La procureure de la Cour, Fatou Bensouda [lire communiqué plus bas], a expliqué ne pas avoir assez de preuves « pour prouver, au-delà de tout doute raisonnable
La Cour pénale internationale (CPI) a décidé vendredi d’abandonner ses poursuites contre le président kényan, Uhuru Kenyatta. C’est à coup sûr une décision qui fera date dans l’histoire de la justice internationale. La CPI a décidé vendredi 5 décembre d’abandonner ses poursuites contre le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, accusé de crimes contre l’humanité. La procureure de la Cour, Fatou Bensouda [lire communiqué plus bas], a expliqué ne pas avoir assez de preuves « pour prouver, au-delà de tout doute raisonnable, la responsabilité criminelle présumée de M. Kenyatta« . Mercredi, les juges de la CPI avait « ordonné à l’accusation de déposer, dans une semaine au plus tard, un avis indiquant soit le retrait des charges (…), soit que le niveau d’éléments de preuves s’est amélioré à un degré qui justifierait la tenue d’un procès » (…)
Jeune-Afrique Avec AFP
Communiqé de la CPI
Déclaration : 05/12/2014
Déclaration du Procureur de la Cour pénale internationale, Madame Fatou Bensouda, à propos du degré de coopération fournie par le Gouvernement kényan dans le cadre des enquêtes menées par l’Accusation dans l’affaire Kenyatta
Le 3 décembre 2014, les juges de la Chambre de première instance V (B) de la Cour pénale internationale (CPI) ont conclu que les autorités kényanes n’avaient pas suffisamment coopéré dans le cadre des enquêtes menées par mon Bureau s’agissant de l’affaire portée contre M. Kenyatta et que ce défaut de coopération avait nui à leur recherche de la vérité en l’espèce. La Chambre a indiqué : « la Chambre conclut que, à maintes reprises, les autorités kényanes […] n’ont pas coopéré de bonne foi » et « que ce manquement peut être qualifié de non coopération » telle qu’elle est définie dans le Statut de Rome.
Dans sa décision [lire ici], la Chambre a par conséquent conclu que le défaut de coopération des autorités kényanes a non seulement empêché l’Accusation de mener une enquête approfondie à propos des accusations en question, mais a également fini par compromettre la capacité de la Chambre à s’acquitter de ses fonctions conformément à l’article 64, et notamment, à rechercher la vérité conformément à l’article 69-3 du Statut ». Il s’agit là d’un constat particulièrement important.
Les juges se sont ainsi prononcés sur le degré de coopération fournie par les autorités kényanes dans le cadre de l’affaire Kenyatta. Contrairement à ce qu’a annoncé publiquement le Gouvernement kényan, à savoir qu’il s’était acquitté pleinement de ses obligations juridiques en l’espèce, la décision rendue par la Chambre a confirmé que celui-ci avait manqué à ses obligations découlant du Statut de Rome en ne coopérant pas dans le cadre de notre enquête.
Je n’ai eu de cesse de solliciter les autorités kényanes pour qu’elles coopèrent avec mon Bureau en l’espèce afin que celui-ci puisse remplir sa mission. Des documents primordiaux quant aux violences postélectorales de 2007 et de 2008, notamment en ce qui concerne le comportement de l’accusé, ne se trouvent qu’au Kenya. L’Accusation ne peut les consulter qu’avec l’assistance des autorités kényanes. En fin de compte, cette assistance indispensable n’a pas été fournie, ce qui a été confirmé par la Chambre de première instance dans sa décision.
En plus de ce défaut de coopération de la part du Gouvernement kényan, mon Bureau a été confronté à une série d’obstacles majeurs qui l’ont empêché d’enquêter de manière approfondie sur les violences postélectorales survenues en 2007 et 2008, et qui ont eu raison des enquêtes en l’espèce. Le Bureau a notamment été confronté aux difficultés suivantes :
· Un flux constant d’informations dénuées de tout fondement a été véhiculé dans les médias à propos des affaires relatives au Kenya ;
· Une campagne sans précédent a été menée dans les médias sociaux en vue de dévoiler l’identité de témoins protégés dans le cadre des affaires relatives au Kenya ;
· De vastes initiatives concertées ont été prises en vue de harceler, d’intimider et de menacer des individus qui souhaitaient témoigner.
Il va sans dire que la non-transmission de certains documents importants par les autorités kényanes a eu des répercussions fâcheuses sur cette affaire. Ce comportement a, en premier lieu, privé les victimes de leur droit à connaître toute la vérité sur les événements survenus en 2007 et en 2008. Il a, en second lieu, entravé ma capacité à mener une enquête à son terme. Et il a, en dernier lieu, empêché les juges d’exercer leurs fonctions essentielles consistant à évaluer les éléments de preuve et à établir la vérité.
Enfin, les obstacles que nous avons rencontrés en tentant d’obtenir la coopération nécessaire pour mener notre enquête ont globalement retardé et entravé, dans une large mesure, le cours de la justice pour les victimes dans le cadre de cette affaire.
Source: Bureau du Procureur