Obama à l’ONU : une défense de l’agression unilatérale

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Le président Barack Obama a prononcé son cinquième discours lors d’une séance d’ouverture de l’Assemblée générale des Nations unies jeudi, mêlant une rhétorique sentencieuse sur la démocratie et l’humanitarisme à des menaces très claires d’agression américaine.

Pendant que les médias étaient omnibulés par la question de savoir si le président américain monterait une poignée de mains avec son homologue iranien Hassan Rouhani – un geste sans implications sérieuses que les iraniens auraient refusé d’après les journalistes – le contenu réel du discours de 50 minutes prononcé par Obama était l’exposition d’une doctrine de politique étrangère d’après laquelle Washington s’arrogeait le droit d’intervenir militairement au Moyen-Orient comme il l’entend pour protéger ses « intérêts fondamentaux. »

Ce discours a clairement montré que le « tournant vers la diplomatie » par rapport à la Syrie et à l’Iran représentait non pas une évolution fondamentale s’éloignant de la politique prédatrice menée par l’impérialisme américain dans la région à travers les guerres de la dernière décennie, mais plutôt un changement de tactique imposé au gouvernement Obama par l’apparition d’une opposition populaire très large et imprévue à l’égard d’une nouvelle guerre d’agression au Moyen-Orient.

Ce renversement politique explique le ton nettement sur la défensive, parfois apitoyé sur soi-même, du discours d’Obama, qui accumulait les plaintes sur la manière dont Washington serait diffamé et incompris.

Avant de se concentrer sur les cibles d’une attaque imminente des États-Unis – la Syrie et l’Iran – Obama a porté à son propre crédit la création d’un monde « plus stable » durant ses cinq ans à la Maison Blanche. Il a mentionné le retrait de toutes les troupes américaines d’Irak – imposé à Washington par le refus de l’Irak de signer un accord qui aurait accordé à l’armée américaine une immunité pour ses crimes de guerre – et la fin prochaine de la guerre en Afghanistan, où le Pentagone prévoit de maintenir 20 000 soldats et des bases permanentes.

Il s’est vanté de ce que son gouvernement a « limité l’usage des drones pour qu’ils ne visent que ceux qui constituent une menace imminente » et les utilise dans des conditions où « il y a une quasi-certitude de ne faire aucune victime civile. » Une absurdité étant donné que rien qu’au Pakistan on estime à plus de 2500 les personnes tuées dans les frappes de drones, la plupart des civils ; et la grande majorité ont été tués sous Obama. L’émergence du président américain dans le rôle d’« assassin en chef, » ordonnant des meurtres à distance, est la manifestation la plus frappante de la criminalité mondiale de l’impérialisme américain.

Le président américain a également inscrit à son actif le fait de « travailler diligemment à fermer la prison de Guantanamo Bay, » qui reste ouverte près de cinq ans après qu’il ait promis de la fermer ; les détenus y sont soumis à la torture d’une alimentation forcée et les hommes que la CIA a torturé passent en jugement devant des tribunaux militaires qui peuvent leur infliger la peine de mort.

En dépit de ces prétendues avancées pour la paix et la stabilité, Obama a admis que « le danger persist[ait], » y mettant les attentats terroristes d’Al Qaïda, les conflits sectaires et « le risque de dissémination des armes de destruction massives. » Toutes ces tendances, a-t-il affirmé, convergent le plus fortement en Syrie.

A écouter les remarques du président américain, personne ne se douterait que Washington utilise et arme Al Qaïda en Syrie, comme il l’avait fait en Libye en 2011 où il s’en était servi comme d’un intermédiaire dans sa guerre de changement de régime, ni qu’il y a délibérément, et dans le même but, attisé le sectarisme avec ses alliés arabes du Qatar et d’Arabie saoudite.

Il a également réitéré ses affirmations infondées selon lesquelles Bashar el-Assad était responsable des attaques à l’arme chimique du 21 août dans la banlieue de Damas et a défendu sa « volonté d’ordonner une frappe limitée » contre la Syrie, en s’appuyant sur sa conviction que c’était « dans l’intérêt de la sécurité nationale des États-Unis. »

Tout en affirmant que les preuves de la culpabilité du régime dans l’incident du 21 août seraient « écrasantes », Obama n’a donné aucune explication des raisons pour lesquelles Washington a refusé de présenter ses preuves aux Nations unies. Le régime syrien et la Russie ont tous deux accusé les « rebelles » soutenus par les États-Unis d’avoir organisé l’attaque dans le but d’en faire porter la responsabilité au régime et de provoquer une intervention militaire des Etats-unis.

Chapitrant la Russie pour son opposition à une guerre unilatérale et illégale des États-Unis contre la Syrie, Obama a affirmé : « Nous ne sommes plus dans une guerre froide. Il n’y a aucun grand jeu à gagner, et l’Amérique n’a pas non plus d’intérêts en Syrie au-delà du bien être de son peuple. »

Il existe une longue histoire de bombardements des peuples « pour leur bien » par les Etats-unis. Il va sans dire que d’autres intérêts sous-tendent ces interventions. La référence d’Obama au « grand jeu » – le terme utilisé pour décrire la rivalité entre l’impérialisme britannique et l’empire russe pour la domination de l’Asie centrale – est révélatrice. Ce sont précisément des intérêts prédateurs de cet ordre qui sont en jeu en Syrie, où Washington cherche à faire tomber le régime d’Assad pour le remplacer par un gouvernement à sa botte ; le but est d’isoler et d’affaiblir l’Iran qu’il considère comme un rival empêchant son hégémonie dans les régions riches en ressources énergétiques et stratégiquement vitales du Golfe persique et d’Asie centrale.

Obama a insisté sur l’idée que l’accord obtenu entre Washington et Moscou sur le désarmement chimique du régime syrien devrait être soutenu par « une résolution forte du Conseil de sécurité » suivie de « conséquences » pour la Syrie si elle ne respectait pas le calendrier de destruction de ses armes chimiques. Washington et ses alliés poussent à l’adoption d’une résolution fondée sur le chapitre 7 de la Charte des Nations unies qui autoriserait l’usage de la force. La Russie a affirmé catégoriquement qu’elle opposerait son veto à toute mesure de ce genre.

« Si l’on ne peut même pas se mettre d’accord là-dessus, » a dit Obama, « alors cela montrera que les Nations unies sont incapables de faire respecter la loi la plus élémentaire du droit international. » Voilà les prétextes qu’il compte utiliser pour justifier une attaque unilatérale par les Etats-unis.

L’essentiel du reste du discours d’Obama concernait l’Iran et les allégations infondées des États-Unis selon lesquelles ce pays développerait des armes nucléaires. Malgré sa déclaration sur la « voie diplomatique » qui devait « être essayée » dans les relations américano-iraniennes, les remarques d’Obama ont consisté largement en ultimatums posés à Téhéran, la menace implicite de la force militaire et une absence de proposition concrète de lever les décennies de sanctions imposées à l’initiative des Etats-Unis ; des sanctions que Rouhani, dans son discours à l’Assemblée générale, a décrites comme « tout simplement violentes, » ajoutant, « ce sont les gens ordinaires qui sont victimes de ces sanctions. »

Au coeur du discours d’Obama, et démentant tout son blabla sur la démocratie et l’humanitarisme, il y avait une définition franche de « la politique américaine envers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. »

« Les États-Unis d’Amérique sont prêts à se servir de tous les éléments de leur puissance, y compris la force armée, pour sécuriser leurs intérêts essentiels dans la région, » a-t-il dit. Il a également mentionné le terrorisme et les armes de destruction massives – le faux prétexte pour l’invasion de l’Irak – ajoutant que « partout où ce sera possible » Washington « respectera la souveraineté des nations, » et partout où ça ne le serait pas, « nous agirons directement. »

Le fait que la politique militariste de Washington soit affirmée aussi ouvertement aux Nations unies est une indication de plus du développement incontrôlé de l’impérialisme américain et du danger croissant que les menaces américaines envers la Syrie et l’Iran ne se transforment en guerre dans toute la région et même en conflit mondial.

Obama a inclu une pique à l’attention du président russe Vladimir Poutine, lequel l’avait critiqué pour avoir déclaré dans son discours sur la Syrie, au début du mois, que la propension de Washington à agir militairement partout où il le jugeait bon faisait des États-Unis une nation « exceptionnelle ».

« Je crois que l’Amérique est exceptionnelle, » a déclaré Obama mardi. « En partie parce que nous avons démontré notre volonté, par le sacrifice du sang et celui de nos moyens, de défendre non seulement nos propres intérêts égoïstes, mais aussi l’intérêt de tous. »

Outre la prétention intéressée de Washington à dire que les interventions militaires sans fin – de la Somalie aux Balkans, en passant par Haïti, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Irak, le Yémen, l’Afrique centrale et d’autres rien qu’au cours de ces deux dernières décennies – seraient dans « l’intérêt de tous », cet usage de la notion d’exceptionnalisme américain trahit une ignorance de l’Histoire qui est, sans le vouloir, révélatrice.

Historiquement, cette affirmation de « l’exceptionnalisme » a été développée par les historiens et sociologues bourgeois pour expliquer pourquoi les États-Unis, contrairement aux nations de la « vieille Europe », n’avaient pas connu l’apparition d’un mouvement socialiste de masse dans la classe ouvrière. Cela était attribué en grande partie à l’absence de passé féodal et d’aristocratie accrochée à ses privilèges, aux ressources naturelles abondantes et à une tradition politique qui prônaient des vertus égalitaires. Tout cela aurait contribué à l’absence des fortes inégalités sociales et de la polarisation en classes qui existaient ailleurs.

Maintenant, « l’exceptionnalisme » américain est invoqué non pour glorifier la richesse et les institutions démocratiques américaines, mais pour justifier le militarisme américain – le moyen par lequel l’impérialisme américain cherche, de plus en plus, à compenser son déclin économique par rapport aux autres puissances. Cela témoigne de la profondeur de sa crise politique, et des implications révolutionnaires des changements d’ensemble survenus dans les relations sociales au cours des trente cinq dernières années et qui ont transformés les États-Unis en l’une des nations socialement les plus inégalitaires de la planète.

Ni les médias ni personne dans son public de l’ONU n’a fait attention au tout début des remarques d’Obama où il a proclamé le succès des « tentatives de reprise » après l’effondrement financier de 2008. « Aujourd’hui, des emplois sont créés, les systèmes financiers sont stabilisés et les gens sont une fois de plus tirés de la pauvreté, » a-t-il déclaré.

En fait, la « reprise » actuelle est un succès qui ne concerne en grande partie que le un pour cent le plus riche de la population. D’après un rapport récent, celui-ci a bénéficié de 95 pour cent de toutes les augmentations de revenus entre 2009 et 2012. En même temps, le dernier recensement montre que le revenu moyen des ménages est tombé à son plus bas niveau en un quart de siècle. Pas moins d’un tiers de la population américaine est tombé dans la pauvreté à un moment ou un autre de la même période.

Bill Van Auken

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