Au Mali, l’Occident combat Al-Qaïda, en Syrie, il se bat à ses côtés

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Les ennemis se changent en alliés au gré des intérêts économiques.La France a de gros intérêts économiques au Mali. Sa priorité n’est nullement la démocratie au Mali.Quand l’Occident a envahi l’Afghanistan, il l’a fait au nom de la guerre contre le terrorisme international. Attitude totalement contre-productive. À l’échelle mondiale, le nombre des attentats-suicides a été multiplié  après le 11 septembre. Chaque mort de terroriste a suscité des dizaines de nouvelles vocations. Les «guerres contre le terrorisme» sont des programmes de développement du terrorisme.Ils sont essentiellement financés par des organisations privées saoudiennes, qui souhaitent répandre leur Islam wahhabite fondamentaliste dans un monde musulman qui ne compte que 2% de croyants de ce courant.

Mais, en  dépit de ce que  prétendent les  politiciens occidentaux, l’Europe a  jusqu’ici été largement épargnée par les terroristes d’Al-Qaïda. Selon Europol, en 2010, seuls trois des 249 attentats effectifs ou déjoués sur le sol européen étaient l’œuvre d’islamistes. Et en 2011, sur 174 on n’en comptait aucun. La plupart des auteurs en étaient des séparatistes ou des activistes d’extrême-gauche*.Toutefois nous ne devrions pas laisser le monde musulman seul face au terrorisme. En définitive la cause principale de ce problème – désormais épidémique – est la politique agressive que mène l’Occident contre le monde musulman depuis des siècles.

Sans argent saoudien, pas d’Al-Qaïda

L’extension de l’épidémie terroriste est essentiellement imputable à ses sponsors du Golfe. Sans argent saoudien, Al-Qaïda ne saurait survivre. Mais l’Occident n’ose pas s’attaquer à ce problème, fondamental pour la lutte contre le terrorisme. Ses arguments ? La maison royale saoudienne aurait conclu un pacte de type mafieux avec les parrains du terrorisme. Son territoire n’échapperait aux attentats qu’à la condition de ne pas gêner la constellation terroriste. Dans ces conditions, on peut comprendre sa tolérance vis-à-vis des commanditaires du terrorisme. Celle de l’Occident serait grassement payée – en pétrole.

Mais le pétrole n’est pas la seule raison qu’a l’Occident de ne pas s’en prendre à la base arrière du terrorisme, l’Arabie saoudite. De fait, le terrorisme islamique sert de prétexte fort utile à des offensives militaires. Après l’effondrement de l’Union soviétique, ce terrorisme est devenu le nouvel «ennemi public n° 1» des USA, le chef d’État-major et futur Secrétaire d’État aux affaires étrangères, Colin Powell, s’étant plaint de manquer désormais de «voyous».

Les guerres occidentales «contre le terrorisme» sont menées pour des causes qui sont bien extérieures à celui-ci. En Afghanistan en raison de la situation géostratégique cruciale de ce pays en Asie, en Irak pour le pétrole, dans le conflit avec un Iran cherchant prétendument à acquérir l’arme nucléaire pour des raisons d’hégémonie au Moyen-Orient, et maintenant au Mali pour l’uranium détenu par un pays voisin, le Niger.Si dans l’ex-colonie d’Afrique occidentale française on ne trouvait que du sable, les Touaregs, les djihadistes et les Maliens pourraient s’entre-tuer tant qu’ils voudraient, Paris n’interviendrait en aucun cas. Le gouvernement français sait parfaitement que sa «guerre contre le terrorisme», loin de triompher du terrorisme islamique, ne fera que l’attiser. Mais que vaut pareil argument lorsqu’il s’agit de garantir l’approvisionnement de la France en électricité grâce à l’uranium nigérien ?

Assez de cynisme !

C’est en Syrie que la guerre occidentale contre le terrorisme a atteint le comble du cynisme. En Syrie, plus de 50.000 hommes en armes combattent le régime d’Assad.  Selon des témoignages d’opposants démocratiques, 400.000 d’entre eux sont des extrémistes islamistes. Au moins 15.000**, dont des milliers de djihadistes étrangers, se revendiquent du Front Al-Nousra une branche d’Al-Qaïda.  Seule une petite minorité des rebelles se bat encore pour la démocratie. Si les rebelles extrémistes remportent la victoire, ce n’est pas un État démocratique modèle qui succédera à Assad, mais un émirat aux mains de fanatiques religieux en lien avec Al-Qaïda. Ce serait le plus grand triomphe politique du réseau depuis sa fondation.

Les  armes et les fonds dont disposent les rebelles syriens proviennent essentiellement d’Arabie saoudite et du Qatar. L’Arabie saoudite fournit principalement Al-Qaïda, et les USA le savent. L’Occident  assure la couverture politique de tous les rebelles, y compris Al-Qaïda. Il est donc l’allié objectif d’Al-Qaïda.  Au Mali contre Al-Qaïda, en Syrie avec Al-Qaïda- on atteint là le comble du cynisme. Assad est un dictateur. Le roi d’Arabie saoudite et l’émir du Qatar tout autant.

La démocratie en Syrie, ni les USA ni les despotes d’Arabie saoudite et du Qatar n’en ont cure. Leur objectif est d’évincer un allié de poids pour l’Iran, qui suite à la dernière guerre en Irak a pris trop de pouvoir à leur gré. Faire exploser dans ce but l’un des plus sympathiques peuples multiethniques d’Arabie, est le dernier souci de nos «stratèges mondiaux». De même que les millions de Chrétiens que la victoire des extrémistes chasserait de leur patrie.

Tout espoir de négociations n’est pas encore exclu

Il existe des solutions sensées à cette guerre tragiquement fratricide. Ce sont les USA qui en détiennent la clé. Il leur faudrait être prêts à négocier avec Assad. Comme autrefois avec les dirigeants de l’Union soviétique. À qui Ronald Reagan n’a jamais demandé de démissionner en préalable à des négociations de paix. Les USA pourraient imposer la trêve que désire si ardemment le peuple syrien en stoppant pour quelque temps les livraisons d’armes de l’Arabie saoudite et du Qatar. La Russie pourrait suivre cet exemple. Cet armistice devrait alors être mis à profit pour des négociations entre Assad et tous les groupes sociaux, y compris, les Syriens exilés et les rebelles qui déposeraient les armes.

Les objectifs seraient la formation d’un gouvernement de transition, l’élaboration d’une constitution démocratique prévoyant la protection des minorités ainsi que la préparation d’élections libres en présence d’observateurs internationaux. Assad peut poursuivre la guerre longtemps encore. Tous ceux qui depuis deux ans ont prédit sa chute pour «après-demain» se sont leurrés. Ils se trompent sans doute aussi quant à ses plans d’avenir. À mon avis, il ne tient pas tant que cela à être à nouveau candidat, en 2014, si l’on parvient à un accord de paix équitable.

Des négociations intelligentes ne sont pas encore exclues. Il est temps que l’Occident change de cap, en mettant fin à son pacte cynique avec Al-Qaïda.

Jürgen Todenhöfer

 

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