Pascal Bodjona enfin libre !
Une libération aussi mystérieuse que l´ »affaire » qui l´avait emmené en prison.
Humainement parlant la libération de Pascal Bodjona est une victoire pour les amoureux de la liberté et de la vie humaine tout court. Je me réjouis personnellement qu´il ait pu retrouver la liberté et sa famille.
Mais sur le plan politique, Bodjona est-il vraiment l´agneau et la victime qu´on nous fait croire? Son incarcération, aussi injuste soit-elle, peut-elle faire oublier ses années de délinquance politique?
Rappel :
Étudiant frondeur, moulé à l´école du HACAME à Tokoin-Adéwui, Pascal Bodjona fut l´un des farouches partisans de la théorie « Éyadéma ou le chaos ». Lui et son groupe avaient une curieuse conception de ce qu´est la démocratie. Pour avoir contribué à mettre les bâtons dans les roues de la première transition démocratique, il sera même bombardé par Éyadéma à la surprise générale ambassadeur du Togo aux États-Unis.
À la mort du tyran de Pya en Février 2005 Faure Gnassingbé avait besoin d´hommes sans scrupules pour organiser son passage en force à la tête du Togo. La bande à Bodjona d´Adéwi reprit du service selon le slogan « Faure ou le chaos » et son rôle n´avait pas été des moindres dans les massacres post-électorales.
En 2010 il fallait trouver une nouvelle stratégie pour voler les élections et donner un deuxième mandat à Faure Gnassingbé. Pascal Bodjona sera de nouveau le chef d´orchestre qui se chargera de trouver la petite bête dans les dossiers de candidature à la présidentielle de Kofi Yamgnane. Par son « habileté » ils réussirent à éliminer un candidat qui leur faisait peur.Et c´est le même Bodjona qui mènera les tractations pour concocter un accord bidon qui servira à acheter et corrompre le vieillissant Gilchricht Olympio.
Directeur de cabinet à la présidence, minisre de l´administration territoriale et de la décentralisation, Pascal Bodjona fut un fidèle proche collaborateur de Faure Gnassingbé avant que la brouille ne vînt perturber leurs relations.
Qu´est-ce qui a pu donc opposer les deux amis d´hier? En tout cas, comme le répète le gros de Kouméa, ça ne peut pas être l´affaire d´escroquerie qu´on nous présente.
Combien sont-ils ces proches du président togolais qui, malgré une gestion opaque des sociétés d´état qu´ils dirigent, ne sont jamais inquiétés? Ce n´est donc pas un quelconque souci de Faure Gnassingbé de moraliser la société togolaise ou de mener une opération mains propres qui était à l´origine de l´arrestation et de l´incarcération de Bodjona.
Éyadéma avait l´habitude de traîter de la même manière ses collaborateurs civils comme militaires de qui il commençait à avoir peur parce qu´ils devenaient de plus en plus influents et lui portaient ombrage. Et beaucoup de ses malheureux anciens fidèles du père de Faure avaient été purement et simplement éliminés.Et dans ce domaine Faure Gnassingbé semble avoir bien écouté les conseils de son père.
S´il s´était vraiment avéré que Pascal Bodjona était de près ou de loin mêlé à une affaire d´escroquerie et qu´il était inquiété par la justice nationale ou internationale et que ses relations étaient au beau fixe avec le président, ils auraient certainement trouvé un moyen, comme cela se passe dans les républiques bananières, pour étouffer l´affaire.
Il s´agit certainement d´une querelle de palais qui a pu amener le « grand format » sous les verrous et dont nous ne connaîtrons jamais les tenants et les aboutissants.
Faut-il pour autant livrer Pascal Bodjona à la vindicte populaire au moment où nous avons besoin de tous les compatriotes de bonne foi pour refaire un autre Togo? Je sais que jusqu´à présent en matière de bonne foi Bodjona ne peut pas être parmi les premiers de la classe, mais comme tout être humain, n´a-t-il pas le droit de se tromper et de se racheter?
« Jeder Mensch hat eine zweite Chance verdient »(Tout être humain a le droit d´avoir une deuxième chance), disent les allemands.
Comme tout être humain Pascal Bodjona peut se tromper, faire des fautes. Comme tout être humain il peut également reconnaître qu´il n´était pas sur la bonne voie, se ressaisir et faire son mea culpa. Et ces quelques 18 mois de privation de liberté passés à la prison de Tsévié doivent lui avoir servi de temps pour réfléchir.
-« Mon avenir politique est certain »,martèle-t-il.
D´après les premières déclarations de l´ancien ministre il ne fait aucun doute que le microcosme politique togolais devrait s´attendre à son retour.
Mais la question qui pourrait aiguiser la curuosité des uns et des autres est celle-ci: de quel côté se trouve l´avenir politique de Pascal Bodjona? A-t-il bien appris la leçon pour savoir de quoi est capable le système qu´il a servi jusqu´au début de ses déboires judiciaires? Lui qui était au centre, sinon le centre, du système mafieux „fauréen“ doit être mieux instruit sur les méthodes pas très catholiques de la maison.
Notre ami Bodjona est arrivé à la croisée des chemins de sa vie politique. Et comme le chanterait Julio Iglesias, « à la croisée des chemins tu partiras sur ta route, je partirai sur la mienne… », le gros enfant de Kouméa attend et réfléchit, le peuple togolais s´est arrêté, retient son souffle et observe.
C´est sûr qu´actuellement des émissaires officieux et officiels du clan seraient entrain de se démener pour convaincre le désormais ex-prisonnier de Tsévié de revenir dans le giron de malheurs RPT/UNIR, un système politique que Bodjona a en partie contribué à construire et auquel il doit tout.
Dans un pays comme le Togo où les relations tribales sont malheureusement placées au dessus de l´intérêt de la nation,Bodjona saura-t-il, pourra-t-il avoir le courage et la témérité de résister aux multiples pièges tribalistes que certainement ses anciens compagnons essaieraient de lui tendre? Saura-t-il avoir la bonne prière pour que Dieu qu´il évoque presque dans chacune de ses phrases lui donne la force et l´inspiration nécessaires pour prendre le chemin de la sagesse et de la raison?
Quelle naïveté de la part de certains compatriotes qui vont trop vite en besogne en croyant à des révélations fraccassantes prochaines de Monsieur Bodjona pour charger son ancien compagnon Faure Gnassingbé!
L´énigme togolaise est tellement corsée que même les esprits les plus éveillés réfléchiraient par deux fois avant de s´y prononcer.
Ils sont légion ces anciens collaborateurs civils comme militaires du régime Gnassingbé depuis Éyadéma à avoir été incarcérés, humiliés, affaiblis et à avoir repris du service, la queue entre les pattes, comme si rien ne s´était passé. C´est le propre des dictatures!
Faure Gnassingbé a à plusieurs reprises ignoré les demandes incessantes de la cour de justice de la CEDEAO de libérer Pascal Bodjona à cause du caractère vide du dossier. Des organisations des droits de l´homme avec à leur tête Amnesty International avaient également conseillé l´état togolais d´organiser soit un procès ou d´élargir le détenu. Notre prince-héritier fit la sourde oreille.
Quelles pressions furent exercées ces derniers jours sur Faure, qu´est-ce que le président malien IBK a pu lui murmurer à l´oreille la semaine passée à Pya pour que subitement il décide de la libération de Bodjona? Et surtout quelle contrepartie l´ex-incarcéré de Tsévié a pu promettre à son ancien patron?
La couleur de l´avenir politique de Bodjona dépendra de la réponse à toutes ces interrogations.
Pascal Bodjona le dit lui-même, « …le débat est ouvert. » Mais débat sur quoi et avec qui? il ne le dit pas. Allez-y comprendre!
Tout peut donc arriver.
Comme on le voit, le cas Bodjona ne fait que commencer.
Samari Tchadjobo
Allemagne
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