Togo. Le sens des responsabilités…

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En 1977, nous étions venus, français, béninois, burkinabé et togolais etc. … faire notre stage interné au CHU  de Lomé (actuel CHU SYLVANUS Olympio). Le stage interné est le stage pratique d’un an, que tout étudiant en Médecine doit effectuer, à partir de la 7ème année de Médecine.

 

Le futur Professeur Tidjani, Docteur SALAMI, Docteur IHOU, Docteur Elysée (un haïtien) et plusieurs étudiants en Médecine de la sous-région et de l’Hexagone, sont venus de Paris, Lille, Dakar, Cotonou, etc. passer cette année-là à Lomé. Anne-Marie (étudiante française) et moi, étions envoyés à Dapaong pour deux mois, selon un roulement programmé par le Professeur KEKEH, premier doyen de la Faculté de Médecine du Togo … En 1977, l’hôpital régional de Dapaong venait d’être remis, flambant neuf, au Togo, par la coopération française qui l’a construit… Ministre de la Santé et de la Population en 1991, ma première   visite sur le terrain, fut pour l’hôpital régional de Dapaong. Que ce fut un choc pour moi, de voir cet hôpital flambant neuf (que j’avais connu en 1977) dans un état crasseux indescriptible ! Je vis des femmes qui venaient d’accoucher, couchées à même le sol, sur leurs pagnes, avec  leurs bébés ! Furieux, je demandai au Directeur, pourquoi des accouchées étaient à même le sol avec leur bébé ! Il me répondit qu’il n’y avait pas assez de lits ! Au tournant d’un couloir, je vis une porte fermée qu’on m’ouvrit (sur mon insistance) et je vis là, 14 lits neufs entassés ! Voyant que j’allais exploser, le Directeur tenta maladroitement de s’expliquer, en disant que les lits étaient trop hauts pour des parturientes. J’’interrompis la visite de l’hôpital, en ordonnant à mon chauffeur et à mon Attaché de Cabinet d’emporter un de ces lits en ville et de voir un ferrailleur pour raccourcir les 4 supports du lit. Ce qui fut fait en deux heures, et mon attaché de cabinet revint avec un lit et un bon matelas en kapok, acheté pour 2000 FCFA au marché de la ville ! Les frais d’accouchement  au  CHR de Dapaong étaient … de 2000 FCFA ! Je limogeai le Directeur du CHR, dès mon retour à Lomé.

Il y a quelques jours, un chirurgien du CHU Sylvanus Olypio, adressa une lettre pathétique au Premier Ministre AHOOMEY -ZUNU, sur le site Lynx-Info. Un chirurgien proche de sa retraite et qui adresse une lettre … anonyme (pour ne pas subir de représailles, prétendit le praticien) au chef du gouvernement, sur les conditions de travail au CHU et la dégradation des structures hospitalières de cet établissement de soins ! A la lecture de cette lettre, je me pose plusieurs questions.

1)    Pourquoi ce chirurgien attend d’être à la préretraite pour adresser une telle lettre au Premier Ministre ?

2)    Pourquoi un praticien, qui a prêté le serment d’Hippocrate peut –il avoir peur de dire au gouvernement  la vérité sur ce qui se passe au CHU, où il officie depuis des années ?

3)    Pourquoi ses collègues et lui ne vont-ils pas directement poser les problèmes au Chef de l’Etat, Faure GNASSINGBE ? Il nous souvient tous, qu’il y a quelques mois, le SYMPHOT, le Syndicat des Praticiens Hospitaliers du Togo, avait lancé un mot d’ordre de grève, très largement suivie, de Lomé à Cinkassé, qui avait fait plier, en 4-5 jours, le gouvernement ! La grève fut levée après un accord sur les revendications des grévistes…

Je n’ai qu’une réponse et une seule, à ces trois questions : LA FUITE DES RESPONSABILITES !

Le peuple togolais a cette particularité d’être le moins responsable de la sous- région ! C’est toujours les autres qui sont coupables, pas nous ! Tous les Togolais ont soutenu, dans leur immense majorité, la dictature du Général EYADEMA. Lorsque nous fustigions l’Animation Politique, ce monstre budgétivore qui a ruiné l’école togolaise et tout le pays, personne n’avait osé condamner ces mouvements de fesses, la dépravation, et prostitution de la dictature d’alors. Les enseignants  de tous les grades ont avalisé  l’Animation dans les écoles, les lycées, les collèges, sans broncher. Beaucoup trouvaient du plaisir et jouissaient même devant ces jeunes filles et garçons en train de  balancer les fesses, en hommage au Timonier national ! Les parents avaient tous démissionné et avaient laissé leurs enfants emportés par la fornication, sans broncher !…

Avant de créer le RASSEMBLEMENT DU PEUPLE TOGOLAIS  (RPT) en 1969, le Gal EYADEMA avait proposé un bipartisme (j’ai encore l’enregitrement de sa déclaration dans ce sens), mais ce sont des intellectuels qui ont dit non et avalisé le parti unique ! Quand, sentant monter la contestation  dans la population, Eyadema envoya des délégations dans les 5 régions du pays pour savoir si le peuple voulait ou non, qu’on continue dans la même voie, les intellectuels sont revenus avec de faux témoignages et ont vicié le débat !…

Tout ce rappel, pour mettre en lumière le comportement de ce chirurgien ( ?) qui a écrit au Premier Ministre Ahoumey -Zunu, pour dénoncer les conditions de travail et la décrépitude des structures sanitaires du CHU.  Pourquoi un chirurgien, à la veille de sa retraite, a besoin d’écrire  une lettre anonyme au PM ? Le médecin a prêté le serment d’Hippocrate, et doit dire la vérité, quelles que soient les circonstances. La lâcheté et l’irresponsabilité de ce confrère sont a fustiger, puisque, même s’il démissionnait aujourd’hui de son poste dans la fonction publique, il peut opérer dans toutes les cliniques privées de la place, s’il n’est pas nul ! Cette lâcheté des togolais est dramatique et explique tout le parcours de notre pays depuis l’indépendance, le 27 Avril 1960 ! Lâcheté doublée d’irresponsabilité !

Mon cher confrère, j’aurais aimé que vous fassiez  plutôt une lettre ouverte bien signée de votre nom au Premier Ministre ou au Président de la Républuque. S’ils ne réagissent pas, au moins, le peuple saura que vous l’avez fait et soulevé les problèmes auxquels vous êtes confrontés. Une telle lettre, rendue publique dans les médias, servira aussi aux prétendants au pouvoir et à tout le monde. « Fais ta part », disait Mgr Nicodème Barrigah. Au lieu d’être un vulgaire scribouillard anonyme ! J’ai fait une demi douzaine de lettres ouvertes à Faure GNANSSINGBE, y compris la proposition d’une Assurance Maladie Généralisée, et ceci, en 2008 déjà. Mieux, je vais te rapporter cet entretien que j’ai eu, avec feu le Général Eyadema, au retour de DAPAONG, après les violences communautaires survenues entre MOBA et TCHOKOSSI, en 1991. Le Ministre de la Santé que je fus, fit une descente à Dapaon, avec une équipe médicale pour  constater sur place des blessés (plusieurs dizaines) et des morts (une douzaine).

–         « Mon général, avec ce que j’ai vu à Dapaong, si le Togo entre en guerre avec le Ghana par exemple, nous ne tiendrons pas ! » ;

–  « Et pourquoi donc, IHOU ? »  demanda le Président.

–   « Parce que toute notre Armé n’a que deux chirurgiens (Dr BISSANG et Dr SONIE à l’époque) ; supposez qu’au 1er jour du conflit  ces deux médecins militaires sont tués ; qui va opérer les

centaines de blessés, car, même pour aller  à Dapaong, les médecins civils n’ont pas voulu s’y risquer !».

Eyadema me regarda fixement, puis, décrocha son téléphone et parla à un interlocuteur au bout de la ligne :

« Préparez vingt bacheliers cette année pour l’écoles de Santé des Armées de Bordeaux ».

Ça  c’est Eyadema tout craché. Il est d’un pragmatisme impressionnant ! Et chaque année, de nombreux bacheliers sont envoyés dans les écoles de Santé des Armées. Aujourd’hui, nous avons un corps médical des Armées envié par tous nos voisins…

Vous voyez, mon cher confrère chirurgien, nous sommes de très hauts cadres de pays ; si nous n’avons pas un peu de « couilles », pour dire la vérité aux gouvernants, le pays est foutu, car ce sont les intellectuels d’un pays qui doivent et peuvent tirer un pays vers le haut !

La lâcheté et l’irresponsabilité, deux traits caractéristiques de beaucoup de togolais, sont omniprésentes également en politique, où depuis toujours, si ce n’est pas le fanatisme et le radicalisme, c’est l’égotisme qui domine. On fustige et critique le pouvoir, et quand bien même on est élu député de la Nation, on ne maîtrise même pas les contours de sa fonction ; on ne sait pas quand  et comment il faut interpeler un ministre ou un Chef de gouvernement, quand et comment il faut déposer une motion de censure, quand et comment il faut introduire des amendements à un projet de Loi, quand et comment présenter des projets de Lois … Et quand l’irresponsabilité prend le dessus, on veut tenir un sit-in interdit à un endroit précis, « advienne que pourra », c’est-à-dire, même s’il peut y avoir 20 ou morts ! Cette même lâcheté et cette irresponsabilité  se retrouvent même chez nos internautes, qui,au lieu de se  faire connaître nommément, lors des débats contradictoires sur un article, prennent des noms d’emprunts, comme si CAMUS ALI ou Dr David IHOU vont les avaler.

Quand on n’a pas les « couilles » pour faire un débat contradictoire avec un internaute, qui a écrit  un article signé de son vrai nom, comment peut-on vouloir déclencher une vraie guerre sanglante ? Ah, à propos de guerre, une vraie guerre, le nombre de victimes est de six mille (6000), pour le seul mois de Mars, en  SYRIE ! Qui dit mieux ?

L’irresponsabilité, c’est aussi mettre plusieurs centaines de jeunes et de femmes dans la rue, un jour par semaine, et ce, depuis près de trois  ans, en leur mentant effrontément, que vous allez arracher le fauteuil présidentiel, ou que le pouvoir va bientôt tomber ! C’est la Cour Constitutionnelle, ou la Cour Suprême, selon les pays, qui donne les résultats définitifs du scrutin et leurs arrêts sont sans appel ! Le ou les perdants du scrutin, auront pris le soin, auparavant, de saisir ces instances, dès que la Commission Electorale Nationale Indépendante  (CENI) le(s) déclare perdant (s). C’est la leçon, que RAÏLA ODINGA, vient de donner encore à Jean Pierre FABRE, qui en 2010, a refusé de  déposer un recours auprès de la Cour Constitutionnelle et a préféré  prétendre compiler les résultats au CESAL, avec les conséquences que nous connaissons.

Dans tous les pays du monde, tout homme et toute femme, doit avoir le sens de la responsabilisé. Responsabilité vis-à-vis de soi-même et surtout vis-à-vis des autres citoyens.

Il y  va de la valeur de son statut d’humain…

Dr David  IHOU

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