Les révoltes récurrentes des populations sud-africaines contre les étrangers d’origine africaine soulèvent de vives réactions d’indignation dans tous les pays d’Afrique. Il y a de quoi nourrir de l’indignation. Toutefois, il faut pénétrer profondément la société sud-Africaine pour comprendre ce drame prévisible en ce qu’il constitue les effets collatéraux d’une politique d’apartheid qui n’a jamais été soldée. Bien au contraire, elle s’est bonifiée insidieusement. Cette situation dramatique pourrait déboucher sur une crise politique plus sérieuse. Le succès politique rapide du parti « Economy Freedom Fighters (EFF) », bien qu’assez désordonné dans certaines de ses actions, reste l’effet visible d’une société qui se sent trahie par l’ANC, la coalition de partis qui a conduit le pays vers « l’indépendance ». Ce sentiment de trahison est perceptible. Dans la réalité quotidienne des Noirs Sud-africains, les effets de la fin de l’apartheid se font encore attendre. Ce texte ci-dessous tiré de mon dernier livre « idéologie, conscience et combat politique » publié aux éditions L’Harmattan et disponible en librairies depuis Avril 2016 tente de donner une explication à une déflagration sociale déjà latente. En politique, ce ne sont pas tous les problèmes dont il faut différer la résolution. C’est pourquoi je ne cesse d’avoir un profond respect et une admiration sans limite pour Robert MUGABE malgré quelques-uns de ses excès. Il a le mérite d’affronter de son vivant les problèmes cruciaux de son pays quitte à faire face à toute forme d’austracisme de la part de la part des maitres autoproclamés de ce monde. La classe politique sud-africaine a choisi apparemment la voie contraire. Mais sa fuite en avant expose le pays leader d’Afrique noire à de graves menaces.
« Au plan interne, la crise économique qui frappe de façon précipitée, à peine vingt ans après la fin officielle de l’Apartheid, suscite déjà des questionnements sur les négociations politiques qui ont abouti à la fin de l’Apartheid. Les critiques touchent même Nelson Mandela qui risque de perdre vite sa place dans le panthéon des héros africains. La propagande occidentale pour en faire un modèle à suivre par toute la classe politique africaine, jugée très suspecte par une opinion non négligeable aussi bien en Afrique du Sud qu’au-delà de celle-ci, commence à produire les effets contraires. La pauvreté grandissante de la population noire, et l’inverse opulence insolente de la population blanche, mettent à nue l’Apartheid économique sur lequel, il semble que Nelson Mandela aurait fait des concessions trop larges. De façon évidente, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les plus grands gagnants de la fin de l’Apartheid restent les firmes occidentales, qui contrôlent une grande partie de l’économie Sud-africaine, détenue par la minorité blanche. En effet, longtemps confinées dans des limites opérationnelles restreintes à cause de l’ostracisme qui a longtemps frappé l’économie Sud-africaine à cause de la politique de l’Apartheid implémentée par le gouvernement d’alors, les compagnies sud-africaines ont depuis 1994, des rayons d’actions élargis à l’ensemble de l’Afrique.
La fin des interdictions qui frappaient ces sociétés a constitué une aubaine que les sociétés occidentales exploitent à merveille. En effet, en prenant le contrôle des grands groupes sud-africains, qui eux-mêmes se déploient partout en Afrique, les capitaux occidentaux jouent avec succès sur deux tableaux. Non seulement, ils prennent de l’ascendance sur l’économie sud-africaine, mais en plus, ils en contrôlent finalement toute la politique. Le leader africain est mis sous surveillance par les puissances occidentales à travers leurs firmes qui sont autant de satellites d’espionnage pour leur compte. C’est pourquoi, bien que politiquement l’Afrique du Sud se soit logée dans le groupe Brésil, Russie, Inde, Chine, (BRICS), l’Afrique du Sud reste dominée en interne par les puissances occidentales. Comment peut-il en être autrement, lorsque la Banque centrale sud-africaine est privée et entièrement contrôlée par la minorité blanche ? L’effigie de Mandela sur les billets de banque n’enlève rien à cette réalité. L’affichage pour cacher la réalité économique et sociale continue.
Dans une étude rendue publique sous le titre « Non, Mandela n’est pas mon héros » le 6 mai 2015, à partir de son site WEB, le journaliste- écrivain Jean-Paul Pougala, révèle comment le « Public Investment Corporation » (PIC), et la NEDBANK ont pris le contrôle d’ECOBANK à partir de 2012 et de 2013.
Le premier est un fonds public créé en 1911 pour gérer les pensions des retraités de la Fonction publique dont l’effectif est composé de plus de 95% de la minorité blanche, qui pendant plus d’un siècle a été quasiment la seule à servir la Fonction publique sud-africaine. Ce fonds, fort de ses 100 milliards de dollars américains, est devenu aux dires de J-P Pougala, une orgue sur le continent. C’est tant mieux, pourrait-on dire, parce que ce fond a l’avantage d’être africain et géré par un gouvernement africain. Mais la situation se présente autrement avec la NEDBANK, qui n’est que la filiale de l’assureur britannique « OLD MUTUAL ». Sans coup férir, la firme britannique rafle 20% du capital du fleuron des banques africaines. Cette minorité bloquante permet à l’assureur britannique de peser sur les décisions d’ECOBANK.
Dans le même registre, en 1999, la banque sud-africaine « STANDIC BANK » rachète La « UNION MORTAGE BANK» et la rebaptise « STANBIC BANK GHANA » ; en 2012 avec moins de 75 millions de dollars, la FIRST RAND se fait sienne, la MERCHANT BANK GHANA. Toutes ces banques sont détenues par la minorité blanche sud-africaine, contrôlée en back up par les capitaux britanniques.
Ainsi la minorité blanche sud-africaine qui contrôle déjà toute l’économie sud-africaine se déploie par de nombreux tentacules sur tout le continent africain. C’est finalement elle, qui tire le plus gros avantage de l’abolition de l’Apartheid, après s’être enrichie de celle-ci.
La situation désastreuse de la population noire sud-africaine affaiblit le pays phare du continent et y entrave l’exercice de son leadership. L’Afrique du Sud ouvre grandement ses bras aux Occidentaux qui peuvent s’y rendre sans visa, mais renforce les mesures de protection contre les Africains. Il est sage de ne pas cumuler une misère sur une autre peut-on dire. »
Quand l’on y ajoute le fait établi que les terres arables sont la propriété quasi exclusive de la minorité blanche, tout est réuni pour former un volcan social dont la fumée que l’on aperçoit sous la forme d’attaques xénophobes atteste qu’il est entré déjà en ébullition. Malheureusement les cendres novices de son éruption pourraient toucher tout le Continent Noir. C’est pourquoi, la solution ne se trouve pas dans les répliques que l’on relève ici et là notamment au Nigéria. Il faut que l’UA aide l’Afrique du Sud à se stabiliser. Un sommet des Chefs d’Etat mérite d’être convoqué à cette fin. Il ne faut pas attendre que le pire arrive dans ce pays parce que le pire sud-africain sera forcément le pire de toute l’Afrique.
Une contribution par le Ministre KONE Katinan Justin
Porte-parole du Président Laurent Gbagbo
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