Lynx.info : Dans l’opposition togolaise, on voit votre main derrière la loi sur les Libertés publiques dite « Loi Bodjona ». C’est bien cela ?
Me Jean Yaovi Dégli : D’abord, je ne sais pas quelle opposition vous a dit ce que vous avancez. Puisque je n’ai jamais entendu cela dans aucune des branches de cette opposition, même celles qui croient qu’injurier Jean DEGLI est la meilleure façon pour elle de mener sa lutte.
Ensuite, je voudrais préciser qu’il faut savoir raison garder et employer les termes à bon escient en leur donnant le sens exact qu’ils ont. Dans la langue française, voir la main de quelqu’un derrière un acte signifie que c’est cette personne qui est l’auteur de cet acte ou qui manipule ceux qui initient cet acte. Je ne crois pas que c’est moi qui ai demandé au Gouvernement de prendre un projet de loi qui a été adopté en Conseil des ministres le 2 Mars 2011. Il ne me souvient pas avoir demandé au gouvernement togolais ou à Monsieur BODJONA dont vous donnez le nom à ladite loi, d’aller préparer une loi sur les manifestations et les réunions publiques. C’est seulement dans le cas où une personne aura été l’initiatrice indirecte de cette loi que l’on peut dire en français qu’on voit sa main derrière quelque chose. J’ai donc de très grandes difficultés à comprendre le sens du terme « on voit votre main derrière.. ».
Ce que j’ai fait, avec d’autres personnes est de participer à rendre ce projet plus démocratique et plus respectueux de la liberté de réunion et d’association. Je rappelle que plus de 80 personnes ont participé aux deux commissions qui ont toiletté le projet de loi. L’une des commissions a été présidée par ma modeste personne aux côtés du Président de la Commission Nationale des Droits de l’Homme tandis que l’autre commission a été présidée par Maître Ata Messan Zeus AJAVON (avocat de l’ANC et de Jean Pierre FABRE) aux côtés de l’ancien premier ministre Joseph Kokou KOFFIGOH. Ces commissions qui ont travaillé le 25 Mars 2011 pour modifier le texte du gouvernement considéré comme liberticide et proposer une nouvelle rédaction ont mis en place un Comité de rédaction de dix personnes comprenant le président de la CNDH, le président de la Ligue Togolaise des Droits de l’Homme (LTDH), Maître Zeus AJAVON, l’ancien premier ministre KOFFIGOH et les professeurs d’université KOKODOKO, KPODAR, NAHM et TRIMOUA. J’ai eu à présider ce Comité. Je ne vois donc pas comment on peut parler de voir ma main derrière un quelconque texte comme si j’en étais l’auteur ou l’initiateur. Je ne vois pas non plus comment cela peut être soutenu puisque ce travail a été fait par plusieurs personnes (plus de 80 personnes) dont je n’ai été qu’un simple élément. Si on devait voir des mains dans ce texte, en tous cas dans le nouveau projet qui a été élaboré), il faudrait alors voir les mains des 80 membres des deux commissions, c’est-à-dire 160 mains et pas les seules mains de Jean Yaovi DEGLI.
Je m’inscris donc en faux contre l’affirmation contenue dans votre question. Je suis juste un Togolais concerné par l’intérêt de mon Peuple qui a contribué à faire d’un texte liberticide, une loi qui respecte les libertés de manifestation et de réunion.
Je profite donc pour expliquer ce qui existait et ce qui existe désormais dans le domaine des manifestations et réunions publiques.
La situation qui prévalait avant la nouvelle loi que nous avons contribué à améliorer était celle de l’arbitraire de la loi de 1881 et du décret-loi de 1935. Ces deux textes sont liberticides en ce qui concerne les réunions et les manifestations publiques et ont suscité beaucoup de remous et de protestations de la part de l’UFC hier et de l’ANC après, ce qui est tout à fait compréhensible.
En effet, le Décret-loi de 1935 portant réglementation de mesures relatives au renforcement du maintien de l’ordre est un texte liberticide qui refuse la liberté de manifestation. Ce texte dispose dans son article 1, alinéa 1 que « Les réunions sur la voie publique sont et demeurent interdites dans les conditions prévues par la loi du 30 juin 1881, article 6 ». Et l’article 6 de la loi de 1881 dispose par principe ce qui suit : « Les réunions ne peuvent être tenues sur la voie publique ; … ».
Dans le projet que nous avons rédigé, c’est le contraire qui est fait puisque la liberté de réunion et de manifestation a été clairement reconnue et proclamée conformément aux normes internationales que le Togo a ratifiée et à notre Constitution. L’article 2 de notre texte dit ceci : « Les réunions et les manifestations publiques sont libres, sous réserve du respect des dispositions de la présente loi ».
Par ailleurs, les manifestations en semaine étaient interdites sur la seule base d’un communiqué pris en 1994 par le ministre de l’intérieur Combévi AGBODJAN. Sur la base de ce communiqué sans aucune base juridique, l’administration interdisait les manifestations en semaine. Ceux qui ont le plus souffert de ce texte et qui se sont le plus plaints sont les gens de l’ANC, du FRAC et autres. Avec la nouvelle loi qui pose clairement les conditions et les règles à respecter par tous, le pouvoir ne peut plus normalement se livrer facilement à ce genre de jeu de l’arbitraire. Alors, toute personne logique devrait s’étonner que ceux à qui profitent le plus de la nouvelle situation soient les mêmes qui crient au loup en critiquant Jean DEGLI d’avoir aidé à mettre fin à l’arbitraire qui les frappait.
J’attends toujours que l’on m’explique comment on peut demander une chose et son contraire tout en ayant bonne conscience, même si on est en politique. Dans des pays où l’on se respecte, la seule chose que l’on peut voir dans ces manœuvres est de la démagogie et de la malhonnêteté intellectuelle. Au Togo, c’est ce comportement absurde qui rend populaire parce qu’on se présente ainsi comme un radical, mais ce n’est là qu’un radicalisme de façade bien sûr.
Lors d’une conférence de presse le mardi 17 Mai dernier, le Professeur AJAVON Zeus a lancé un défi á tous ceux qui critiquent la loi parce que la tête de Jean DEGLI ne leur plait pas de lui trouver un meilleur texte dans le monde, pas seulement en Afrique. Je voudrais lancer le même défi á tous ceux qui critiquent le travail que nous avons fait dont je sais qu’il n’est pas parfait mais dont je suis également sur qu’il n’est pas mauvais.
Lynx.info : Pour sa première sortie, le Front-Sage n’a pas connu de ralliements des Togolais. Qu’est ce qui s’est passé ?
Il faut mettre les points sur les i. D’abord, le FRONT-SAGE, comme nous l’avons affirmé plusieurs fois avant même la marche du 16 Avril ne fait et ne veut pas faire dans le nombre ou dans la quantité. Il est plus préoccupé par la qualité et la conviction. Nous voulons des gens qui aient de la conviction pas des gens qui viennent juste grossir nos rangs pour nous faire croire que nous sommes suivis. Avec la conviction, nous arriverons à aboutir dans nos revendications et nous pourrons grossir les rangs au fur et à mesure. Avec la conviction, nous pourrons faire sauvegarder les droits de nos concitoyens.
Ensuite, il faut noter que le FRONT-SAGE a été créé juste un mois avant la date de sa marche. En effet, le FRONT-SAGE est né le 16 Mars 2011 et a décidé de marcher le 16 Avril pour se rappeler des martyrs de la démocratie, notamment les massacrés de la lagune de Bè dont personne au Togo ne s’est rappelé jusque-là (il est à noter que pour contrer le FRONT SAGE, l’ANC et le Parti des Travailleurs ont décidé à cette occasion de commémorer eux aussi cet anniversaire tout juste pour empêcher que le FRONT-SAGE ait une certaine notoriété sur ce sujet). Une organisation qui a été créée depuis seulement un mois et qui n’est pas un parti politique ne peut pas prétendre sortir toute la ville de Lomé pour sa première manifestation. Nous avons eu un stade de handball avec une tribune de 2000 places.
Cette tribune était remplie lors de notre meeting de clôture de la marche alors que certaines personnes avaient quitté la marche en chemin pour raison de fatigue. Nous pensons au FRONT-SAGE que nous devons nous féliciter de ce résultat. Aucun parti politique ou organisation n’aurait pu faire mieux. Ce résultat est d’autant plus honorable que l’ANC et ses alliés avaient engagé contre le FRONT-SAGE une véritable campagne de dénigrement, de mensonges, de manipulations en affirmant pêle-mêle qu’il s’agit d’un FRONT au service du RPT, d’un mouvement destiné à les tuer et à aider le RPT, que les responsables du FRONT-SAGE auraient reçu de l’argent du RPT, etc. Ils ont oublié que leur propre avocat AJAVON Zeus fait partie de ceux qui ont créé le FRONT-SAGE et qu’il a été le principal initiateur de cette marche qu’il a voulu que nous fassions depuis le 16 Mars 2011 en rappel du 20ème anniversaire de la marche du 16 Mars 1991. Bien évidemment, face à la campagne de dénigrement que le talibans habituels de l’ANC et de ses alliés ont déclenché et aux menaces qu’ils ont fait peser sur notre marche en disant que leurs militants vont attaquer les gens de de la marche du FRONT-SAGE, les populations ont pris peur et l’attitude était de l’attentisme plus qu’autre chose.
Un autre des fameux arguments utilisés par exemple par l’ANC/FRAC était ceci. Si les gens du FRONT-SAGE sont plus nombreux que nous, c’est qu’ils ont été rejoints par les gens du RPT. Dans ces conditions, c’est nous qui avons gagné parce que nous, nous n’avons pas été aidés par le RPT. S’ils ne sont pas plus nombreux que nous, c’est que le Peuple togolais ne les a pas suivis. Là aussi nous avons gagné parce que le peuple est avec nous. La stratégie est donc comme celle des électeurs d’un président africain aujourd’hui déchu. Nous gagnons ou nous gagnons et eux ils ont échoué quelle que soit l’issue des événements. C’est clair, la méthode dictatoriale et le fait de croire que l’on détient le monopole de la lutte du Peuple sont là, étalés devant tous. Malheureusement, la marche du FRONT-SAGE n’a peut-être pas été plus nombreuse que celle du FRAC qui a fait environ 2500 ou 3000 personnes (contrairement aux chiffres fallacieux annoncés dans la presse aux ordres qui a été écrite par les membres de l’ANC) mais elle a eu le mérite de n’avoir pas réuni des gens payés, intéressés matériellement, ou forcés ni ramenés en voiture pour venir rejoindre nos rangs. A ce propos, c’est l’ANC qui a eu à se servir de méthodes qu’elle semble avoir combattu de la part du RPT. La vérité est apparue au grand jour dès les lendemains du 16 avril, jour de la marche.
Dans une enquête qui a sorti ses résultats quelques jours plus tard dans le quotidien Forum Hebdo numéro 931 du 2 Mai 2011, des faits assez graves, surprenants et édifiants ont été révélés. Les Togolais ont été surpris de remarquer que l’ANC et le FRAC ont fait exactement ce qu’ils ont toujours reproché au RPT. Ils sont allés chercher des gens dans des villages pour venir remplir leur marche et leur lieu de meeting. Les éléments qui sont apparus sont les suivants. Lisez-les plutôt. L’ ANC est allé chercher des gens à Tsévié, Zangera, Djagblé, Adamavo, Agoué, Aného, etc et autres dans des bus dont les numéros de certains sont RT 2780 AG, RT 2792 AL, RT 7482 AL, 3853 AJ, 0823 AL. L’article était intitulé « De Jean Pierre SOLITOKI à Esso FABRE » ou quand l’ANC enfile le costume du RPT ». Cela veut tout dire.
D’aucuns affirment même que chacun de ces marcheurs spéciaux et d’occasion a reçu une somme de 2000 Francs CFA pour cette prestation, ce que je n’ai pas vérifié. Le FRONT-SAGE a appelé et a eu droit à des Togolais sortis spontanément le soutenir dans son initiative.
Pire, l’imitation du RPT et la copie de ses pratiques par l’ANC est allée plus loin. On a en effet entendu le président de l’ANC Jean Pierre FABRE affirmer sur les ondes que ‘ceux qui veulent nous défier ont vu eux-mêmes. S’ils sont vraiment démocrates, ils viendront nous suivre prochainement.’ Pour le président de l’ANC, le FRAC a gagné le samedi 16 avril parce qu’il aurait réuni plus de monde pour sa marche. Que dire alors du RPT ? Doit-on en conclure que puisque c’est le RPT qui a l’habitude de remplir les stades au Togo et d’avoir des marches gigantesques plus que tout autre parti, c’est lui qui gagne les élections ? Si Jean Pierre FABRE et son ANC pensent qu’ils sont plus nombreux lors d’une marche et que par conséquent ils ont une victoire, exactement comme le RPT essaye souvent de le faire croire, alors ils devront accepter que c’est le RPT qui gagne les élections contre eux à chaque occasion puisque c’est ce parti qui remplit plus les stades. On ne peut pas soutenir une chose et son contraire. Pour nous c’est clair. Les masques sont en train de tomber et on se rend compte jusqu’à quel degré les gens sont contre ou pour les pratiques du RPT. On voit jusqu’où les gens sont démocrates et on voit clairement que certains veulent remplacer le RPT mais pas ses pratiques qu’ils reprendront à leur compte parce qu’ils chérissent ces méthodes. Les Togolais ne peuvent jamais accepter que des gens prennent la place du RPT pour utiliser les mêmes méthodes que la dictature a employées pour les brimer.
L’ANC/FRAC nous a même accusé d’être des allies du RPT parce que nous avons eu notre marche couverte par la télévision nationale (qui est un outil au service de tous les Togolais) alors même que leurs propres marches de tous les samedis sont couvertes par les mêmes medias. Doit-on en conclure qu’ils roulent pour le RPT ? Voilà comment on manipule facilement un peuple non éduqué ou incapable d’analyses objectives.
Lynx.info : Dans l’opposition, on vous accuse de rouler pour le pouvoir. Que répondez-vous ?
D’abord de quelle opposition parlez-vous ? De l’ANC et du Parti des travailleurs ? Je pense que l’opposition fait plus que cela et que d’autres franges des Togolais ne pensent pas du tout de cette même façon. Parlez peut-être d’une certaine opposition ou d’une partie de l’opposition qui a un problème avec Jean Yaovi DEGLI. Ce disque qui tend à accuser quelqu’un qui n’est pas d’accord avec l’UFC et ensuite avec l’ANC d’avoir pris de l’argent ou de rouler pour le pouvoir est un disque aujourd’hui rayé. En tous cas, pour des gens comme moi, cela n’a pas de valeur. Le chien aboie la caravane passe. Pourquoi dès qu’on n’est pas d’accord avec les talibans de l’opposition togolaise, on doit avoir pris de l’argent auprès du RPT ou alors rouler pour le pouvoir ? N’est-il pas possible pour les autres Togolais qui ne sont pas du RPT ou de l’ANC de réfléchir autrement que ces deux partis politiques ? Pourquoi les Togolais doivent-ils être obligés de penser nécessairement comme l’ANC ?
L’ANC a-t-elle le monopole de lutte pour la libération du Togo ? On a vu ce qu’est devenu le chef de l’UFC pour qui cette politique de pensée unique avait été initiée. Si les gens qui critiquent l’opposition ou certaines de ses pratiques doivent nécessairement avoir été corrompus par le RPT alors les gens qui portent des critiques sur le RPT sont-ils corrompus par l’opposition ? Combien l’opposition me paye avant que je ne porte des critiques sur Faure GNASINGBE et le RPT ? Combien Jean Pierre FABRE m’a payé avant que je ne crée le Collectif pour la Vérité des Urnes (CVU) avec des amis avec des amis pour défendre la victoire du Peuple togolais et ses positions à lui ? J’ai toujours critiqué le RPT et sa dictature. Combien l’opposition m’a-t-elle payé pour cela ? Pourquoi est-ce que lorsque je porte des critiques sur les pratiques de l’opposition, je dois avoir au préalable pris de l’argent du RPT ou avoir été corrompu par elle ou alors rouler pour elle ? Le Togolais ne peut-il pas penser sans avoir été corrompu par X ou par Y ? Ne peut-il pas être indépendant et penser par lui-même ? Pourquoi doit-il nécessairement rouler pour le RPT dès lors que l’on ne pense pas comme l’ANC ? Malheureusement, un certain nombre d’aigris dont certains se drapent dans le manteau pompeux de journalistes sans savoir exactement ce que ce mot signifie ne peut faire aucune autre analyse que celle-là. C’est dommage pour les Togolais. Nous sommes sortis du « griotisme » pour la dictature et le parti unique pour entrer dans un ère de « griotisme » de l’opposition. Vous avez même des journalistes togolais comme Francis PEDRO qui prétend faussement avoir été un des leaders des mouvements étudiants de 1990 aller sur les ondes et parler au nom de l’ANC. On se demande ce que cela peut avoir avec du journalisme. On son journal est un organe du parti ANC comme un certain nombre d’autres journaux à Lomé ou il doit définir une autre ligne de conduite. Le métier de journaliste est un métier noble qui a des règles claires et une déontologie précises. Vous avez également ceux des prétendus journalistes qui vous encensent ou vous attaquent selon que vous leur donnez de l’argent ou pas.
Et on comprend bien que ceux-là ne peuvent pas imaginer qu’il y ait des gens qui peuvent être indépendants et faire des analyses simplement objectives sans avoir au préalable á être payés pour ce faire. Dans tous les cas, on n’achète pas et on ne peut pas acheter un Jean Yaovi DEGLI. Je n’ai pas de prix.
Revenant à votre interrogation initiale, qui de ceux qui se disent désormais les leaders emblématiques ou de DEGLI doit être plus apte à rouler pour le RPT ? Ma mère et aucun membre de ma famille n’a jamais été membre du RPT ou protégé du RPT. Ma mère ne peut pas donner des consignes à Faure GNASSINGBE pour qu’on ne touche pas à mes cheveux et le RPT va s’exécuter avec ses forces de l’ordre. Ma mère n’a pas fait fortune avec le RPT. Elle ne se promenait pas dans les avions avec EYADEMA pour aller faire des affaires juteuses de par le monde. Ma mère ni aucun membre de ma famille n’a jamais financé le RPT non plus. Je ne crois pas que la même chose vaut pour toutes ces personnes. S’il y a quelqu’un qui est dans les bras du RPT et que le RPT demande de ne pas toucher lors des manifestations où les enfants des autres sont brimés et tués, ce n’est pas Jean Yaovi DEGLI. Tournez vos regards vers là où se trouve le problème et non ailleurs. Ce n’est pas ma mère qui a décrété qu’EYADEMA est «Togo Père et Togo Mère » et qui a été ainsi surnommée par les Togolais. Naturellement, je ne peux donc rouler pour le RPT vers qui la nature des choses ne me porte guère.
Jugez nous sur nos actes et nos sur des préjugés. Je ne suis pas nourri au lait du RPT et je ne vis pas dans une maison construite par la fortune faite avec l’aide du RPT. Que l’on cesse de nous distraire au Togo.
Il est nécessaire que cela soit assez clair pour ceux qui publient des articles dans la Lettre du Continent pour ensuite s’en servir, le recopier pour publication dans la Presse à Lomé et dans les emails des Togolais pour pouvoir donner de la crédibilité à leurs saletés dont ils savent que les Togolais de l’intérieur ont assez. Ils se fatigueront inutilement car ce que nous faisons est dans l’intérêt des Togolais et tant qu’il en sera ainsi, nous n’abdiquerons devant aucune méthode de voyous ni aucune entrave. Nous ferons tout pour que l’intérêt des plus humbles et des plus démunis soit au moins sauvegardé et protégé quel que soit le gouvernement en place, fusse-t-il du RPT. C’est un minimum car on ne peut plus continuer d’attendre que l’opposition arrive éventuellement au pouvoir un jour avant de revendiquer le Bien-être de tous et de l’avoir. Il le faut aujourd’hui et maintenant et il faut également commencer à éduquer ce peuple qui est de plus en plus en retard dans une sous-région où le Togo, colonie modèle des Allemands, avait jadis été le premier.
Lynx.info : La transition que vous aviez toujours proposée est encore d’actualité au Togo ?
Je ne change pas mes positions du jour au lendemain. Je dis et j’affirme ici et encore que si le Togo peine à rentrer dans une véritable ère démocratique, c’est parce que nous avons raté notre transition. Par conséquent, au Togo, une transition est d’actualité si nous voulons rentrer dans un véritable Etat de droit. Cette transition vers un véritable Etat de droit est même indispensable. N’en déplaise à ceux qui veulent m’injurier. Quelle que soit la façon dont cela va se faire, il faudra nécessairement une transition pour sortir de la dictature du RPT ou de l’à-peu-près démocratique actuelle pour aller à une véritable démocratie. C’est ma position et c’est ma conviction.
Lynx.info : …. Et si Faure vous appelait à l’aider dans un gouvernement, vous êtes partant ?
D’abord, je rappelle modestement que j’ai été ministre á 28 ans et ne suis pas du tout presse de le redevenir. Dans ce domaine donc, comme dirait un anglophone, « I am not a newcomer or a greenhorn » qui essaye de gouter á quelque chose de nouveau. J’ai un minimum d’expérience et de connaissance de la chose.
Ensuite, je ne suis et ne serai partant pour rien du tout et avec personne tant que l’entrée au gouvernement dans nos pays sera conçue comme une récompense ou une invitation à aller prendre une part à un partage de gâteau. Je ne suis pas dans cette logique parce que gérer un pays ne signifie pas aller partager un gâteau ou prendre part à un festin. Malheureusement, dans beaucoup de pays en Afrique, telle est la conception de la gestion publique.
Pour Jean Yaovi DEGLI, entrer dans un gouvernement suppose accepter d’aller travailler pour son Peuple, aller servir les autres. Il s’agit d’une charge et non d’un titre qui confère des avantages et des privilèges. Il s’agit d’aller servir mon Peuple et non aller se servir du Peuple ou de ce qui lui appartient. Certes, qui travaille à l’hôtel vit de l’hôtel et donc nécessairement, toute charge comporte ses propres privilèges et avantages. Mais ce n’est pas la recherche de ces avantages qui doit prévaloir et déterminer celui qui est appelé á une charge publique. C’est la volonté de servir et de servir efficacement pour faire avancer son pays qui doit être mis en avant et déterminer une entrée dans un gouvernement ou la participation á la gestion des affaires publiques.
Ce préalable étant, on ne peut pas entrer dans un gouvernement dont on ne sait pas ce qui est le programme et où il va exactement. Sur ce point, le gouvernement HOUNGBO n’a pour moi aucune lisibilité quant à sa destination. Jean DEGLI ne peut travailler dans le cadre d’une mission publique, quelle qu’elle soit, que s’il a une feuille de route claire, des objectifs et destinations bien déterminés, des moyens bien clairs et bien définis pour les atteindre avec la garantie d’avoir les mains libres pour ce faire.
Par ailleurs, on n’est pas obligé d’être nécessairement dans un gouvernement avant de pouvoir aider son pays. On peut faire beaucoup pour son pays, mettre ses compétences au service de ses concitoyens et faire avancer les choses positivement même si on n’est pas ministre. C’est ce que j’ai dû essayer dernièrement avec l’amélioration de la loi sur les manifestations et les réunions publiques. On est même quelques fois plus efficace en dehors des rênes et sillages ou escarcelles du pouvoir que dedans. Pour quelqu’un qui aime profondément son métier d’avocat et de défenseur de droits humains, je me contente volontiers de ce genre de participation à la vie publique ou à la gestion de la chose publique et je serai fier si je pouvais avoir les possibilités de faciliter l’éducation de mon Peuple de même que son avancée en matière de respect de ses Dignité et droits et de l’accès équitable de tous mes compatriotes au partage de la richesse nationale. Il ne me semble pas pour le moment que le Gouvernement de Faure GNASSINGBE ou un autre gouvernement togolais ait une place pour ce genre de programme. Le jour où il en aura, je serai peut-être intéressé.
Enfin, avant de rentrer dans le gouvernement de quelqu’un, il faut au moins le rencontrer et discuter avec lui de ce qui est son plan et son objectif pour son pays de même que les moyens qu’il entend mettre en œuvre pour cela.
En clair, je voudrais vous dire que les sollicitations ne manqueront guère mais que Jean Yaovi DEGLI ne pense pas servir son pays dans un gouvernement qui ne réponde pas clairement aux critères et objectifs minima d’avancée vers une sortie de notre pays de l’obscurantisme et de l’ornière et son incrustation dans un véritable Etat de droit.
Lynx.info : Le long exil en France de Me Jean Yaovi Dégli n’a pas eu raison de vous au plan politique ?
L’exil ne peut jamais avoir raison de rien de moi. Je suis profondément Togolais et tous ceux qui m’ont jamais écouté sur une des radios au Togo vous le diront. Je disais à mes amis occidentaux durant mes longues années d’exil que l’on peut me sortir du Togo mais qu’on ne sortira jamais le Togo de moi. Malheureusement, les gens ont tout fait pour maintenir le Peuple dans l’ignorance. Mon exil m’a permis simplement et heureusement de voir et de mesurer à sa juste valeur le gouffre qui sépare aujourd’hui mon Peuple de ce qu’il devait normalement être. Le RPT et ses dirigeants ne veulent pas que le Togolais soit éduqué et les responsables de l’opposition qui doit se battre pour que le Peuple soit éduqué ne veulent pas non plus le faire parce qu’ils se servent de l’ignorance et de la naïveté des Togolais. Le fait que quelqu’un essaye d’expliquer clairement les choses au Peuple les gêne donc tellement et comme ils n’ont pas d’autres moyens que le dénigrement, le mensonge et les injures, alors ils s’y mettent à cœur joie en jouant sur l’ignorance des Togolais.
C’est vrai que pour quelqu’un comme moi qui a quitté le Togo en ayant l’impression que son pays était en train d’évoluer positivement, le retrouver dans une situation aussi obscure alors que nous avons une opposition qui arrive au moins à se faire entendre et qui aurait pu contribuer pour un minimum à l’éducation des masses, c’est une grande déception. Prenez cet exemple simple et vous comprenez comment chacun essaye de tromper ce Peuple parce qu’il est encore en grande partie dans l’obscurantisme et incapable d’analyse objective.
Voici Monsieur Fulbert ATTISOH qui vient de sortir de prison et que les gens accusent au Togo à tort ou à raison d’avoir pris plein d’argent du régime et de s’être acheté une nouvelle voiture dès cette sortie de prison. A ce genre de rumeurs, il y a deux postures possibles si vous pensez être au-dessus de tout soupçon : ou vous ne vous sentez pas coupable et vous avancez des arguments pour vous défendre ou alors vous ignorez vos détracteurs et vous continuez votre vie paisiblement. Au Togo, c’est autre chose qui va se faire. Pour se faire une nouvelle virginité dans l’opposition et faire taire les rumeurs qui circulent sur lui, Monsieur Fulbert ATTISSOH se promène sur les radios et dans les conférences pour injurier et critiquer Jean Yaovi DEGLI et le FRONT-SAGE parce que c’est ce qui est en vogue et qui montre que vous êtes un opposant proche de l’ANC. Il pense ainsi qu’en critiquant et en accusant plus fort quelqu’un d’autre, il va noyer les accusations contre sa propre personne. Une politique de l’autruche des plus ignobles. Je suis désolé, mais ce genre de manipulation des populations qui peut marcher chez un peuple qui est peu éduqué devra cesser. Et c’est pour cette raison qu’il faut que la société civile aide à éduquer ce Peuple togolais qui a trop souffert et à le faire sortir disparaitre l’obscurantisme dans lequel le RPT l’a plongé et où certains chefs de partis veulent le maintenir. Cela permettra par exemple au Togolais de ne plus se laisser abuser de la sorte et d’être mieux outillé contre les manipulations de tous genres.
Interview réalisée par Camus Ali Lynx.info