Alors que les pays intervenant en République Centrafricaine se sont engagés à sanctionner leur militaires qui se seraient rendus coupable de viols, de nouveaux témoignages jettent une ombre sur la volonté réelle des forces de maintien de la paix de faire toute la lumière sur ces accusations.
En 2013, un coup d’état en République Centrafricaine a mis fin à de longues années de coexistence pacifique entre les communautés musulmane (10% de la population) et chrétienne. Depuis, le groupe rebelle musulman Seleka et Antibalaka, son équivalent chrétien s’affronte dans une guerre civile qui a déjà fait plusieurs centaines de morts.
Devant ce risque d’embrasement, la France, ancienne puissance coloniale, a déployé dès décembre 2013 une force d’interposition, la mission Sangaris, constituée de militaires français agissant sous mandat de l’ONU.
Mais dès décembre 2014, un scandale éclate, mettant en cause des soldats français accusés d’abus sexuels sur des enfants. Une dizaine de cas sont avérés, et cinq militaires interpellés. Mais malgré l’engagement solennel pris par le président François Hollande, aucune sanction officielle n’a été prononcée.
Interrogé dans son bureau, le nouveau président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra a évoqué devant nos envoyés spéciaux la situation:
« La France aurait dû faire en sorte que la justice soit faite. Nous demandons que le droit des victimes soit respecté et nous avons eu des pourparlers à ce sujet avec la France afin qu’une décision juste soit prise. Vous savez que nous suivons de près ce dossier et nous insistons sur le respect du droit des victimes. Pour les victimes et pour nous l’affaire traîne depuis trop longtemps mais nous espérons qu’un jour ça sera fini, qu’il y aura des sanctions qui tomberont. Le peuple l’attend, surtout ceux qui ont été touchés »
Abus sexuels par les casques bleus : trop humains pour être vrais ?
A Bangui, certaines ONG vont bien au-delà et soupçonne les militaires français d’avoir commis beaucoup plus d’agressions que la « dizaine » officiellement reconnue. Ainsi, Yamacuir Centrafrique, une qui depuis 2003 s’occupe des cas de violences physiques ou sexuelles contre les enfants et les adultes. Selon le responsable rencontré par notre équipe, entre 2014 et 2015, plus d’une centaine de victimes des militaires français se sont adressées à leur centre situé dans le quartier PK12 au Nord de Bangui.
Contacté par Sputnik, l’UNICEF se tient quant à elle au chiffre officiel en parlant d’une « dizaine d’enfants qui auraient été violés ».
Pourtant, au moins deux victimes, rencontrées par Sputnik, ne font pas partie des chiffres officiels.
« C’était en 2014, je vendais des oranges. Je les vendais dans la cour d’une école à Bégoua, Sangaris avait une base dans l’école et j’ai apporté des oranges pour les vendre. Ils ont demandé de leur apporter les oranges. Dans la pièce où était leur base. Lorsque j’y suis entrée, l’un d’eux m’a attrapé et m’a violé. Je ne connais même pas son nom. Il m’a saisie, il m’a sauté dessus et j’ai rien pu faire. C’est les infirmières qui travaillent dans les urgences. J’y suis allée et elles m’ont aidé. Après personne [la France]n’a rien fait, personne n’a réagi »
« Ça s’est passé en 2014. J’avais 15 ans, aujourd’hui j’ai 17. J’étais alors vendeuse, je vendais des corossols. J’en apportais souvent, ils aimaient ça, ils en achetaient, ils en achetaient tout un plateau parfois. Un jour j’en ai apporté comme d’habitude et ils ont demandé d’apporter les fruits dans le char. Je l’ai fait et là l’un d’eux m’a saisie et il m’a violée dans le char. C’est moi parce qu’après ce qu’ils m’avaient fait, j’étais en colère, ça m’a tellement vexée. J’ai appris où se trouvaient les ONG et j’y suis allée. Lorsque je suis venue papa Paul m’a aidée, il m’a emmenée à l’hôpital, ils m’ont donné des médicaments, ils m’ont donné des soins dans le centre. Après ce qui s’était passé je n’ai eu d’excuses de personne »
S’il est difficile pour l’instant d’établir avec précision le nombre de victimes des soldats français en Centrafrique, une chose est sûre: le chiffre officiel n’est pas exact. Les difficultés rencontrées pour avoir une réponse officielle laissent penser que président français François Hollande, qui avait affirmé que l’affaire était grave et que « La réputation de la France [était] en jeu » ne semble pas pressé de faire en sorte que toute la lumière soit faite sur cette affaire qui dure depuis deux ans maintenant.
Sputnik.News