Ivoiriennes et les Ivoiriens à promouvoir une période de transition qui permettra une véritable réconciliation nationale, pour un retour à la normalité constitutionnelle.
Fait à Abidjan le 5 Août 2015
Pour le CNRD, le Président
BERNARD BINLIN DADIE