Marine le Pen : Elle parle de la françafrique, de l’immigration, et du Franc CFA

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Arrivée en troisième position au premier tour de l’élection présidentielle française, Marine Le Pen, la présidente du Front national, parti d’extrême droite, revient, dans cette interview, sur son vote au second tour de l’élection, sur la question de l’immigration en France, la présence de la Force Licorne en Côte d’Ivoire, l’arrimage du franc CFA à l’Euro et son avenir politique.

Entre Nicolas Sarkozy et François Hollande, vous avez choisi de voter blanc sans donner de consignes claires à vos électeurs. N’est-ce pas là une fuite de responsabilités pour vous qui êtes le 3e poids lourd des acteurs politiques français après la présidentielle ?

Marine Le Pen : Pas du tout. Je suis porteuse d’une alternative. Depuis quelques années, je dis clairement que je n’ai aucune confiance, ni dans l’UMP ni le PS. Ce que je dis, c’est que l’UMP et le PS défendent les mêmes positions : le fédéralisme européen, l’Euro, etc. Donc, à partir du moment où je suis une alternative, je ne vais être le soutien de l’un ou de l’autre. Ce serait aller complètement à l’encontre des convictions que je porte. Je crois rester cohérente en disant que je ne veux pas donner de mandat ni à l’un ni à l’autre. Je ne crois d’ailleurs pas à leur capacité à tenir leurs promesses, parce qu’ils ont transféré la souveraineté de la France à l’Union européenne. Ils font des promesses qu’ils ne pourront pas tenir. Maintenant, le seul espace de liberté, c’est le Parlement.

N’y a-t-il pas tout de même un moindre mal entre les deux ?

Non !  Il y a d’un côté, le vrai ennemi et de l’autre le faux ennemi. C’est pareil.

Pensez-vous vraiment que ceux qui vous ont voté pour vous n’ont pas été séduits par l’un ou l’autre des deux finalistes, surtout après le débat ?

Je crains que François Hollande ait pris quelques points chez des gens qui avaient voté pour moi. Il est apparu comme faisant preuve d’autorité, différent de l’image qui était donnée de lui par Nicolas Sarkozy. Je ne crois pas que Nicolas Sarkozy ait réussi à attirer des électeurs qui ont voté pour moi. Je pense que les jeux étaient faits depuis avant le premier tour. C’est d’ailleurs ce que disaient tous les sondages. Il n’y en a pas un seul qui l’a donné gagnant au second tour. C’est pourquoi je trouve que venir chercher la responsabilité de nos électeurs dans son échec est incompréhensible.

Vous reprochez à M. Sarkozy et à M. Hollande de ne pas pouvoir arrêter l’immigration. Est-ce qu’on peut arrêter l’immigration ?

Oui. D’abord, le premier moyen d’arrêter l’immigration, c’est d’arrêter de rendre le pays attractif à l’immigration. Il est évident qu’à partir du moment où un clandestin qui arrive en France peut vivre mieux en étant clandestin que chez lui en travaillant, les gens vont continuer à venir. C’est humain. Il faut donc couper ce que j’appelle les « pompes aspirantes » de l’immigration et mettre en place une coopération avec les pays dont sont originaires les immigrés pour fixer les populations dans leurs pays d’origine. Ça veut dire : suppression du droit du sol, cette acquisition automatique de la nationalité que je trouve aberrante. On décide qui devient Français ou qui ne devient pas Français en fonction des qualités de cette personne, pas uniquement parce qu’il a été là trois ans, cinq ans ou etc. Cela me paraît absurde, contraire à la souveraineté du peuple. Il faut aussi couper toutes ces aides qui attirent les gens dans un pays qui est le mien et qui doit faire face à cinq millions de chômeurs et à huit millions de pauvres.

Dans le même temps, des études notent que la France a besoin de l’immigration…

Je conteste formellement ces études. Comment peut-on avoir besoin de l’immigration quand on a cinq millions de chômeurs ? Ceux qui défendent cette idée-là, ils ne s’appuient que sur une étude de l’université de Lille qu’on nous ressort à chaque fois. Ils nous disent que l’immigration rapporterait 12 milliards. Il faut donc doubler l’immigration, comme cela on aura 24 milliards ! On voit bien que cela n’a pas de sens.

Pensez-vous qu’il faut arrêter toute l’immigration ou arrêter une certaine immigration ?

Il s’agit de toute l’immigration.

Quel que soit le pays d’origine ?

Quel que soit le pays d’origine. Ecoutez ! On n’a pas de quoi les loger, il n’y a pas d’emploi. Alors, c’est pour faire quoi ? On les attire pour les envoyer où, au fond des banlieues ? Dans des hôtels insalubres, qui vont brûler ? Les laisser vivre comme des chiens ? Moi, je ne veux pas de cela. Je préfère dire clairement : « nous n’avons plus rien à vous offrir ». On peut discuter : on peut construire des universités, on peut former des étudiants pour aider au développement économique. Mais, aller chercher des élites dans des pays qui en ont besoin, pour les former en France, les garder et les payer moitié prix, les mettre ensuite en concurrence avec les nôtres, je dis non. Quand on voit qu’il y a plus de médecins béninois en France qu’au Bénin, ce n’est pas normal.

Comment résumez-vous votre position sur l’immigration ?

Ma position est extrêmement claire. Quand je défends la souveraineté, les libertés, l’identité nationale, je défends la souveraineté et l’identité de toutes les nations du monde. Je pense que tous les peuples ont le droit à se déterminer, à choisir leur avenir. Je crois que tous les hommes, à part quelques uns qui sont des aventuriers dans l’âme, ont envie de vivre, de voir leurs enfants grandir, là où leurs parents ont grandi, dans leur identité, dans leur mode de vie, dans leur culture qu’ils veulent préserver. Et que ceux qui sont arrachés à leur pays le sont certainement pour des raisons purement économiques.

Ce qui se passe aujourd’hui, c’est une immigration de revendication. C’est une immigration qui vient dire : « vous nous avez volé nos matières premières (ce qui n’est pas faut d’ailleurs, c’était la Françafrique que je condamne avec la plus grande fermeté), et donc nous venons rechercher chez vous ce que vous nous avez retiré. Pour assurer la paix et le respect entre nos nations, il faut qu’on arrête la Françafrique. Qu’on permette aux peuples de profiter de leurs propres richesses, et qu’on ne participe pas à cette corruption généralisée de nos élites respectives. C’était nos élites qui étaient corrompues et ce sont les peuples qui en ont subi les conséquences. Et on met en place des coopérations inter-nationales, entre les nations. Des coopérations de développement, pour permettre de fixer les populations dans leurs pays d’origine et ne pas pomper les élites par l’intermédiaire de l’immigration, qui en réalité condamne les pays à la pauvreté à perpétuité.

Cette position est-elle nouvelle ou a-t-elle toujours été la même, depuis votre père ?

Cela a toujours été la même position. Mon père a été le premier homme politique à réclamer l’effacement de la dette du tiers-monde. C’était dans les années 90. Ça ne date pas d’hier. Beaucoup d’Africains qui sont en France savent quelle est ma position. Très souvent, ils viennent me voir dans la rue : « Madame Le Pen, au moins, vous vous êtes patriote. Et moi je comprend parfaitement cela parce que moi-aussi je suis patriote ». Ce sont des Ivoiriens, Camerounais, Maliens, etc. Moi, je comprends qu’on soit patriote. Et je comprends qu’on ne traite pas de la même façon des gens qui travaillent, qui respectent les lois et ceux qui ne travaillent pas et qui ne respectent pas les lois. On ne peut pas faire n’importe quoi, on ne peut pas accueillir n’importe qui, dans n’importe quelles conditions. Il faut avoir des exigences. Quand vous accueillez quelqu’un chez vous à dîner, vous n’acceptez pas qu’il décide de changer le papier-peint, qu’il vous pique votre portefeuille, qu’il bouscule votre femme…

Cela fait un an que Alassane Ouattara est au pouvoir en Côte d’Ivoire, après une élection qu’il a gagnée et l’intervention de l’armée française. Quel commentaire faites-vous de cet anniversaire ?

Je n’ai pas de commentaire. Nous avons clairement dit ce que nous pensions. Je croyais qu’on arrêtait d’aller mettre telle ou telle personne à la tête de tel ou tel Etat. Quel qu’il soit d’ailleurs.  Ce n’est pas un jugement de valeur à l’égard de M. Gbagbo. Je ne suis pas ami à M. Gbagbo, je ne l’ai jamais rencontré de ma vie. M. Gbagbo, c’est un socialiste. Il était dans l’International socialiste. Il n’était pas proche du Front national. Je croyais justement qu’on avait dit qu’on arrêtait la Françafrique, qu’on arrêtait les interventions militaires qui consistaient à porter tel ou tel au pouvoir. Je pense que les institutions ivoiriennes permettaient de déterminer qui avait raison ou tort, dans le débat électoral qui avait lieu. Je ne suis pas sûre que les Ivoiriens aient gagné en liberté. Je n’ai pas de jugement sur M. Ouattara, je n’ai pas de jugement sur M. Gbagbo. J’ai quand même le sentiment qu’aujourd’hui, celui qui est à la tête de la Côte d’Ivoire l’est parce que la France, par la force, l’a aidé à y être.

Vous seriez donc favorable au départ de Licorne ?

Oui. Les nations sont souveraines. Si nous avons des accords internationaux avec des nations et que ces nations sont en difficulté et que ces nations sont attaquées sur leur territoire, les relations internationales prévoient cela. Elles prévoient pertinemment que dans le cadre d’accords internationaux, à la demande d’un pays ami qui est attaqué sur son territoire, il y ait une intervention qui soit effectuée. Mais nous n’avons pas besoin de nous mêler des affaires intérieures des pays.

Comment avec ce discours, beaucoup d’Africains vous jugent racistes ?

Parce que nous sommes un parti qui est gênant, Messieurs. Nous sommes un parti patriote, au milieu d’internationalistes. Nous sommes un parti patriote, au milieu de mondialistes, des gens qui ont mis en place l’équarrissage des peuples. Vous voyez comment l’Afrique vit aujourd’hui ? Vous voyez la mondialisation, ce que ça vous fait, à vous et à nous ? Qui gagne, qui perd ? Les peuples perdent et les élites gagnent, les grandes puissances financières gagnent. Elles se font un maximum de milliards et pendant ce temps-là, nos peuples sont en train de s’appauvrir. Pour disqualifier quelqu’un qui porte un discours de vérité comme cela, ils utilisent tous les moyens. Dès que vous n’êtes pas d’accord, on vous traite de raciste. Le peuple français n’est pas un peuple raciste. Et donc si on vous traite de raciste, il va se détourner de vous.

Pensez-vous pouvoir arriver un jour au pouvoir en France ?

Oui. Je le crois profondément. Je crois que beaucoup de nos compatriotes ont pris conscience que les idées que nous défendons  n’ont rien à avoir avec la division. Elles n’ont rien à avoir avec la couleur de la peau, rien à avoir avec la religion, rien à avoir avec tout cela. Notre seule pierre, fondatrice de la nation, la nationalité. On est ou n’est pas Français. Ça ne veut pas dire que si on n’est pas Français, on est un moins que rien. Ça veut dire que les Français en France ont des droits supérieurs aux autres et que ceux qui ne sont pas Français et qui viennent en France ont un certain nombre de devoirs, notamment celui de respecter les lois. Moi, si j’arrive dans un pays musulman, je ne vais pas me balader en mini-jupe.

Des experts dénoncent l’arrimage du Franc CFA à l’Euro. Qu’en pensez-vous ?

C’est terrible. L’Euro est déjà terrible pour nous. Et cet arrimage est moyen d’appauvrissement terrible pour les pays qui sont arrimés à l’Euro. La disparition de l’Euro est nécessaire pour nous, mais je pense que cette disparition est vitale pour les pays qui sont arrimés.

Comment vont-ils faire, s’ils ne sont plus arrimés à l’Euro ?

Déjà, il y aura un avantage d’être arrimé à un nouveau franc, beaucoup plus que d’être arrimer à l’Euro, parce que l’Euro est surévalué. C’est un problème de compétitivité qui est extraordinaire. Ce qui va être produit dans un pays arrimé à l’Euro va être 10 fois, voire 30 fois plus cher que ce qui est produit à côté, à trois kilomètres, dans un pays qui n’est pas arrimé à l’Euro. Chez nous en France, on dit quand les gros maigrissent, les maigres meurent. C’est exactement cela. On a intérêt à avoir une monnaie qui soit beaucoup moins évaluée que l’Euro qui est complètement surévalué.

Permettez-nous de revenir à la notion de « patriote ». Etes-vous prête à faire un rapprochement avec le FPI et ceux qu’on appelle les « patriotes » en Côte d’Ivoire ?

Je suis prête à parler avec tout le monde. Je ne suis pas sectaire. Ce n’est pas parce que M. Gbagbo faisait partie de l’International socialiste, que je ne peux pas parler avec lui. Moi, je parle avec tous les gens. Je crois sincèrement que c’est à notre génération de bouleverser le monde. Je crois qu’il y a dans la jeunesse africaine des leaders de demain qui ont les mêmes visions que moi, qui sont eux-aussi contre l’immigration, qui veulent aussi développer une économie, qui veulent qu’on puisse parler d’égal à égal. Nous allons être amenés à discuter ensemble, parce que c’est nécessaire. Le système monétaire mondial est en bout de course. Il faut le déconstruire. Nous avons tous ensemble à construire autre chose.

Pensez-vous que l’élection d’un nouveau président en France peut aider M. Laurent Gbagbo à sortir de prison ?

Je ne vous cache pas qu’il n’y a pas grand-chose à espérer d’un gouvernement socialiste. On a vu ce que c’est avec Mitterrand. Est-ce que ce sera fondamentalement différent ? Ce n’est pas sûr.

Vous croyez qu’un jour, vous serez présidente de la République française. Lors d’une conférence, vous avez dit que le temps qu’il restait pour voir cela se réaliser pouvait se compter sur les doigts d’une main. On pense donc que vous vous donnez au maximum 10 ans pour y arriver. Quelles sont, selon vous, les différentes étapes qu’il reste à franchir.

La première étape, c’est de faire sauter la fausse fracture droite-gauche, parce qu’en fait elle n’existe plus. Dans un monde qui est mondialiste, dans une classe politique qui est totalement soumise à la mondialisation, la vraie fracture, elle est entre les nationaux et les internationaux. C’est-à-dire entre ceux qui considèrent que c’est le peuple qui doit décider, ceux qui croient en la nation et ceux qui n’y croient pas. Et puis, il y a la situation internationale. Moi, je suis absolument convaincue que la zone Euro va imploser. J’ai été la seule à le dire. On m’a insulté pour ça. On m’a traité de folle quand j’ai dit que la spirale va s’accélérer et qu’on ne sauvera pas les pays avec l’austérité, on les tuera. On est en train d’aider les banquiers et de tuer nos peuples. Les choses peuvent aller beaucoup plus vite que ce qu’on imagine. Les pays européens ne sont pas à l’abri d’une révolution.

Interview réalisée à Nanterre (France) par

Barthélemy KOUAME (FRATMAT Mobile)

Théodore KOUADIO (Fraternité Matin)

Guillaume T. GBATO (Notre Voie)

Fabrice KONANDRI (AIP)

KIGBAFORY Inza (Le Patriote)

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