Regardons dans le rétroviseur (1963-2005) [Dr David IHOU]

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Silence, j’aime les hommes courageux ! Mr IHOU n’a pas nié, il est courageux

Cinquième Partie

Le lieutenant-colonel Etienne EYADEMA devient donc Président de la République du Togo le 15 avril 1967, et constitue son gouvernement de 4 militaires et 8 civils. A peine installé à la présidence, que le 24 avril, soit 9 jours après sa prise de fonction, le soldat BOKOBOSSO tire à bout portant sur le Président, le ratant de peu, la balle effleurant le galon de la tenue militaire du lieutenant- colonel ! Arrêté, le soldat, qui lui rendait les honneurs avec 5 autres gendarmes, est la risée d’EYADEMA et de ses frères d’armes, qui trouvent qu’il faut vraiment être un mauvais soldat pour rater une cible si facile, à trois mètres de distance ! Eyadema dira plus tard, lorsqu’on va s’enquérir de l’infortuné, qu’il a été renvoyé de l’armée, pour avoir été un minable tireur !
Le 27 avril 1967, le conseil des ministres décide de la libération de tous les détenus politiques emprisonnés et le retour au bercail de tous les exilés politiques…

Le 3 mai 1967, le Président installe un Conseil Économique et Social, un Comité National d’Education Politique (qui n’a servi à rien, à ma connaissance), et une Commission Constitutionnelle…

Le 8 mai 1967, Eyadema signe l’acte de création de la Caisse Nationale du Crédit Agricole(CNCA), et le 25 mai, la BTD (Banque Togolaise de Développement)…
En septembre 1967, le Président togolais est invité en visite officielle à Paris, par le Général de Gaule.

Le mois de novembre 1967 nous plongea un peu au Gabon où le Président Gabriel Léon MBA mourut, le 27 novembre 1967. Aussitôt remplacé par Albert Bernard Bongo (futur OMAR BONGO), et c’est au retour des obsèques du président gabonais, quelques jours plus tard, que l’Etat-major de l’armée togolaise éleva le lieutenant-colonel Etienne EYADEMA au grade de Général d’Armée !…

Pour la petite histoire, dès la nouvelle de la promotion du Président au grade de général d’armée, Mr IHOU Faustin, un de mes oncles, pétri d’humour, envoya un télégramme à la présidence , du bureau de poste d’ATAKPAME, où il s’étonnait qu’on élève un officier au grade de Général, à son retour d’obsèques ! La gendarmerie d’Atakpamé vient à Témédja arrêter celui qui a osé envoyer ce télégramme ! Quelques jours plus tard, Messieurs IHOU Michel, IHOU Samuel (deux autres oncles) et IHOU Cléophas (mon père) furent convoqués à la Présidence, à Lomé. On introduit mon oncle Faustin, et EYADEMA sortit de sa poche un bout de télégramme et demanda au Commandant ASSILA de le lire. Presque tous les militaires de haut rang étaient dans la salle, mais apparemment aucun n’avait la moindre idée de ce pourquoi leur chef les avait convoqués, avec des IHOU ! A la fin de la lecture, la désapprobation se lisait sur tous les visages. Eyadema demanda à oncle Faustin IHOU :
« C’est vous qui m’avez envoyé ce télégramme ? »…
« Oui, Monsieur le Président »
« Vous êtes militaire ? »
« Non, mais j’ai lu beaucoup de livres sur les militaires… » …
Plusieurs officiers, furieux, allaient fustiger mon oncle, quand Eyadema leur cria :
« Silence, j’aime les hommes courageux ! Mr IHOU n’a pas nié, il est courageux, il aurait fait un bon militaire ! Vous pouvez partir, mais j’ai donné des instructions pour que vous passiez deux mois à la gendarmerie pour vous apprendre les rudiments de l’art militaire ! »…
« Merci mon colonel, laissa tomber mon oncle », en se dépêchant de prendre la porte de sortie !
« Général ! », crièrent en cœur tous les militaires présents dans la salle !
Eyadéma se mit à rire…

A ma grande surprise, le ministre David IHOU de la Santé et de la Population, se fit poser cette question par le Général EYADEMA, en 1992, un jour où il lui accorda une audience :
« Dr IHOU, et ton oncle Faustin ? »…
Je fus un instant surpris, mais comme je connaissais l’histoire, je lui répondis :
« Heuh, Il va bien…»…

Oui, c’est bien le général EYADEMA ! On l’a combattu, mais il respire le respect!
Il faut dire que mon oncle IHOU FAUSTIN était un militant du CUT de Sylvanus OLYMPIO, mon oncle Samuel IHOU, un militant de la Juvento, mon oncle Michel et mon père étaient du Parti Du Progrès de Nicolas Grunitzky, et tous mangeaient à la même table, les soirs, à Témédja ! On ne connait pas la pensée unique dans notre famille, ce qui doit sûrement surprendre notre ami Zeus AZIADOUVO, le Directeur de publication du journal LIBERTE !
Bref, passons …

Le 15 mars 1968, Eyadema inaugura l’Ecole Nationale d’Administration(ENA), et le 29 mai, le Togo accueillit la première réunion du Conseil de l’Entente. L’isolement du Togo sur le plan international a pris fin !
Le Port Autonome de Lomé et le Stade Omnisport de Lomé sont inaugurés le 26 avril 1968, et le 6 septembre de cette année-là, la Société de Développement des Palmeraies et des Huileries (SO.NA.PH) fut créée…

Comme on le voit, EYADEMA gouverne, par décrets, l’Assemblée nationale ayant été dissoute, ainsi que tous les partis politiques…

Mais, c’est en 1969 que le pays amorça un virage à 180 degrés, avec « l’appel historique de Kpalimé » , lancé le 30 août 1969, qui aboutira à la création, au congrès constitutif de Lomé, du 28 au 30 novembre , du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), parti unique, qui va vivre…43 ans !
Dans la foulée, fut créée la C.I.M.A.O. (Compagnie des Ciments de l’Afrique de l’Ouest), et fut inaugurée l’Ecole Normale Supérieure (ENS) d’Atakpamé, avec la pose de la première pierre de l’hôpital d’Atakpamé, ainsi que les Manufactures Togolaises des Plastiques…
C’est dans ce conteste que plusieurs milliers de Togolais, sommés de choisir entre la nationalité togolaise ou ghanéenne, lors d’un référendum organisé par les Nations Unies, choisirent le Togo, et furent donc expulsés du Ghana…

L’année 1970 sera marquée par plusieurs inaugurations et réalisations: ODEF, TogoFRUITS, inauguration de l’hôpital d’Atakpamé le 15 novembre, et inauguration de l’Université du Benin, le 29 novembre…

L’année 1971 sera marquée par une offensive diplomatique sans précédent, avec la visite d’Eyadema en Chine, où il rencontre MAO TSE TOUNG, et où un accord de coopération élargie a été signé, avec, comme corollaire, l’installation, en 1972 de l’Ambassade de Chine au Togo, et la présentation des lettres de créances du premier Ambassadeur de Chine au Togo…Du 6 au 11 décembre 1971, Eyadema effectue une importante visite officielle en France où il sera reçu par le Président POMPIDOU

Le 3 janvier 1972, élection présidentielle, avec Etienne EYADEMA comme seul candidat et qui sera naturellement élu. Les relations entre la France et le Togo se consolident et Mr et Mme POMPIDOU effectuent une visite officielle au Togo du 22 au 24 novembre…

L’année 1973 verra la visite du SG de l’ONU, U THANT, le 12 janvier et qui assistera à la fête de libération nationale, le 13 janvier, avec le Président du Zaïre d’alors, Désiré Joseph MOBUTU. Création de la CNTT (Confédération Nationale des Travailleurs du Togo). Le 26 avril, une délégation parlementaire de la République Démocratique d’Allemagne rend visite au gouvernement togolais, et le Président se rend en visite officielle à Tripoli, à l’invitation du colonel Kadhafi en cette fin d’année …

L’année 1974 va s’ouvrir sur un Togo financièrement gonflé à bloc, avec le quadruplement du prix des Phosphates sur le marché international! Mais l’année commence mal pour le général Eyadema : le 24 janvier, le DC3 qui avait l’habitude de le déposer presque chaque week-end, s’écrase à l’atterrissage forcé à SARAKAWA, et c’est le fameux attentat de SARAKAWA, avec, le 2 février, « le retour triomphal » à Lomé…

Le 4 février, la CTMB (Compagnie Togolaise des Mines du Bénin) est nationalisée, et le 2 mars, la Société Togolaise du Coton (SOTOCO) est créée. Sur le plan politique, Eyadema se rend en visite officielle en Corée du Nord, à l’invitation du maréchal Kim Il SUN, et le 10 octobre, réunion des Chefs d’Etat de l’Union Monétaire Ouest Africaine(UMOA) à Lomé…

Cette année 1974 va donner le tournis au Togo, avec l’initiation de 300 jeunes (filles et garçons ) à Kinshasa, pour aller s’initier à l’animation politique, une horreur que nous n’avons cessé de dénoncer jusqu’à sa mise en veilleuse, bien des années plus tard, après avoir causé le malheur de plusieurs milliers de jeunes togolaises et togolais…

Les cinq années 1975-1980 verront rentrer le Togo, dans la grande galaxie internationale, avec la signature de la première Convention ACP-CEE à Lomé, et les trois autres renégociations de ce texte, qui est communément appelé désormais CONVENTION DE LOME se dérouleront ultérieurement dans la capitale togolaise. Sur le plan de la communication, l’ATOP (Agence Togolaise, de Presse), le CINEATO (Service du Cinéma et des Activités Audio-visuelles), et Radio Kara furent créés….

Alors que se tient du 10 au 13 septembre 1976, le premier Conseil National du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) à SOKODE, les radios annoncent, le 12 novembre, l’intention du Général EYADEMA de démissionner ! Mais ce coup de tonnerre dans un ciel serein n’accouchera que d’une souris, puisque des manifestations massives ont lieu dès l’annonce de la nouvelle, et le Général « accepte » de rester au pouvoir…

Le 1er juin 1977, est instituée la journée de l’arbre. Auparavant, le 10 janvier, le Centre National du Traitement Informatique(CINETI) est créé…

L’année 1978 sera marquée par la pose de la première pierre des hôpitaux de TSEVIE, KPALIME, et MANGO. Le président effectue une visite officielle en Arabie Saoudite du 11 au 11 avril, et en EGYPTE du 12 au 14 avril… C’est aussi l’année de l’exemption de la taxe civique pour les paysans…

De 1979 à 1980. C’est surtout la signature de la deuxième Convention ACP-CEE, le 31 octobre 1979 qui retient l’attention, et surtout, la réélection du Président Eyadema (candidat unique), l’élection de députés (liste unique) et le vote d’une nouvelle CONSTITUTION, tout cela, dans un contexte de régime d’exception…

A suivre…

Dr David IHOU

Consultant en Géopolitique, et Stratégie Sécuritaire

 

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