Odile Biyidi explose ! Le programme électoral de François Hollande avait une vague teinture socialiste

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Lynx.info : François Hollande enchaîne les invitations à l’Élysée avec les dictateurs africains. Dernier hôte Paul Biya (28 ans au  pouvoir). Comment l’expliquez-vous ?

 

La politique africaine de la France a toujours été en parfaite continuité, quelle que soit la présidence, de droite ou de gauche, preuve que ce qui pèse le plus sur l’exécutif en France c’est l’influence des lobbies militaro-affairistes, pour qui l’Afrique est indispensable.

Lynx.info : Pour beaucoup ce n’est pas une philosophie socialiste qu’applique le président français. Hollande est-différend quand il s’agit de l’Afrique de la droite française ?

En effet, le programme électoral de François Hollande avait une vague teinture socialiste, qu’il a vite perdue après l’élection. Voir là-dessus les déconvenues du ministre du redressement industriel Arnaud Montebourg. Il s’agissait pourtant de satisfaire son électorat, à propos des fermetures d’usine. Alors vous imaginez que sur l’Afrique il n’a même pas ce frein-là. Il est entièrement soumis aux hommes d’affaires. C’est, paraît-il, le conseil des investisseurs français en Afrique (CIAN) qui a imposé à Hollande la rencontre avec Paul Biya.

Lynx.info : De Jean-Luc Mélenchon à Noël Mamère le sentiment de recolonisation de l’Afrique taraude les idées. Votre avis ?

La recolonisation est un fait qu’on est bien obligé de constater, au vu des interventions pour installer des pouvoirs satellites là où se trouvaient des dirigeants susceptibles d’échapper à un strict alignement sur les intérêts occidentaux.

Lynx.info : Comment expliquez-vous cet empressement de Hollande de privilégier la guerre au Mali là ou l’Algérie demandait une solution politique ?

Cet empressement est en effet suspect. La prise de la bourgade de Konna ne constituait absolument pas une menace sur Bamako, comme cela a été ressassé par le ministre Le Drian, et par les journalistes. Déjà le MNLA et une fraction d’Ansar Dine inclinaient vers la négociation. Comme dans d’autres situations d’affrontement entre des groupes politiques ennemis et même de guerre civile ouverte, la solution n’est pas d’assurer la victoire d’un côté mais d’arriver à une composition des antagonismes, puisqu’il faudra bien qu’ils vivent ensemble, à moins d’imaginer l’extermination d’un groupe, comme l’a suggéré la déclaration malencontreuse de François Hollande, affirmant qu’il allait « détruire » ceux qu’il appelle les « terroristes ».

Lynx.info : Vous croyez au gouvernement français quand il dit qu’au Mali l’objectif est de chasser les islamistes ?

Si c’est vraiment l’objectif du gouvernement français, il est illusoire, puisque, dans un pays musulman, il y aura toujours  des islamistes, c’est-à-dire des intégristes religieux. La meilleure façon de réduire l’intégrisme religieux est de constituer un gouvernement national fort, capable de défendre les intérêts des Maliens, qui n’auront aucune raison de chercher protection dans d’autres structures. Les intégrismes, tout comme les sectes, prospèrent lorsque les gens sont désemparés, dans une société qui ne leur offre pas d’issue décente. Livrer le Mali à l’intervention étrangère c’est préparer le terrain où germeront des moissons d’islamistes. Alors que l’Afrique subsaharienne est plutôt réfractaire à l’islamisme, on risque d’en voir le développement sur fond de misère galopante, parce que – ce qu’on oublie toujours de mentionner dans la diabolisation de l’islamisme par les médias occidentaux – l’intégrisme religieux n’apporte pas que des prescriptions sévères et cruelles, il apporte aussi des réponses humaines et solidaires, promesses d’une société meilleure.

Lynx.info : Florence Cassez est libre suite aux pressions du pouvoir français. Michel Gbagbo croupit en prison. Y a-t-il deux types de français ? Comment expliquez-vous cette politique de l’État français ?

Il y a Michel Gbagbo, qui pâtit certainement du nom qu’il porte, il y a aussi d’autres Français emprisonnés de façon contestable en Amérique du sud, en Asie, en Afrique, notamment au Cameroun. Florence Cassez a bénéficié d’un engouement des médias et des politiques. Tant mieux pour elle. On attend que la France exerce sa protection de façon efficace sur tous ses nationaux livrés aux abus de justice dans le monde. Sinon ce n’est pas la peine de se dire une grande puissance. On voit mal un citoyen des USA croupir dans une prison lointaine. Il y va du prestige de son pays, même si, évidemment, aux USA même, comme en France, il y a des gens qui sont victimes d’erreurs judiciaires.

Lynx.info : Finalement même la communauté internationale et la Cpi ne trouvent plus  Alassane Ouattara coupable d’exactions sur plus de 800 villageois de Duekoué. Comment expliquez-vous cette complicité ?

L’instrumentalisation de la CPI, comme celle d’ailleurs de l’ONU et de bien d’autres organismes internationaux, au service des intérêts occidentaux est profondément désolante. On avait besoin de croire à une justice supra nationale, impartiale et détachée des passions politiques, préoccupée uniquement par la poursuite des crimes. Or on constate un traitement très inégal de la criminalité, selon que les auteurs des crimes sont favorables ou non aux intérêts occidentaux. La CPI s’en trouve profondément décrédibilisée.

Lynx.info : La Côte d’Ivoire vit au rythme d’une justice des vainqueurs comme le craignait Marine Le Pen. Comment expliquez-vous que Ouattara puisse faire en toute impunité ce que la France reprochait à Laurent Gbagbo ?

Il n’y a pas que Marine Le Pen, qui,  soit dit en passant, se fiche éperdument du sort des Ivoiriens, à noter cette réalité. La société ivoirienne est profondément divisée et tout est fait pour attiser cette division. L’impunité dont jouissent tous les acteurs liés au pouvoir est un obstacle insurmontable à l’apaisement et à la restauration de la confiance des Ivoiriens en leurs institutions. Le règne de l’arbitraire et de la force est la signature de la dictature.

Interview réalisée par Camus Ali

 

 

 

 

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