Merci Jean Pierre Fabre !

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Depuis 1990, les Togolais d’Afrique ont commencé à se confectionner la mode occidentale de la démocratie. Un quart de siècle plus tard, ils n’ont jamais réussi à la ficeler, pour l’essayer ensuite, avant de penser enfin à procéder aux dernières retouches. À l’heure du bilan pour comprendre le pourquoi ce surplace, la logique politique recommande au peuple togolais de remercier sincèrement Jean-Pierre Fabre et tous ses camarades leaders politiques de la génération 90 et de les accompagner tranquillement vers une retraite politique bien méritée. En place, le peuple togolais d’Afrique gagnera sa libération en positionnant une nouvelle génération de leaders sains, désintéressés et décomplexés.

Une génération de leaders qui avait tout pour gagner

La génération de leaders politiques de 90, en était une dorée qui avait tout pour gagner.
Sortie de grandes écoles, génie dans leur domaine et portée par tout un peuple en ébullition, cette génération, à l’heure de la seconde phase de la libération de l’Afrique, a mystifié toute l’Afrique entière par son intelligence, son élégance, son savoir-faire et son travail méthodique.
Elle a su rapidement tisser le pont entre ses membres actifs sur le terrain et ceux venus d’Europe et des Etats Unis, pour faire un travail d’ensemble et forcer le régime en place à organiser la Conférence nationale souveraine.

La dictature est mourante. Il faut tout simplement lui couper la tête et l’enterrer.
Témoignage de cet événement apparemment irréversible, la lecture de l’acte final de la Conférence nationale souveraine par le jeune Jean- Pierre Fabre qui résonne encore dans nos têtes, tel un gong qui sonne la condamnation finale de la dictature et la libération d’un jour nouveau pour le peuple togolais d’Afrique.

Hélas ! Ce renouveau n’arrivera jamais. En place, c’est plutôt pour le vaillant peuple togolais, une marche crépusculaire de « 100 ans en arrière » comme l’annonçait à juste titre le devin des lieux.
Pourquoi ? Parce qu’à l’instant précis où le peuple togolais entrevoit la lumière du jour, la machine à gagner commence à s’enrailler.

Le travail d’ensemble fait place à la guerre de position. Des camps se forment contre d’autres camps et les décisions qui doivent être prises sur le champ afin de terminer le travail, sont stratégiquement renvoyées aux calendes grecques, le temps interminable pour les différentes équipes d’arriver au pôle-position.

Deux points convergents de départ lanceront ce rallie dont le tracé va malheureusement traverser toute la lutte de l’opposition togolaise et désabuser le peuple togolais dans sa détermination et son courage de changement.

Il s’agit d’une part, de la question liée à la destitution immédiate ou non du Feu Roi Gnassingbé Eyadema (paix à son âme) et d’autre part, de la nomination du premier ministre du gouvernement de transition.

Pour la nomination du premier ministre, deux factions s’opposent : d’un côté le camp du juriste Joseph Kokou Koffigoh et de l’autre, celui du physicien Léopold Gnininvi.
Même si un semblant de consensus a finalement pris le dessus et donné la chance à Koffigoh de conduire le gouvernement de transition, les flèches lancées par l’un et l’autre partis laisseront des traces qui ne seront jamais perdues. Au contraire, les cicatrices s’ouvriront et pourriront l’entente de l’opposition.

Concernant la destitution immédiate ou non du Vieux, de la même manière que le scénario sur la nomination du premier ministre, un groupe des conférenciers penche pour la destitution immédiate du président d’alors, quand l’autre groupe le voit à la tête d’un gouvernement de transition.
Le second choix est privilégié mais créera des rancœurs insoupçonnées.
La suite des événements va alors ouvrir une grande plaie et cristalliser les ressentiments, situation qui va déboucher sur des actions directes d’élimination de l’autre.

Il faut dire que la gestion de la question sur l’âge minimal requis pour se porter candidat à l’élection présidentielle va être le détonateur de la guerre d’élimination directe entre opposants.
Koffigoh est à l’époque devenu le plus populaire des opposants. Adulé par tout un peuple, il suffit d’une élection propre pour qu’il devienne président de la République Togolaise.
Malheureusement, son âge ne lui permet pas de se présenter au vu de la limite en question.
Alors que ses « amis » de l’opposition devraient privilégier sa position de force et faire en sorte qu’il représente toute l’opposition à l’heure de l’élection présidentielle, ils ont préféré laisser faire, chacun souhaitant secrètement se porter candidat ou positionner le candidat de son choix.
Cette situation créera un autre conflit, celui de la candidature unique de l’opposition, qui restera malheureusement comme une arête au travers de la gorge de l’opposition avec tout le cataclysme qu’il continuera d’engendrer au jour d’aujourd’hui.

Joseph Kokou Koffigoh portant encore les stigmates des coups-bas liés à sa nomination et se sentant encore visé une nouvelle fois par ses frères de l’opposition, prendra malheureusement un virage qui conduira à un grave accident politique pour tout le peuple togolais.
Avec ce virage, le RPT a pris toute la mesure de la psychologie des leaders de l’opposition et trouvé la bonne formule qui permettra à son mentor de revenir plus fort, plus grand, plus dangereux.

Celui-ci, pour non seulement dire au peuple qu’il maîtrise à nouveau ses adversaires politiques et les tient définitivement dans sa main, mais aussi l’avertir de la vraie nature des leaders de l’opposition, lance cette célèbre phrase : « On se connaît. On sait qui est qui au Togo. »
Le Baobab, connaît bien évidemment le jeu sordide dans lequel se désaltèrent certains leaders de l’opposition. Ce divertimento politique consiste à marchander des positions auprès du Timonier National contre traitrise de ses propres camarades de lutte.
Le Vieux utilisera à bon escient « la stratégie de Judas » pour asseoir son régime et ridiculiser proprement l’opposition. Il laissera d’ailleurs cette manœuvre comme arme terrible à sa progéniture politique.

Un seul exemple de l’utilisation de ce fusil d’épaule :

Au lendemain des seules élections législatives transparentes que le Togo ait jamais connues, Feu Président a utilisé Edem Kodjo comme pion déstabilisateur de l’opposition. Alors que seule la nomination du leader du CAR au poste du Premier ministre remplissait les règles d’antan, Edem Kodjo, sous la traitre bannière de « parti charnière », va se rallier au RPT et occuper le poste en question.

Les Togolais se souviennent de la suite des événements : politique de chaise vide logique du CAR (la critique de cette position du CAR n’est qu’une affabulation politique. Le CAR, en occupant effectivement ses sièges n’aurait puis rien fait d’efficace pour le peuple Togolais. Les membres de l’UTD se rallieraient à ceux du RPT quand il s’agira de prendre des décisions stratégiques. Seule une politique de chaise vide, si elle avait eu le soutien de toute l’opposition, engendrait une crise politique et forcerait le RPT à un dialogue. Pour faire un parallèle, on a vu les députés du CST siéger à l’AG mais ne rien apporter de consistant politiquement.)

Cette parenthèse fermée et malgré la traitrise du leader de l’UTD, s’il faut évaluer son action politique comme PM, l’honnêteté politique nous recommande de dire qu’il a été, de notre point de vue, le meilleur à ce poste.

À propos de sa traitrise et dans le souci de remettre les choses à plat et sauver ainsi le Togo, Monsieur Kodjo demandera le « grand pardon » et le recommandera à toute la classe politique togolaise de lui emboîter le pas. Ce sera peine perdue.
Léopold Gnininvi soupçonnait très tôt ce missile politique que l’opposition préparait à se lancer contre elle-même. Pour remettre la minuterie à plat avant qu’il ne soit trop tard, il réclamera « démocratie d’abord, multipartisme ensuite. »
Cette réclamation qui est encore d’actualité, tombe malheureusement dans les oreilles de sourd.
Un à un finalement, les leaders de l’opposition se sont éliminés.
Au final, ils n’ont rien gagné.

Une génération de leaders qui a appris à tout perdre

L’issue de l’élection d’avril 2015 démontre encore à suffisance que les leaders de la génération 90 ne savent que perdre, malgré l’infaillible soutien d’un peuple vaillant, courageux et déterminé.
La faute de cet apprentissage de la perte est naturellement à trouver dans la guerre de positionnement et la formule de Judas énoncées plus tôt.
L’opposition togolaise avec cette même génération de leaders, a participé à 05 élections présidentielles en tout et en détail celle de 1998, 2003, 2005, 2010, 2015 ; elle en a boycotté une, celle de 1993.
L’entrée et la sortie des élections présidentielles auxquelles l’opposition à pris part sont restées les mêmes : question de réformes politiques, nomination d’une CENI impartiale, fraude, question de la candidature unique, division de l’opposition, victoire contestée, impréparation de la masse populaire pourtant déterminée et courageuse à la mobilisation, accalmie et le cycle recommence.
25 ans d’apprentissage de la perte pour la génération dorée de 90 et la dernière perte, la plus retentissante est celle de l’élection d’avril 2015.
Alors que la question des réformes institutionnelles et constitutionnelles (du moins pour ce qui est la logique démocratique, contraire de la logique dictatoriale) reste capitale pour être éclaircie, l’opposition a carrément oublié son traitement et a préféré convier la masse et ce, depuis presque 04 années, à la plage publique du Golfe de Guinée.

Ce cinéma politique ne s’est pas fait sans un baroud d’honneur de l’élimination de l’autre. Cette fois-ci, la victime n’est autre que le propre mentor de celui-là même qui deviendra son bourreau et qui va finir par perdre lamentablement.

En effet, ceux-là même qui ont mis l’UFC en lambeaux et ainsi ajouté une autre équation à la lutte togolaise, se sont fait laminer à une élection qu’ils ont pourtant juré de boycotter, si jamais les réformes ne sont pas faites.

Dans leur changement de cap pour prendre finalement part à l’élection, ils ont jugé le fichier électoral problématique mais consensuel.

Ils ont jugé la composition de la CENI problématique mais équitable.
Ils ont jugé des fraudes en préparation mais contournables.

On a pensé alors que les participationnistes ont trouvé la parade au bis repetita des élections passées surtout que lors d’un interview JPF, très confiant, disait en substance que la persévérance paye.
CAP 2015 a enfin réussi à reléguer les boycotteurs au dernier rang, la victoire du peuple s’annonçant très belle.
Roublardise politique ! Les résultats ont été proclamés et on connaît « le vainqueur. »
Deux vainqueurs plutôt, malheureusement l’un d’eux, JPF n’a pas encore répondu à la question que nous lui avons déjà posée et que nous mettons à jour : comment compte-t-il prouver sa victoire et surtout l’arracher et gouverner réellement le Togo ?
À l’allure où vont les choses, une réponse satisfaisante à cette interrogation ne viendra jamais. À l’opposé, le Togo continuera toujours d’arpenter une voie dangereuse avec une opposition complètement à terre.

S’il y a une vérité des urnes à retenir de l’élection actuelle, c’est que les participationnistes ont légitimé le pouvoir de Faure Gnassingbé avec l’accompagnement d’un processus électoral à vue d’œil crédible et l’incapacité de CAP 2015 à avancer des chiffres crédibles pour contrer des chiffres improbables.

Dans ce cas, seul le boycott était la voie à suivre pour forcer le pouvoir à un gouvernement transitionnel devant opérer les réformes en souffrance.

Cela était encore possible, si tous les leaders d’opposition avaient été sur la même longueur d’onde ; le vaillant peuple togolais déterminé les aurait accompagnés vers le succès.
Malheureusement, c’est un échec en tout et seuls, les « jusqu’au – boutistes malhonnêtes » pourraient trouver dans cet échec cuisant des participationnistes, mais aussi de toute l’opposition, un quelconque grain de réussite.

Encore une fois, la Génération 90 a échoué et doit tirer toutes les leçons de ce naufrage.
Une nouvelle génération de porte-flambeau

La Génération 90 a essayé, essayé et essayé encore. Malheureusement, elle a échoué.
Elle avait tout pour gagner mais elle a fini par perdre.

Si « on ne change pas une équipe qui gagne » de la même façon, on ne garde pas une équipe qui perd.

Le peuple togolais ne peut plus garder une génération de perdants, sa libération en dépend.
Il est temps pour ce peuple de remercier sincèrement une génération d’héros de la lutte togolaise et les accompagner vers une retraite politique bien méritée.
La lutte politique est une lutte terrible. Elle épuise le corps et l’esprit et nécessite par conséquent un renouvellement.

Dans ce cas, l’on ne perd rien à apprendre de ses adversaires politiques, même les plus détestés.
Apprenons donc d’UNIR qui a su renouveler sa classe politique et portons au flambeau, une nouvelle génération de jeunes politiciens.

Suivons les sages conseils du Premier Ministre et Président de l’Assemblée générale Agbeyome Kodjo qui dit : « J’en appelle aux jeunes togolais qui s’intéressent à la politique de s’investir parce que la classe politique a besoin d’être profondément renouvelée. »
Cette nouvelle génération de leaders doit fondamentalement avoir trois choses : la sainteté, le désintérêt et le décomplexe.

Le sainteté, parce qu’il ne sera plus question d’une génération corrompue et corruptible, adepte des vociférations, du suivisme politique du parti le plus populaire, d’un esprit suffisant de manitou, de la “connaissance-tout” et de la suffisance légère. Il s’agira au contraire d’une génération blanchie de tous ces défauts, moins émotive et qui sait analyser froidement la donne politique.
Le désintérêt, parce qu’il ne s’agira plus d’aller à la chose publique pour amasser pour soi, une part, la plus grande possible. Il sera question au contraire d’une génération qui s’engage pour la libération du peuple togolais et prête à mourir pauvre et sans honneur.

Le décomplexe, parce qu’il ne s’agira plus d’une génération qui suit systématiquement les règles démocratiques préétablies ; il s’agira plutôt d’une génération qui n’a pas froid aux yeux et surtout capables d’établir d’autres règles qui répondent uniquement aux exigences du bonheur de son peuple.

Se Togoata Asafo
 

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