Selon l’ONG Global Financial Integrity, le Togo est le pays le plus affecté du continent africain par l’évasion fiscale. Prasad Motaparti Siva Rama Vara et Manubhai Jethabhai Patel, des hommes d’affaires indiens opèrant dans le pays surtout dans la cimenterie avec leur puissant groupe Wacem, transfèrent illégalement leurs revenus dans des paradis fiscaux.
Selon les « Panama Papers », les Indiens Prasad Motaparti Siva Rama Vara et Manubhai Jethabhai Patel sont de véritables détenteurs de deux sociétés domiciliées aux îles vierges britanniques et créées par l’intermédiaire du cabinet panaméen Mossack Fonseca. Il y a Ballyward Limited, lancée en 2000, et destinée au commerce international vers l’Afrique de l’Ouest. Et Bitchemy Venture Limited, ouverte treize ans plus tard, pour effectuer des investissements directs et détenir des intérêts dans des sociétés basées dans le plus opaque Etat des Etats-Unis, le Delaware.
Les nouvelles publications du Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), « Panama Papers » en date du lundi 25 juillet porte sur l’évaporation des ressources en Afrique. Les documents issus du cabinet panaméen Mossack Fonseca mettent en lumière le rôle des sociétés offshore dans le pillage du continent avec un recours systématique aux paradis fiscaux par l’industrie extractive.
Des sociétés issues de 52 des 54 pays africains ont recouru à des structures offshores, participant à l’évaporation de 50 milliards de dollars en Afrique chaque année. Le Consortium s’est appuyé sur ses partenaires habituels ainsi que sur des journalistes en Algérie, au Ghana, en Tanzanie, au Niger, au Mozambique, à Maurice, au Burkina Faso et au Togo.
En fin 2011, par exemple, selon une copie d’un compte rendu de réunion, les deux hommes d’affaires se seraient retrouvés à Tema, au Ghana, pour décider de l’acquisition de 3 mille tonnes d’acier auprès d’une société suisse, Mechel Trading Limited. Cette opération qui représente un montant de plus de deux millions de dollars est réalisée via l’une des sociétés écran, Ballyward. Une partie du coût (20 %) a été payée directement par cette dernière au fournisseur. Le reste de la transaction a été garanti par la Barclays Bank de Londres. L’opération a été directement conduite, selon le compte rendu, par Prasad Motaparti, PDG de Wacem.
Les documents révèlent que les identités de Prasad Motaparti Siva Rama Vara et Manubhai Jethabhai Patel ont été dissimulées grâce aux intermédiaires, des sociétés écrans et autres stratagèmes pour que les deux magnats indiens de Lomé n’apparaissent pas.
« C’est quoi Ballyward ? C’est vous qui me le dites. Je ne la connais pas. ATS n’a pas de relation avec les sociétés indiennes, mais des Indiens peuvent avoir des actions dans ATS », dit Clément Kossi Ahialey, un proche collaborateur des deux hommes d’affaires. ATS, c’est l’ancienne Société nationale de sidérurgie créée en 1978 et privatisée en 1985 puis rachetée par les Indiens en 1994. A l’époque, Prasad Motaparti, ingénieur de sidérurgie et son partenaire, n’étaient pas encore à la tête de Wacem. Mais ils étaient déjà au Ghana avec la Tema Steel Company (TCS). Ils rachèteront deux ans plus tard l’ancienne Cimao (Ciment d’Afrique de l’Ouest) pour, en 1996, créer Wacem (West African Cement) dont le siège se trouve dans la ville minière de Tabligbo (75 km de Lomé).
Panama Papers révèle que Clément Ahialey, homme d’affaires togolais est le cinquième plus important actionnaire de Wacem dont il est toujours directeur administratif et chargé des relations extérieures. Il est aussi directeur de Togo-Rail (rachetée par les Indiens depuis le début des années 2000) et directeur d’ATS dont l’un des principaux fournisseurs est Volta Impex Limited (basée en Inde). Toutes deux appartenant aux mêmes hommes d’affaires indiens.
Ahialey également actionnaire dans Orabank Togo, est considéré comme un élément clé dans l’empire Prasad-Patel. Contacté par un journaliste ghanéen de Tema, M. Patel reconnaît être en charge de ses deux sociétés. Sauf qu’il les présente comme des prestataires de service de management.
Les promoteurs de Wacem sont accusés d’évasion fiscale, de corruption et autres malfaisance. L’installation de Wacem, une entreprise minière qui exploite les ressources naturelles du Togo, en zone est fustigée.
De plus, Wacem ne respecte pas non plus les dispositions légales qui l’obligent à exporter au bas mot 70 %, sinon la totalité de sa production. Elle a plutôt déversé l’essentiel de son clinker à ses deux cimenteries situées au Togo que sont Fortia (Tabligbo) et Diamond Cement (Dalavé).
Les complices des patrons de Wacem
Au Togo, le calcaire est le minerai le plus exploité au Togo depuis plus de dix ans devant le phosphate. Une exploitation qui ne profite pas au Togo. Les principaux fournisseurs de Wacem sont à l’étranger et le principal actionnaire n’est pas le PDG Prasad Motaparti Siva Rama Vara mais une drôle de société, Kenelm Limited (40 %), domiciliée sur l’île de Man.
Par contre, rien concernant Manubhai Jethabhai Patel pourtant présenté par plusieurs sources et par la Banque mondiale comme l’un des deux piliers du groupe. Il serait caché derrière l’une des sociétés écran. Et les barons du pays qui sont censés lutter contre l’évasion fiscale sont plutôt des complices des indiens.
La liste des actionnaires de Wacem publiée par « Panama Papers » comporte des noms de l’actuel ministre des Mines, Marc Ably-Bidamon, l’actuel premier ministre, Selom Komi Klassou. Leurs fonctions les placent normalement au cœur de la lutte pour la transparence dans les industries extractives.
On retrouve des anciens ministres Andjo Tchamdja, Kokou Gozan, l’ancien Premier ministre, Edem Kodjo et Batieng Kpabré-Silly (actuellement ministre d’Etat auprès de la présidence).
Oeil d’Afrique
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