La nationalité et les origines de l’actuel homme fort des lagunes ont toujours été
A quelques semaines de la présidentielle de 2015, les esprits s’échauffent et les vieux démons entrent en activité. La cour constitutionnelle aux ordres du régime d’Abidjan a définitivement arrêté la liste des candidats à cette élection. Dix candidats parmi lesquels le président sortant. Grogne dans la population et l’opposition radicale et vague d’arrestations. Etat des lieux.
Assurément Alassane Dramane Ouattara l’actuel chef de l’état ivoirien à maille à partir avec la constitution de ce pays. Le fameux article 35 qui tamise les prétendants au pouvoir en Côte d’Ivoire est un vrai casse-tête pour lui. « …le candidat à l’élection présidentielle doit être… ivoirien d’origine né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine. Il ne doit n’avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s’être jamais prévalu d’une autre nationalité… ». Voici les quelques phrases de ce long article qui posent un problème réel au chef de l’Etat sortant. Pour arriver au fauteuil présidentiel, il lui a fallu fomenter une rébellion armée en 2000 après avoir à plusieurs reprises tenté des insurrections et même parrainé un coup d’Etat en 1999. C’est au cours des accords avec cette rébellion et sur suggestion du médiateur Thabo Mbéki l’ancien président sud-africain, que Laurent Gbagbo a pris un décret en vertu de l’article 48 de la constitution ivoirienne pour faire de manière exceptionnelle de Ouattara un candidat pour la seule présidentielle de 2010. Avec lui tous les signataires des fameux accords de Linas-Marcoussis. L’article 48 est utilisé pour gérer le pays en cas de crise aigue menaçant l’intégrité du territoire.
La nationalité et les origines de l’actuel homme fort des lagunes ont toujours été un problème en Côte d’Ivoire. Son père qui est un ressortissant burkinabé originaire du village de Sindou au Burkina-Faso est venu faire fortune en Côte d’Ivoire. Ayant hérité de la chefferie de sa terre d’origine il y est retourné et y est aujourd’hui enterré. Les « hagiographes » de Ouattara et lui-même dans son identité sujette à caution ont donné une mère ivoirienne originaire du nord de la Côte d’Ivoire à l’actuel candidat du Rhdp -le rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix. Ces pourfendeurs (et ils sont nombreux) avancent avec précisions et détails que Nabintou Cissé n’est pas la génitrice réelle de l’ancien directeur général adjoint du FMI mais plutôt la coépouse à sa mère. Si l’on se perd en conjectures sur ces questions de naissance, on est cependant sur du fait que jusqu’en 1988, Alassane Dramane Ouattara était ressortissant burkinabé. Il a été étudiant voltaïque, la Haute-Volta étant l’ancienne dénomination du Burkina-Faso, il a occupé les fonctions de responsable du desk Afrique au FMI en 1987 en tant que burkinabé et a même été vice-gouverneur de la banque centrale africaine avec cette nationalité. Il a donc renoncé de plein gré à la nationalité ivoirienne et s’est prévalu durant une grande partie de sa vie d’une autre nationalité.
Dans la décision en date du 9 septembre 2015 du conseil constitutionnel présidé par l’ancien ministre issu de l’ex rébellion, Koné Mamadou dont l’épouse est l’une des directrices de campagne de Ouattara dans la commune huppée de Cocody à Abidjan, il y a à boire et à manger mais aussi à contester. Répondant à Essy Amara ancien ministre des affaires étrangères, ancien président conseil de sécurité de l’Onu et premier président de la commission de l’Union africaine qui a introduit une requête en annulation de la candidature de Ouattara, le conseil constitutionnel a plongé dans cet état de perplexité tous les observateurs de la vie politique ivoirienne.
Alors qu’on dit être sorti de crise en Côte d’Ivoire et clamé haut et fort qu’Allassane Ouattara est ivoirien, on a plutôt eu droit à un retour dans le passé et un véritable tango entre le décret de Laurent Gbagbo faisant candidats à titre exceptionnel tous les signatures des accords de Marcoussis pour la présidentielle de 2010 et la décision de la cour suprême invalidant la candidature d’Alassane Dramane Ouattara en 2000. Tout ceci pour enfin aboutir à ce que cette juridiction suprême a appelé une « éligibilité dérivée » car selon elle, Ouattara est l’actuel président et ne peut donc pas se plier aux exigences constitutionnelles concernant l’élection à venir.
Manifestations et arrestations et…morts
La décision du conseil constitutionnel n’a pas rencontré l’assentiment de nombreux ivoiriens. Certains sont descendus dans les rues dans plusieurs villes ivoiriennes et à Paris pour crier selon eux leur ras le bol face à ce énième piétinement de la constitution ivoirienne. La surprise est venue d’Abobo commune la plus peuplée de la capitale ivoirienne. Ce vaste quartier considéré comme le fief de Ouattara a connu un début de soulèvement vite réprimé. A Yopougon on a annoncé 3 morts et un bus de la compagnie publique de transport urbain calciné. Des affrontements entre des membres de l’ethnie de l’ancien président Laurent Gbagbo et des jeunes armés, ressortissants du nord acquis à la cause de Ouattara ont eu lieu dans la région natale du premier cité. Le pouvoir a instauré un couvre-feu à Bonoua ville natale de Simone Gbagbo toujours détenue par le pouvoir d’Abidjan. Ce couvre-feu n’a pas été respecté par les habitants qui occupent encore les rues. Des rafles systématiques sont menées en l’encontre des jeunes, des leaders de jeunesse sont sous les verrous à l’instar d’Achille Gnaoré de la Coalition nationale pour le changement et le pouvoir a demandé un renfort de 250 soldats à la Mauritanie au nom d’un accord de coopération.
La faction du FPI (principal parti de l’opposition) qui se réclame de Laurent Gbagbo et qui boycotte des élections a appelé dans un communiqué signé de son porte-parole Koné Boubacar « …toute la population ivoirienne à se mobiliser encore plus, pour la poursuite dans les prochains jours des manifestations… ». Pour le parti de Laurent Gbagbo, il faut : « le dialogue et la concertation sur ce qui peut nous unir. C’est avec l’apport de tous et de chacun que nous y arriverons ».
Les vieux démons ont repris du service en Côte d’Ivoire et le décompte macabre ne fait que commencer sans nul doute.
Cet article est tiré de « L’œil de l’exilé » : http://www.loeildelexile.org/cote-divoire-retour-a-la-case-depart/
Maison des journalistes Armand IRÉ
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