Visite d’Obama en Afrique : Les espoirs déçus d’un continent

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Pour la terre qui a vu naître son père, la troisième fois aura été la bonne. En effet, le Kenya accueille Barack Obama, le premier président afro-américain, pour un voyage qui va le conduire ensuite en Ethiopie. Au moment où le locataire de la Maison Blanche entame son troisième et certainement dernier voyage en tant que président des Etats-Unis d’Amérique en Afrique, on ne peut éluder la question du bilan de son action pour le continent noir. Ce d’autant que son avènement à la tête de la Première puissance mondiale, avait fait naître des rêves fous. Au-delà du symbole de l’aboutissement d’un combat des minorités raciales pour s’imposer dans le pays de l’Oncle Sam, bien des Africains ont cru, certainement avec un peu trop de naïveté, qu’Obama allait faire des merveilles pour l’Afrique.

Le grain semé par Obama ne sera pas tombé sur la bonne terre

Certes, il y a eu les mémorables discours du Caire, mais surtout d’Accra de 2009 où l’ « Obamania » battait encore son plein. Le discours qu’il a prononcé devant le Parlement ghanéen, lors de l’unique étape sub-saharienne de sa première tournée présidentielle en Afrique, reste dans les annales de l’histoire comme un chef d’œuvre de rhétorique. Il ouvrait pour tous les démocrates africains, des perspectives alléchantes, des horizons nouveaux. Avec ce locataire de la Maison Blanche, la démocratie sur le continent semblait promise à un bel avenir. Les Africains étaient invités à œuvrer à l’avènement d’une démocratie réelle, d’une démocratie bâtie sur des « institutions fortes » et non plus sur des « hommes forts », l’histoire n’étant pas du côté de ceux qui tripatouillent les textes de leur pays pour s’accrocher au pouvoir. Ce discours avait de quoi plaire et il a plu à tous ceux qui se battent pour la démocratie en Afrique. Ils avaient dorénavant un allié de poids dans leur lutte : la plus grande puissance mondiale. Ce qui n’est pas anodin, quand on connaît ce que représentent les Etats-Unis d’Amérique en termes de capacité d’orientation et de palettes de pression pour faire avancer une cause quand celle-ci leur tient à cœur.

Mais, les fruits n’auront hélas pas tenu la promesse des fleurs. Car à l’arrivée, le continent africain se porte bien mal en matière de gouvernance. Les coups de force de chefs d’Etat africains et autres tripatouillages constitutionnels déjà tentés ou encore dans les tuyaux de nombreux pays, offre un décor aux antipodes des espoirs de nombre d’Africains. C’est dire que le grain semé par Obama ne sera pas tombé sur la bonne terre. Les chefs d’Etat africains n’ont pas épousé l’idée de la primauté des institutions sur les hommes. Bien d’entre eux se sentent toujours indispensables.

Cela dit, on ne peut pas jeter la première pierre à Obama pour cela. On ne peut pas le rendre responsable de l’irresponsabilité de cette race de chefs d’Etat africains. Ce serait trop injuste.

En effet, Obama a été élu par les Américains. Son premier devoir, c’est de s’occuper des Etats-Unis d’Amérique. Pas de l’Afrique. En d’autres termes, il a d’abord et avant tout des comptes à rendre aux Américains qui l’ont mandaté pour conduire à bon port le bateau battant pavillon Oncle Sam. Les Africains doivent, pour leur part, demander des comptes à ceux à qui ils ont donné mandat de les gouverner. Et il faut avouer que ce ne sont pas les sujets de préoccupation qui auront manqué à Obama, concernant la gestion des Etats-Unis, depuis son accession au pouvoir en 2008. Les difficultés qu’il a eues à faire passer la loi dite Obama Care, à défendre la légalisation de la situation de certains immigrés clandestins, à assurer le retrait progressif des troupes américaines de certains théâtres de conflits, témoignent de la complexité des chantiers auxquels il a été confronté dans son propre pays.

Et pour ne rien arranger, le racisme anti-noir a connu, sous ses deux mandats, une recrudescence sans précédent dans le pays. C’est dire combien il avait bien d’autres préoccupations au plan interne. Sur ce dernier sujet, le président américain aura eu peu de marge de manœuvre, craignant certainement que des interventions de sa part en faveur des Noirs, soient mal interprétées du fait de la couleur de sa peau. Il est conscient qu’il marche sur des œufs et évite de trop appuyer son pied. Cela est fort compréhensible, mais en même temps, les Noirs se retrouvent desservis. C’était au président de faire preuve de dextérité et d’entregent pour que le phénomène raciste soit abordé sans passion, mais avec toute la fermeté que requiert un tel fléau, surtout pour un pays qui veut donner l’image d’une nation unie dans la diversité.

Obama aura lui-même rendu minces les chances que son discours soit entendu par des oreilles responsables

Mais, s’il est vrai que Barak Obama n’a pas la responsabilité première de démocratiser les pays africains et qu’il a eu bien des sujets de préoccupations domestiques qui ne lui ont pas facilité la tâche, il faut aussi reconnaître que le premier président afro-américain a été pris dans ses propres contradictions. Le discours qu’il a tenu à Accra jure avec certains comportements de son administration. Sous son mandat, les Etats-Unis n’ont, par exemple, jamais remis en cause la qualité de leurs relations avec des dictateurs comme Yoweri Museveni de l’Ouganda, ou Afeworki de l’Erythrée. Ils ne se gênent pas de coopérer avec des dirigeants qui violent la liberté des populations, comme l’actuel Premier ministre éthiopien. C’est encore Obama qui a osé créditer Nkurunziza d’une légitimité alors même que les milices et forces de répression fidèles à ce tyran, tiraient sur des gens qui manifestaient les mains nues, commettaient des exactions sur des populations civiles hostiles au rêve de 3e mandat du satrape. Pourtant, on se souvient de l’hostilité que les Etats-Unis ont affichée contre d’autres dirigeants qui ont osé tirer sur leurs populations pour se maintenir au pouvoir. C’est dire combien Obama aura lui-même rendu minces les chances que son discours soit entendu par des oreilles responsables, avec de telles fréquentations incestueuses. Les espoirs du continent africain vis-à-vis du 44e président des Etats-Unis d’Amérique, sont donc déçus. Même dans le domaine de la coopération économique et sociale, le bilan d’Obama vis-à-vis de l’Afrique est globalement un échec. Son projet d’électrification de l’Afrique est certes, d’une grande importance. Mais en attendant et en espérant que ce projet se concrétisera, Obama aura fait moins pour l’Afrique que chacun de ses deux derniers prédécesseurs. En effet, Bill Clinton se sera illustré positivement vis-à-vis de l’Afrique avec l’AGOA. Quant à Georges W. Bush, il aura été d’un grand secours pour l’Afrique avec son initiative de soutien à la lutte contre le SIDA et ses Compacts (Millenium challenge account).

Pour ce qui est de ce 3e voyage en Afrique et en ce qui concerne les Kényans, ils auront enfin la joie d’accueillir un enfant du pays, devenu président de la première puissance mondiale. La famille de son père particulièrement, ne va certainement pas bouder son plaisir de le revoir. Bien au contraire. Seulement, il est incompréhensible qu’une visite du président américain n’ait pas été prévue dans le village de son père pour lui permettre de se recueillir sur sa tombe, de retrouver la chaleur familiale africaine, avant de retourner à ses bureaux feutrés et à ses dossiers coriaces à Washington. Quant au Kenya tout entier, il pourrait tirer profit de ce voyage en termes de soutien de la part des Etats-Unis d’Amérique. Comme on le sait, le pays est en proie à l’insécurité depuis qu’il a pris sur lui la responsabilité de voler au secours de la Somalie pour combattre les Shebabs. Il est devenu la bête noire de ces terroristes et pour faire face avec le plus d’efficacité possible à cette redoutable menace, le pays a besoin de plus de soutien logistique, de formation, de ressources financières. Un accroissement de l’accompagnement des Etats-Unis dans ce sens, serait donc un acquis considérable. Et Uhuru Kenyatta ne devrait pas avoir du mal à faire une telle requête à son hôte tant la question du terrorisme est un sujet sensible pour l’Amérique.

Le Pays
 

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