Alors que la situation socio-politique ne cesse de se dégrader dangereusement en Côte d’Ivoire et que la grogne populaire ne cesse de s’amplifier plus d’un an après son installation au pouvoir par l’Armée française,le régime Ouattara vient de se signaler là où les Ivoiriens l’attendaient le moins.
Quel sens donner au limogeage du Ministre Adama Bictogo? Pour de nombreux observateurs et analystes qui ont fait une lecture attentive de la nouvelle, la brutale éjection de ce Ministre reste un subterfuge qu’Alassane Dramane Ouattara a utilisé pour tenter de détourner l’opinion publique nationale et internationale des vrais problèmes qui préoccupent actuellement.
Dépassé par l’ampleur et la complexité de la situation socio-politique que son cynisme et sa soif de pouvoir ont instauré en Côte D’Ivoire, le leadear du RDR tente en effet aujourd’hui de donner l’impression de sortir brusquement de sa léthargie. Chassé du Gouvernement de la manière la plus inattendue et la plus humillante suite aux graves soupçons de détournement qui pèsent sur lui dans l’affaire des déchets toxiques, le Ministre Adama Bictogo aura sans conteste servi de cobaye à Dramane Ouattara pour faire croire qu’il frappe ainsi du poing sur la table face aux graves dérives qui gangrènent son régime.
En seulement un an de pouvoir, le régime Ouattara ne cesse en effet de surprendre par la pléthore de scandales qu’il accumule. De l’arrestation du Directeur des Moyens Généraux de la Douane à l’affaire Bictogo en passant par les diverses affaires sales des Ministres Anne Ouloto et Kandia Camara, la concession illégale de la licence 3G à Moov, le limogeage d’Arthur Alloco, Directeur Général de l’ATCI, la surfacturation des travaux de renovation des Commissariats de police, la réhabilitation de l’Université à coups de milliards sans aucun appel d’offres, le lancement clandestin des travaux de restauration du CCIA alors qu’aucun des souscripteurs officiels à l’appel d’offres n’a été choisi, l’incarcération d’un diplomate de Ouattara en Italie, la polémique sur le Budget présidentiel de souveraineté estimé à 300 milliards, la mise en cause dans l’affaire de la filière café-cacao des Ministres et Barons du régime qui réfusent de comparaître à la barre, la liste continue chaque jour de s’allonger.
Pour un régime qui accuse sans aucune preuve le Président Laurent Gbagbo et le Front Populaire Ivoirien d’avoir pillé les richesses du pays et qui maintient en prison des dizaines d’innocents citoyens pour crimes économiques, la corruption et l’affairisme portés à une telle échelle en si peu de temps achèvent de convaincre les Ivoiriens et la Communauté internationale quant au degré d’hypocrisie et de calomnie qui a été atteint au sommet de l’État depuis le 11 avril 2011.
Ouattara et ses acolytes savent qu’au plan national et international, personne n’est désormais dupe face à leurs multiples tentatives de dissimulation des réalités. Les populations ivoiriennes sont largement conscientes que le régime Ouattara crée quotidiennement les conditions de son propre échec dans le redressement du pays. Ce régime reste totalement impuissant devant l’insécurité généralisée qui règne partout dans le pays. Aucune mesure concrète n’est envisagée contre les FRCI et les bandes de dozos qui continuent de terroriser les populations, de les exproprier de leurs terres et de leurs maisons. Le nombre des prisonniers politiques ne cesse de s’accroître dans les prisons et aucune initiative n’est conduite pour que s’engage enfin un vrai dialogue national en vue de donner une impulsion décisive au processus de réconciliation .
Pourquoi ne donne-t-on pas des garanties sûres de sécurité aux exilés politiques pour faciliter leur retour ? En quoi les licenciements massifs, la politique de rattrapage, l’obscurantisme imposé dans le système universitaire et le musellement de la presse contribuent-ils à l’épanouissement des Ivoiriens ? Quelles mesures réelles prend-t-on pour soulager les millions de foyers matraqués et traumatisés par la montée vertigineuse et chaotique des prix sur le marché ?
Ces questions cruciales que tout le monde se pose parmi tant d’autres restent toujours sans réponses pendant que l’immoralité, le crime et l’imposture continuent de battre leur plein au sein du régime d’Abidjan sans que l’on sache exactement de quoi demain sera fait.
Alcebedes, roi d’une Cité grecque dans l’antiquité, se leva un jour de beau matin et coupa la queue à son chien. A ses Conseillers surpris et indignés qui accururent très nombreux au Palais pour lui déclarer d’une seule voix qu’il venait de commettre une grave erreur, il rétorqua sans sourciller qu’il préférait que l’on parle de son chien plutôt que de sa politique.
En Sciences politiques, on parle très souvent de la “ stratégie d’Alcebedes” quand l’objectif visé par une Autorité dans un acte qu’elle pose est de faire en sorte que le peuple parle d’autre chose que de ce qui pourrait ( ou devrait ) exiger d’elle une explication ou une justification. Cette stratégie consiste d’une certaine manière à déplacer les problèmes au lieu de les résoudre. Elle permet de brouiller les pistes, de réorienter et de maîtriser les débats à défaut de pouvoir maîtriser le cours des évènements.
Comme on le voit donc, Dramane Ouattara veut empêcher les critiques contre sa gestion chaotique du pouvoir et son incapacité à répondre aux attentes. En offrant Bictogo en sacrifice, il veut susciter une réaction populaire positive susceptible de générer un mouvement de sympathie autour de ses décisions. Mais le feuilleton Bictogo est encore loin d’être terminé et d’autres truands pourraient faire très bientôt les frais de leur indélicatesse mafieuse. Ouattara continuera donc à se prendre pour Alcebedes et à prendre les Ivoiriens pour des Grecs, jusqu’à ce qu’il soit brusquement ( et peut-être brutalement ) mis fin à ses illusions.
Océane YACÉ
Politologue
Oyace84@yahoo.fr