Drôle de gouvernance que celle qui se passe actuellement au Togo, sous la bienveillance de Faure Gnassingbé, celui-là même qui a toujours été présenté comme un expert financier formé dans les prestigieuses Universités en Occident, particulièrement aux USA.
Si le Togo n’est pas encore une mafia au sens propre du terme, il n’est pas loin de le devenir, et pour cause. Chaque jour que Dieu fait, des pans entiers de l’économie nationale tombent dans l’escarcelle d’une race de privilégiées gravitant autour du pouvoir, et ceci, au mépris des règles élémentaires de gestion, de bonne gouvernance, bref d’orthodoxie financière.
Au Togo, être au pouvoir et faire affaire avec l’Etat ne choque personne; et pourtant la Constitution togolaise interdit formellement ce mélange des genres. N’empêche, sous Faure Gnassingbé, les conflits d’intérêts, les prises illégales d’intérêts, le trafic d’influence sont devenus légion et tendent à se perpétuer. Le Prince lui-même est souvent accusé d’avoir des intérêts majeurs dans plusieurs sociétés et entreprises qui s’installent sur le territoire. Rien de surprenant dans un pays où, comme l’indique le dernier rapport de l’ITIE, la transparence dans les industries minières et extractives est la chose la moins partagée.
Depuis l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, tous les leviers de commande économique sont passés dans les mains du clan, et particulièrement des concubines et autres maîtresses qui font la pluie et le beau temps. L’affairisme forcené de ces dames dans tous les domaines économiques constitue aujourd’hui un sérieux handicap à la bonne gouvernance dans notre pays. Parmi ces dames qui défrayent la chronique, une particulièrement retient notre attention; et pour cause, elle vient de décrocher en toute «transparence», selon ses proches, un marché de près de 7 milliards FCFA, pour la fourniture d’engrais à la Nouvelle Société Cotonnière du Togo (NSCT) pour la campagne 2012-2013.
Dame Julie Béguédou, à travers sa société d’import-export, n’est pas seulement dans le riz; ce riz dont la dernière cargaison déversée en vrac au Port Autonome et Lomé et qualifié de hautement toxique par la presse, a abouti à la condamnation des confrères «Liberté» et «L’Indépendant Express» à de lourdes peines d’amende par la Justice. Elle est désormais dans l’importation des engrais; et pour la circonstance, elle vient de décrocher au nez et à la barbe d’autres sociétés qui cumulent des années d’expérience dans le domaine, un marché de près de 7 milliards, précisément six milliards quatre-vingt-dix millions (6 090 000 000) de francs CFA, correspondant à 21 000 tonnes d’engrais coton NPKSB. C’est du moins ce qui apparaît dans les résultats provisoires de l’évaluation de l’Appel d’Offres Numéro 019/2011/FNGPC paru dans Togo Presse Numéro 8752 du jeudi 22 mars 2012, comme l’indique le fac-similé.
Selon l’entourage de la Directrice de la société Elisée Cotrane, ce marché a été obtenu dans les règles de l’art, c’est-à-dire en toute transparence, sans aucun appui de qui que ce soit. Même discours du côté de l’Autorité de Réglementation des Marchés Publics (ARMP) où on soutient que parmi les soumissionnaires, elle avait l’offre la moins disante. Reste que personne n’est dupe pour croire à ces professions de foi, surtout lorsqu’ on sait que certains membres de la fameuse ARMP sont des proches de Faure Gnassingbé et même des conseillers. L’octroi de ce marché à dame Julie Béguédou est symptomatique de la gouvernance sous Faure Gnassingbé, une gouvernance de clan, de bandes et finalement de prébendes. Et ce serait naïf de croire qu’il n y a pas eu de trafic d’influence dans l’attribution de ce marché.
Nous n’avons pas la prétention de dire que la concubine d’un chef d’Etat doit vivre de l’aumône ou de l’assistanat, mais son affairisme forcené pose un véritable problème. Elle louait déjà des avions pour les nombreux déplacements de Faure Gnassingbé dont les factures reviennent très chères à l’Etat. Elle rivalise d’ardeur pour le monopole du riz et maintenant, ce sont les milliards pour la commande d’engrais qui tombent dans son escarcelle; peut-être demain, elle livrera des médicaments à la CAMEG. Tous ces marchés et milliards pour une seule personne, au nom du concubinage pendant qu’on confine des jeunes diplômés togolais dans un prolétariat de type nouveau pompeusement baptisé PROVONAT!
Il y en aura certainement qui trouveront à redire dans la presse, pour peu qu’on leur balance quelques espèces sonnantes et trébuchantes, mais n’empêche que le problème est réel. Des jeunes diplômés et des femmes d’affaires togolais sont bien obligés aujourd’hui de mettre la clé sous le paillasson à cause d’une nouvelle race d’hommes et de femmes proches du pouvoir qui arrachent les marchés. Alpha Condé, le Président guinéen avait raison lorsque, répondant à une question de François Soudan dans Jeune Afrique N° 26281 du 22 au 28 mai 2011 disait ceci: «Vous voulez que je sois clair encore? J’ai interdit à mon épouse de faire de la politique et des affaires. Le jour où elle apportera un dossier de faveur, je divorcerai sur le champ. Elle le sait et je l’ai dit assez fort pour que chacun le sache». Autre pays, autres mœurs, diriez-vous. Souhaitons qu’au Togo, les concubines et autres maîtresses de la République soient disciplinées pour que les jeunes entrepreneurs obtiennent aussi quelques marchés, pour le bonheur de leurs familles.
Ferdi-Nando l’Alternative