On ne peut pas ne pas l’admettre, sauf si on est animé d’une mauvaise foi : plus que jamais, la crise que traverse la Côte d’Ivoire divise profondément les ivoiriens. Elle déchaîne les passions et mène quelques fois, à tort ou à raison, à des prises de positions extrêmes. On peut le constater, les débats autour de ce sujet sont houleux et parfois très virulents. Malheureusement, cet état de fait est entretenu et perpétué au sommet, par le mentor du nouveau régime est ses nervis.
L’ivoirien lambda en parle, avec ironie, mu par son humour légendaire. Il en parle en désespoir de cause : « solution pour tous est devenue pollution pour certains ». L’avènement de monsieur Ouattara au pouvoir n’aura rien changé, bien au contraire, les belles promesses de campagne électorale de monsieur « la solution », ont comme un arrière-goût amer. Monsieur Alassane Ouattara a divisé et continue de diviser les ivoiriens. Mieux, il fonde sa politique sur une cynique catégorisation des ivoiriens. Pour preuve, sur le plateau de la chaine de télé française Tv5, il affirme : « On ne peut pas traiter en égalité des gens qui ont tué et des gens qui sont accusés d’avoir tué. (…) ». Ainsi donc les ivoiriens « qui ont tué » et ceux « qui sont accusés d’avoir tué », ne sont pas égaux, du moins dans le traitement que le régime totalitaire d’Abidjan leur fait subir.
A travers cette affirmation – au demeurant gratuite – monsieur Ouattara se veut formel et catégorique. Hélas il se substitue aux juges et devance la justice, même si par la suite il tente d’édulcorer ses propos en ajoutant qu’il faille que la justice fasse son travail. Ces ivoiriens « ont tué », donc ils méritent la prison et les pires formes de châtiments, voire aussi la mort. Ceux « qui sont accusés d’avoir tué », ne méritent pas le même traitement. D’ailleurs qui les accuse ? N’est-ce pas quelques rapports d’ONG qu’il ignore royalement et des ivoiriens présentés par ses partisans comme des « aigris » ?
Pourtant, Chérif Ousmane et ses hommes ont massacré des jeunes gens lors de la prise de Yopougon. Non ils n’ont pas tué, dira-t-il ? Sont-ils simplement « des gens qui sont accusés d’avoir tué » ? Les Frci et leurs supplétifs, les dozos ont égorgé, brûlés, exécutés en masse des wê à l’ouest de la Côte d’Ivoire. Non ces Frci et ces dozos n’ont pas tué, veut-il dire ? Sont-ils tout simplement « des gens qui sont accusés d’avoir tué » ? Les partisans du Rhdp ont, sur la base de dénonciations gratuites, brûlés vifs ou lynchés jusqu’à ce que mort s’en suive, des personnes soupçonnées d’être des miliciens pro-Gbagbo. Non ces partisans du Rhdp n’ont pas tué ? Seraient-ils « des gens qui sont accusés d’avoir tué » ? Des hommes et des femmes ont été enlevés par ces Frci, torturés et portés disparus jusqu’à ce jour – certainement exécutés, puis leurs corps dissimulés. Ces Frci n’ont naturellement pas tué. Ils ne sont que « des gens qui sont accusés d’avoir tué », selon monsieur Ouattara. Et les bourreaux des réfugiés de Nahibly, tout récemment ? Certainement que eux aussi n’ont pas tué. Ils sont simplement « des gens qui sont accusés d’avoir tué », à en croire la déclaration de monsieur Ouattara.
Le message de monsieur Alassane Ouattara est donc clair. Il y a d’un côté, ceux qui sont seulement « accusés », rien de plus. Ils « n’ont pas tué ». Ceux-là sont choyés et protégés par le régime en place. Mieux, ils sont présentés comme des « sauveurs ». Puis, il y a d’un autre côté, les partisans de Laurent Gbagbo et tous les ivoiriens qui le soutiennent – car c’est uniquement parmi que l’on compte ceux qui sont détenus et jugés, ou poursuivis. Ceux-là sont dignes d’être pourchassés et emprisonnés, voire éradiqués de la Côte d’Ivoire, selon les enseignements tirés des déclarations, ces jours-ci, des caciques de la ouattarandie et de leur mentor.
Ainsi, se forge dans l’entendement des « suiveurs » de monsieur Ouattara, la notion d’une Côte d’Ivoire où il existe d’un côté, des « bons », c’est-à-dire ceux « qui n’ont pas tué », si l’on se fie aux dires de monsieur Ouattara. En fait, même s’ils ont tué, cela ne saurait être admis comme un crime aux yeux du régime nouveau régime. Et de l’autre côté, des « méchants » qui eux, ont « vraiment » tué – sans plus de preuves –. C’est bien ce qui ressort à l’analyse des propos de monsieur Ouattara. D’ailleurs, un certain Venance Konan, nouveau chantre de la ouattarandie, a même animalisé ces « méchants », les traitant dans l’un de ses écrits « d’hyènes malodorantes ».
C’est pourquoi, avec regret, mais sans surprise, nous avons entendu ces paroles sortant de la bouche de de celui qui se prévaut d’être le président de tous les ivoiriens. Avec le même sentiment, nous constatons que monsieur Ouattara n’est pas un rassembleur, il ne l’a même jamais été. En fait, il est plutôt un facteur de division. Car depuis le début, il ne fait que protéger ses nervis, bien qu’ils soient trempés jusqu’au cou dans des crimes les plus crapuleux. Dans le même temps, sa tendance à livrer et exposer à une justice des vainqueurs inique, ses opposants et tous les ivoiriens qui ne sont pas de son bord, est sans ambiguïté.
Dommage pour notre pays, pour ce beau pays des ivoiriens, avec qui nous nous interrogeons : jusqu’à quand, la Côte d’Ivoire restera-t-elle encore plongée dans le cycle infernal de la division et de la fracture sociale ? Après avoir vécu aux rythmes, supposés ou réels, des politiques de l’exclusion et de l’ivoirité, la revoilà embarquée dans une toute nouvelle aventure de division sociale: la justice des vainqueurs et ses tentacules, au nombre desquelles, le rattrapage ethnique.
Pauvre Côte d’Ivoire, version Ouattara, qui vit ainsi depuis plus d’un an, au rythme du slogan: A bas « ceux qui ont tué », vive « ceux qui sont accusés d’avoir tué » !
Marc Micael La Riposte