C’est ainsi qu’il urge d’apprécier simplement cette nomination du Colonel Yotroféï Massina à la tête de la Gendarmerie nationale. Un scandale aux yeux des défenseurs des droits de l’Homme, mais aussi des partis politiques, et les réactions de condamnation ne devraient pas tarder en ce début de semaine. A raison, car il s’agit d’un homme de triste réputation.
« L’homme a une allure assez brève, à la limite anodine avec une balafre oblique sur chaque joue, mais particulièrement venimeux au sens plein du terme. Il lui arrive parfois d’afficher un sourire narquois à l’approche des gens, donnant ainsi l’impression, sans doute fausse, d’un homme courtois ou même naïf. Que personne ne blague avec cet officier originaire de la Binah ou plus précisément du Bénin dont les parents ont fait un saut vers le Togo avant de l’y mettre au monde. Il a une tête relativement petite, mais vraiment pleine…bien sûr d’idées noires et pernicieuses », tel est le portrait que dresse de lui le confrère togoinfos, et à juste titre. Il s’agit de l’ancien patron de l’Agence nationale de renseignement (Anr), ou plutôt de torture. Car c’est dans ce domaine que ce service placé sous l’autorité directe du locataire du palais de la Marina s’est illustré, avec un homme à la manette : Yotroféï Massina. Et la seule évocation de son nom entraine la chair de poule et ressuscite de bien mauvais souvenirs chez ses anciennes victimes.
La torture et les traitements inhumains et dégradants étaient pratiqués dans ce lieu lugubre depuis des temps, mais c’est le cas Bertin Agba qui les aura révélés au grand jour. Le DG d’OPS Sécurité arrêté en mars 2011 dans l’affaire d’escroquerie internationale, a été soumis à bien de traitements cruels dans les locaux de l’Anr, menotté jusque sur le lit d’hôpital. Son dossier a permis de connaitre les différentes formes de torture pratiquées dans ce lieu : privation de nourriture durant plusieurs jours, exposition et regard tourné au soleil, bruit assourdissant la nuit pour empêcher les pensionnaires de dormir, supplice de l’eau glacée sur le corps en pleine nuit, ligotage des détenus la tête en bas…On se rappelle qu’à l’époque, des organisations de défense des droits de l’Homme s’étaient même proposé de visiter les détenus dans les cellules ; mais elles avaient eu droit à une fin de non recevoir. Le richissime homme d’affaires togolais révèlera plus tard les différentes formes de torture qui étaient pratiquées sur lui à l’Anr.
C’est l’affaire d’atteinte à la sureté de l’Etat qui aura été la consécration de la torture. Si les informations s’ébruitaient depuis leur arrestation en avril 2009 et leur détention dans les locaux de l’Anr, c’est surtout le procès en septembre 2011 qui aura permis à l’opinion d’en avoir la confirmation, par le témoignage vivant des coaccusés de Kpatcha Gnassingbé. Adjinon Lambert, Efoé Sassou Sassouvi, Seydou Ougbakiti, Casimir Dontéma…ils étaient nombreux à témoigner à la barre des tortures subies et citer Yotroféï Massina et bien d’autres noms. Certains étaient allés jusqu’à le qualifier de « démon », à cause du plaisir qu’il éprouvait à faire souffrir les détenus. Saisie au forceps, la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh) a fini par confirmer les allégations de torture, dans son rapport rendu public en février 2012. Un document qui a été traficoté dans un premier temps par les « sécurocrates ». L’ex-patron de l’Anr s’est illustré dans bien d’autres dossiers.
La banalisation de la torture par Massina avait poussé les organisations de défense des droits de l’Homme à monter au créneau et requérir son limogeage et même la fermeture de l’Anr. Mais pour toute réponse, Faure Gnassingbé l’a juste enlevé un temps de la tête de l’Agence et placé dans un petit bureau à la Gendarmerie, histoire de l’arracher des regards indiscrets. Après un temps qu’on dit avoir passé pour une formation au Maroc, il est revenu au pays. Au-delà d’être un as de la torture, l’homme, c’est aussi la saisie arbitraire des fonds des commerçants, les écoutes téléphoniques illégales…Bref, tout ce qu’il y a de détestable.
Tino Kossi Liberté Hebdo