On serait dans d’autres situations, je l’aurai vendu en tant qu’esclave.
Après presque 7 mois que dure le procès de Karim Wade, fils de l’ancien président du Sénégal, pour enrichissement illicite présumé, le parquet a requis, à la fin des plaidoiries, le 19 février dernier, 7 ans de prison et plus de 380 millions d’euros d’amende. En attendant la délibération de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), prévue le 23 mars 2015, Abdoulaye Wade, ex-président du Sénégal, fait une sortie fracassante, avec force d’invectives à l’endroit du président Macky Sall.
La lutte contre la corruption et la concussion pour une bonne gouvernance au Sénégal est bien entamée. La justice, indépendante par essence de l’exécutif, compte aller jusqu’au bout. C’est le prix à payer pour se mettre sur la rampe de l’émergence. De par le passé, des investisseurs n’ont pas dissimulé leur réticence, voire leur frilosité à développer des affaires dans des pays sans visibilité. Avec l’arrivée de la seconde Alternance, la volonté manifeste du peuple a été d’aller vers une rupture totale avec des méthodes du passé… Des procès ont été intentés contre des présumés détournements de deniers publics.
Parmi ceux-ci, bien des pontes de l’ancien régime, dont Karim Wade qui, par moments, a cumulé dans le gouvernement du Sénégal plusieurs départements ministériels, après que l’Etat lui ait confié la direction de l’Agence nationale chargée de l’organisation du Sommet de l’OCI à Dakar (Anoci). A l’époque, les mauvaises langues parlaient du ministre du Ciel et de la Terre…
Aujourd’hui que son procès est en cours et qu’on se dirige vers le délibéré, son père, Abdoulaye Wade (âgé de 88 ans), n’a pas trouvé mieux que de convoquer une partie de la presse dans sa villa du quartier de Fann à Dakar pour couvrir d’insultes le chef de l’Etat, Macky Sall. S’adressant à ce dernier, il a textuellement déclaré : «C’est un descendant d’esclaves. Les villageois de sa contrée d’origine l’ont expulsé. Il n’était pas sorcier, mais ses parents étaient anthropophages (cannibalisme).
Ses parents mangeaient des bébés et on les a chassés du village. C’est par la suite qu’ils ont commencé à fréquenter leurs concitoyens normaux…Vous savez si un enfant est impoli, il entendra conter les circonstances de la circoncision de son père.
C’est-à-dire que tu entendras des vérités que tu n’aurais pas voulu entendre. On aurait pu vivre jusqu’à la fin du temps sans que personne ne soit au courant, mais je le dis. S’il veut, il peut m’enfermer, mais c’est ça la vérité. Ceux qui sont propriétaires de la famille de Macky Sall sont toujours là, vivants. Il sait que c’est leur esclave.
Je le dis et je l’assume parce qu’on ne peut pas toujours cacher les vérités. Cette insolence de Macky Sall est incompréhensible. Il faut l’arrêter, car on dit que c’est la force qui arrête la force, alors il faut l’arrêter par la force. Vous pouvez accepter vous les Sénégalais qu’il soit au-dessus de vous, mais moi jamais je n’accepterai que Macky Sall soit au-dessus de moi. Jamais mon fils Karim n’acceptera que Macky Sall soit au-dessus de lui. On serait dans d’autres situations, je l’aurai vendu en tant qu’esclave.
On espérait ne pas en arriver là, mais je vous le dis, plus il avancera, plus j’avancerai. Tant que je vivrai, je ne le laisserai faire. Ne nous en faites pas, il ne se passera rien. Macky Sall n’a pas d’éléments dans l’armée. Si toutefois il fait appel à l’armée, je ferai pareil et on verra. Je vous remercie pour votre disponibilité et vous félicite pour le travail que vous faites».
Tollé général
Après de tels propos, le tollé a été général. D’aucuns ont avancé qu’il ne s’agit que de la réaction d’un individu rattrapé par la sénilité. Macky Sall, qui est d’abord rentré dans une colère noire, a finalement décidé de tempérer sa réaction. Aux dernières nouvelles, il a décidé de n’intenter aucune action judiciaire contre lui. N’en déplaise à ceux qui veulent cataloguer le Sénégal, pays de la Téranga, de république bananière… la justice s’opèrera. Tous les citoyens vont ester équitablement en justice.
Il se trouve que le CNRA (Conseil national de régulation de l’audiovisuel) ne joue pas assez son rôle de régulateur au Sénégal. La vidéo de ce «point de presse» est encore disponible sur plusieurs portails, tels que Seneweb, YouTube, Dailymotion, Twitter… alors que légalement, cette institution peut interdire sa diffusion. Dans un grand nombre de sites Internet au Sénégal, l’invective, l’insulte, la calomnie… sont de rigueur, tant et si bien que les décideurs hésitent à communiquer. Des médias communautaires pullulent et ne respectent pas la diversité socioculturelle de la nation, sans verser dans le puritanisme, les bonnes mœurs sont vilipendées… Et le CNRA est aux abonnés absents !
Des leaders décomplexés
Quant à la classe politique, elle a certainement beaucoup à se reprocher. Il doit être fini le temps où les partis sont des tremplins pour réussir. Avant, les étudiants politiciens, faute de mérite, brandissaient leurs cartes de membres pour bénéficier d’une bourse et autres privilèges. Certes chaque citoyen a droit à une voix dans un régime démocratique, mais la méritocratie est le fondement d’un tel régime. L’heure est donc de revoir l’établissement légal des statuts de partis politiques, pour éviter la cacophonie et offrir au Sénégal le meilleur. Tous ces rampants sans valeur ajoutée pondèrent la marche d’un pays.
En témoignent ceux qui veulent soulever l’armée du Sénégal contre son peuple (sic) ou inciter des «militantes» à manifester les 3 et 23 mars devant le Palais de justice, dates respectives du début du procès de Aïda Ndiongue, accusée de détournements de fonds publics, et de la délibération du tribunal pour le procès Karim Wade. Au moment où les querelles de chapelle redoublent d’intensité, le monde avance et nous pointe du doigt… Vivement le renouvellement de la classe politique et des dirigeants à la hauteur !
Daouda Mbaye