Depuis qu’Alassane Dramane Ouattara a commencé son recensement ethniciste et électoraliste, le 17 mars 2014, sous le couvert d’un Recensement général de la population et de l’habitat (Rgph), même les journaux à la solde de son régime n’ont de cesse de sonner le glas d’une opération dont l’impréparation et l’amateurisme dépassent l’entendement.
Que l’on en juge par cet échantillon de gros titres. « Recensement général. Ça coince déjà ! 674 agents de l’Ins mécontents. » (Le Mandat, mercredi 19 mars 2014). « 28 jours après son lancement officiel. Recensement : De sérieuses inquiétudes. L’opération au ralenti. » (Le Nouveau réveil, lundi 15 avril 2014). « Recensement des populations. Ça chauffe à l’intérieur ! » Des agents accusent : « On lâche des chiens sur nous. » Des chefs de villages : « Réglez les problèmes de la crise. » (L’Inter, vendredi 25 avril 2014).« Recensement de la population. Tout s’est mélangé dans le village d’un ministre. Des populations : « On ne compte pas les gens chez nous. » (Soir Info, mardi 29 avril 2014). « Rgph 2014. Opération bâclée. » (Le Démocrate, lundi 12 mai 2014.) « Gouvernement, Rgph, Cei, Dialogue avec l’opposition… Ça ne va pas ! » (Le Mandat, mercredi 14 mai 2014).
Que de boules puantes au nez et à la barbe de Ouattara et de la coalition du Rassemblement des houphouétistes pour la paix (Rhdp) arrivés au pouvoir dans les fourgons sanglants de l’armée française le 11 avril 2011, après le renversement du président Laurent Gbagbo! Il ne peut y avoir aveux d’échec plus cinglants.
Quarante-cinq jours après son démarrage à grand renfort de publicité, l’aveu gouvernemental de l’échec du Rgph d’Alassane Dramane Ouattara est sorti de la bouche de Mabri Toikeusse, ministre du Plan et du développement. Le 30 avril, en effet, il a annoncé la prorogation du Rgph jusqu’au 17 mai, avant de prendre bien soin d’esquiver les coups et de mettre Ouattara en première ligne en précisant qu’il s’agit d’une « décision validée » par le chef de l’Etat.
A l’approche du 17 mai, c’est le Premier ministreKablan Duncan qui est monté au créneau pour annoncer que le Rgph va se poursuivre. Le samedi 24 mai, un autre rebondissement a surgi, sous la forme d’une pantalonnade : Ibrahima Ba, le directeur général de l’Institut national des statistiques (Ins), a déclaré que le Rgph 2014 s’achèvera « techniquement » le 31 mai, mais que « cet arrêt n’exclut pas des ratissages en certains endroits du pays. » (Apa, 26 mai 2014).
On se croyait enfin au terme de ce feuilleton ubuesque. C’était mal connaître Ouattara et son régime qui disposent d’inépuisables ressources machiavéliques, lorsqu’il s’agit de saigner le peuple ivoirien à blanc ou de le tourner en bourrique. Le mardi 27 mai, au sortir du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Bruno Nagbané Koné, a asséné sur un ton martial que « le recensement des populations et de l’habitat (Rgph) 2014 prévu pour s’achever jeudi va se poursuivre jusqu’au 14 juin prochain. »(Agence ivoirienne de presse – Aip -, 27 mai 2014). Soixante-douze jours après son lancement, l’opération est donc loin d’être terminée.
Le 14 juin, le Rgph aura duré quatre-vingt-dix jours, sans que l’on soit certain qu’il s’arrêtera, une date de clôture en cachant toujours une autre, à la manière des poupées gigognes. Le recensement ethniciste et électoraliste à rallonges d’Alassane Dramane Ouattara déguisé en Rgph est devenu un monstre à plusieurs têtes qui va hanter les populations ivoiriennes ad vitam aeternam.
Hamed Bakayoko, le sécurocrate attitré de Ouattara, a bien cru sauver son gourou en affirmant que le Rgph n’a aucun rapport avec les élections. Sa mémoire amnésique n’a pas retenu que, le 4 mars 2014, il a écrit tout le contraire à Kennet D. Ollack, président de l’Organisation non gouvernementale américaine National democratic institute (Ndi) : «Je voudrais vous assurer que les préparatifs des prochaines élections sont bien engagés et que les recommandations du Ndi contribueront au renforcement de la confiance entre toutes les parties et à la transparence du processus électoral. C’est dans cet esprit que le Recensement général de la population, étape majeure dans l’établissement d’une liste électorale inclusive et transparente, débutera le 10 mars 2014. » (Notre voie, samedi 19 avril 2014). Et dire que le gouvernement continue de mentir en clamant, sans vergogne, que ce Rgph n’a rien à voir avec la liste électorale!
La collecte des données ethniques et religieuses dans le Rgph de Ouattara rend l’entreprise plus suspecte et plus dangereuse encore.Dans le « Manuel de l’Agent recenseur-Rgph 2014 », un tableau intitulé « Annexe 1 (Variable22) : Ethnie pour les personnes de nationalité ivoirienne », figure à la page 132.
La liste des ethnies ivoiriennes va du numéro « 101 Abbey » au numéro « 171 Ivoirien Sans précision ». Le numéro 171 est suivi immédiatement par le « 999 Non Déclaré ». Que signifient « Ivoirien sans précision » et « Non déclaré » ? Quel rôle la variable ethnique peut-elle jouer dans la « programmation du développement » dont se gargarise le gouvernement ?
L’obligation de la mention de l’ethnie attise dans la conscience collective des Ivoiriens le cauchemar des massacres de masse des Guéré à Duékoué, des Godié à Sassandra, etc., par la soldatesque et les dozos de Ouattara, en raison de leur appartenance ethnique et de leur soutien réel ou supposé au président Laurent Gbagbo. La méfiance et la défiance suscitées par un Rgph qui serait, en réalité, une opération de repérage et de localisation de certaines populations ciblées dans des desseins criminels sont plus que légitimes.
Il est de notoriété publique qu’Alassane Dramane Ouattara est un Mossi du Burkina Faso, l’ancienne Haute Volta. Quelle case a-t-il cochée le jour de son recensement? Par exemple, dans quelle région de Côte d’Ivoire vivent les « Samogho » ? (Numéro 161 dans le tableau ci-dessus). Après le bradage de la nationalité ivoirienne sur « simple déclaration », la fabrication d’« ethnies ivoiriennes » sur « simple déclaration » pour accroitre le bétail électoral de Ouattara ? Le chef de l’Etat et son régime se gardent bien de répondre aux nombreuses questions que se posent les Ivoiriens. Dans ces conditions d’opacité sciemment entretenue par le pouvoir, il n’est guère surprenant que les populations adhèrent au mot d’ordre de boycott lancé par le Front populaire ivoirien (Fpi) contre ce Rgph frappé d’un déficit chronique de confiance.
En tout état de cause, l’échec du Rgph de Ouattara est consommé. L’assassinat d’Amara Ladji par son frère Ali Ladji, un fanatique du parti de Ouattara, pour cause de boycott du recensement, le 30 avril, à Yopougon, la convocation et l’audition par la gendarmerie, le 8 mai, pendant plus de dix heures, de Pascal Affi Nguessan , le président du Fpi, pour crime de lèse-Rghp, les intimidations et les menaces en tout genre des populations par les sbires du régime, etc., n’ont pas changé le destin d’échec autoprogrammé de ce Rgph.
Le Rgph doit être une photographie instantanée de la population obéissant à des normes internationales de méthodologie, de durée, de stabilité des populations cibles excluant les périodes de fortes migrations comme les guerres, etc. Entre les mains de Ouattara et de ses « experts », le Rgph est devenu un marathon à rallonges et à tiroirs qui a déjà pulvérisé toutes les conventions mondiales en la matière et, par là même, sa propre crédibilité. Les annonces triomphalistes du régime que l’on voit déjà poindre pour tenter de transformer ce fiasco en son contraire ne sont que de maigres et vains cache-sexes.
Après avoir joué les matamores, Ouattara en est réduit à supplier le Fpi pour qu’il lève son mot d’ordre de boycott de son recensement mort-né. Alassane Dramane Ouattara ou Ubu roi, le « président reconnu par la communauté internationale », est nu.
Une contribution de Deuxer Céi Angela.
L’œil du juste