Naboudja Bouraima sur la liste rouge des tontons-macoutes togolais. Nous n´avons pas le droit de laisser faire [ Par Samari Tchadjobo]

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« …La pire des attitudes est l´indifférence, dire «je n´y peux rien, je me débrouille». En vous comportant ainsi , vous perdez une des composantes essentielles qui font l´humain. Une des composantes indispensables: la faculté d´indignation et l´engagement qui en est la conséquence
(Stéphane Hessel dans: »Indignez-vous »)

Les togolais vivent depuis un demi-siècle une situation d´exception dans leur pays. Depuis l´assassinat brutal du premier président démocratiquement élu, Sylvanius Olympio le 13 janvier 1963, et comme pour faire payer aux togolais les pots qu´ils n´ont pas cassés, le sort n´a fait que s´acharner sur ce petit rectangle de territoire. Depuis, le crime n´a pas quitté la terre de nos aieux.

Face à une telle situation de blocage, de terreur et d´injustices de toutes sortes, en dehors des opposants traditionnels, de jeunes hommes et jeunes femmes se sont inspirés de cette citation de Stéphane Hessel pour s´engager dans le combat pour la libération de leur pays du joug d´une minorité de pilleurs.

Parmi ces personnes il y a un jeune père de famille qui se fait entendre surtout depuis août 2017 par ses prises de position courageuses dans les réseaux sociaux. À travers déclarations et présence sur les lieux des manifestations il ne cache plus son aversion pour le régime cinquantenaire des Gnassingbé, et a désormais trouvé sa place auprès de ses frères et soeurs d´infortune pour l´ultime combat.

Par ses prises de position claires contre la dictature et pour l´état de droit, Naboudja Bouraima, puisque c´est de lui qu´il s´agit, ne plaît pas forcément à ceux qui ne veulent pas entendre parler d´alternance et considèrent le Togo comme leur propriété privée.

Depuis quelques semaines de lugubres personnes trouvent le malin plaisir de proférer des menaces de mort sur la personne de Naboudja Bouraima. À travers des messages vocaux émanant de correspondants inconnus ou des appels anonymes à ses parents, la menace est la même: faire peur au natif de Bassar pour qu´il laisse tout tomber, à savoir: laisser le RPT/UNIR continuer à voler, à piller, à tuer, bref à se comporter comme en territoire conquis. Au cas où le jeune père de famille ne prenait pas peur pour céder aux menaces, on lui promet de lui faire la peau.
Mais c´est mal connaître Naboudja Bouraima qui n´est pas à ses premières tracasseries à cause de ses opinions politiques, et qui dit bien connaître ses droits et devoirs en tant que citoyen togolais.
Qui est Naboudja Bouraima?

Nanti de son diplôme universitaire en philosophie, Naboudja Bouraima aurait pu se débrouiller autrement ou choisir l´aventure comme beaucoup de ses compatriotes. Mais bien que le salaire du travailleur togolais ne nourrisse pas forcément son homme, notre compatriote choisit la craie pour transmettre ses connaissances aux jeunes générations.

Naboudja Bouraima est un homme engagé qui ne sait pas et ne peut pas rester indifférent aux souffrances endurées par ses compatriotes depuis des décennies par le fait d´une dictature cinquantenaire impitoyable. Il n´a pas sa langue dans sa poche et dit tout haut ce qu´il pense quand il s´agit de dénoncer les injustices. Un tel comportement courageux n´est pas sans danger dans un Togo où dénonciations, arrestations arbitraires, violations massives des droits du citoyen sont presque quotidiennes.
Le calvaire subi par notre compatriote depuis au moins 2013 ressemble plutôt à un parcours de combattant.

„Qui veut noyer son chat….“tout le monde connaît la suite.

En Janvier 2013 les irréductibles du parti de malheurs RPT/UNIR, dans leur tentative de trouver un moyen qui leur permettrait de régner à vie sur le Togo, décident d´inventer une affaire qu´on amputerait aux responsables de l´opposition démocratique afin de pouvoir les éliminer de la circulation pour de bon.

Il faut être égoïste, avoir un coeur plus noir que le charbon, avoir un très grand mépris pour l´être humain pour pouvoir planifier et exécuter ce que les jusqu´au-boutistes du régime Gnassingbé ont fait. Même la Stasi en Allemagne de l´Est n´avait pas fait pire. Le dernier idiot du village sait que les incendies des marchés de Kara et Lomé sont à mettre sur le compte de certains membres du groupe mafieux autour de Faure Gnassingbé. Mais comme le plan était d´une part, d´appauvrir les commerçantes surtout de Lomé, supposées financer l´opposition, et d´autre part, de décapiter une opposition qui dérange, on arrête des membres de l´ANC accusés d´avoir détruit par le feu les deux marchés. Face à une justice aux odres le régime de terreur n´aura aucune difficulté pour exécuter son plan.

Dans la foulée, Naboudja Bouraima, professeur de philosophie au Centre Régional d ‘ Enseignement Technique et de Formation Professionnelle à Kara, est arrêté en compagnie de deux de ses amis, Napo Tchin et Napo Tchein, respectueusement Professeur d´Université et étudiant en fin de cycle. Injustement accusés de complicité dans la destruction de biens publics et privés, les malheureux passeront plusieurs mois de calvaire à la prison civile de Kara. 21 mois de salaire seront refusés à Naboudja bien que lui et ses amis d´infortune aient bénéficié d´une ordonnance définitive de non lieu. Pendant le séjour forcé et injustifié de Naboudja Bouraima en prison, sa petite famille avait dû vivre d´expédients et les enfants, faute de moyens, durent quitter l´école pour se refugier au village.

Les ennuis de Naboudja Bouraima n´ont pas commencé avec l´affaire des incendies des marchés. Déjà en août 2012, les trois amis furent passés à tabac par des jeunes se réclamant de l´UNIR, et la plainte déposée à la gendarmerie de Kara n´aura pas de suite, car apparemment, les criminels seraient sponsorisés et envoyés par le Préfet de la Kozah Bakali. Car ce dernier n´hésitera pas à déclarer peu de temps après que Naboudja Bouraima et ses amis devraient retourner chez eux à Bassar s´ils veulent faire de la politique.

Libéré le 18 avril 2014, Naboudja Bouraima sera affecté à partir de 2016 au lycée technique de Mango, histoire de l´éloigner de Kara et le faire taire.

Mais cette affectation aux allures louches sur Mango n´entamera en rien le moral du combattant Naboudja Bouraima. On le retrouvera dans les réunions hebdomadaires du PNP à Kara aux côtés de l´intraîtable Ricardo Agouzou. Et ces dernières semaines le guerrier bassar semble avoir élu domicile à Lomé comme pour mieux se faire entendre. En dehors des messages audio appelant à la fin de la dictature et à l´avènement d´une nouvelle ère de liberté pour le Togo, notre courageux compatriote était présent aux dernières marches de l´opposition dans la capitale; comme ça il pourra dire demain à ses enfants ou petits enfants, j´étais aussi là quand le Togo se libérait.
Voilà brièvement décrit le portrait de celui qui a pris sur lui de s´engager auprès du peuple malgré le danger, malgré la terreur. Un exemple pour ceux qui ne pensent qu´à eux-mêmes, pour qui la situation dramatique que vivent les Togolais est une fatalité à laquelle ils disent ne rien pouvoir. Cette façon de raisonner pour justifier l´inaction est le propre des sans-coeur à qui la souffrance des autres ne dit rien.

Aujourd´hui Naboudja Bouraima, à cause de son engagement, ne se sent pas en sécurité, est menacé de mort. À travers les menaces qui pèsent aujourd´hui sur lui ce sont tous les combattants togolais engagés pour la libération de notre pays qui doivent se sentir concernés.
Comme Tikpi Atchadam, Farida Nabouréma, Fousséna Djagba, Assiba Johnson… pour ne citer que ceux-là, et beaucoup dans la diaspora, les régimes de dictature ont peur des esprits éclairés et critiques. C´est pourquoi nous avons le devoir de veiller à ce que rien de mauvais leur arrive.

Naboudja Bouraima a droit à notre protection. C´est notre devoir! C´est son droit! Et dans un pays qui appartient à tout le monde, personne n´a le droit de menacer personne.

Samari Tchadjobo
Allemagne

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