Mali : l’armée subit une cuisante défaite à Kidal

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Les forces maliennes ont été chassées de Kidal par les rebelles touareg, ce qui a contraint Bamako à réclamer un humiliant « cessez-le-feu immédiat ». La défaite est cinglante. Chassée de Kidal par les rebelles touareg, l’armée malienne a contraint les autorités de Bamako à un humiliant « cessez-le-feu immédiat » alors que Paris a appelé jeudi à une reprise urgente du dialogue. Ce nouveau revers militaire dans un pays qui commençait à peine à goûter aux fruits d’une relative stabilité a provoqué une onde de choc au Mali. « Il est essentiel que les hostilités cessent et que des pourparlers inclusifs démarrent » entre rebelles touareg et Bamako, a appelé de son côté le ministère français des Affaires étrangères. Les combats ont éclaté le 17 mai à Kidal entre forces maliennes et groupes armés touareg à Kidal, à l’occasion d’une visite du Premier ministre Moussa Mara, et ont fait des dizaines de morts, se soldant par la déroute des forces régulières. Kidal – à 1 500 kilomètres au nord-est de Bamako – est plus que jamais un défi pour l’État malien : dans ce fief du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, indépendantiste), il n’a jamais réussi à complètement reprendre pied, malgré l’offensive lancée en 2013 par l’armée française qui a permis de libérer le nord du Mali de l’emprise de groupes islamistes.

« La France, à bas ! » Les dernières violences ont suscité à Bamako et dans plusieurs villes du pays des réactions d’hostilité envers les soldats français et onusiens déployés dans le Nord, accusés de passivité vis-à-vis du MNLA et des indépendantistes touareg. « Libérez Kidal ! », « Minusma (force de l’ONU), à bas ! La France, à bas ! », « Minusma, dégage ! » a-t-on notamment entendu lors à Bamako, Gao, Goundam (Nord). Plusieurs organisations ont appelé à des manifestations, et le lycée français de Bamako a fermé ses portes pour la journée de jeudi « par mesure de sécurité », selon un responsable de l’établissement. Dans la capitale, l’amertume et la déception le disputaient à la colère, une partie de la presse malienne n’hésitant pas à évoquer un « complot international ». Dans un éditorial, le quotidien privé Républicain écrivait : « Nous sommes tristes ce matin pour les Maliens tués (…) et pour ce pays qui relevait pourtant la tête. » S’efforçant de gérer le traumatisme, les autorités ont multiplié ces dernières heures les appels au calme et à la retenue, assurant avoir le « dialogue » comme « priorité ». Bamako reconnaît l’échec de son armée Après avoir reconnu l’échec de l’armée et appelé à un « cessez-le-feu immédiat », le gouvernement a demandé aux Maliens de faire preuve d' »un sens élevé de la responsabilité, pour éviter tout amalgame ou toute stigmatisation pouvant entamer la cohésion nationale et nuire à la qualité des relations avec les partenaires du Mali ». « La Minusma, la force Serval et les représentants de la communauté internationale ne doivent pas être inquiétés. Ils ne sont pas nos ennemis », a souligné le gouvernement. Jeudi matin, la situation était « calme » à Kidal, où « les forces gouvernementales ne tiennent plus aucune position dans la ville », selon une source militaire au sein de la Minusma. Les combats de mercredi ont fait plusieurs morts et blessés de part et d’autre, selon le gouvernement, qui n’a pas donné de chiffres précis. De son côté, le MNLA a fait état de 40 soldats maliens tués, 50 blessés et 70 faits prisonniers après les affrontements de ces derniers jours, ainsi que la saisie de « 50 véhicules 4 x 4 flambant neufs », 12 blindés et plusieurs tonnes de munitions et d’armes. L’agenda français bouleversé Toujours d’après le MNLA, les mouvements armés ont pris, sans combats, plusieurs autres localités du nord du pays, dont Ménaka, Aguelhoc et Anderamboukane, ce qui n’était pas confirmé jeudi de source indépendante. Pour Bamako, des « groupes rebelles » touareg sont responsables de l’attaque, mais ils avaient reçu le soutien de « terroristes d’Aqmi (al-Qaida au Maghreb islamique) et les narcotrafiquants ». Des témoins à Kidal ont évoqué la présence, aux côtés des combattants touareg, de « jihadistes » portant des « pantalons coupés court » (au-dessus des chevilles, typique des fondamentalistes) et qui criaient « Allah akbar (Dieu est grand) ». Selon une source sécuritaire africaine, plusieurs groupes armés ont pris part aux affrontements : le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA) était en pointe des combats, au côté du MNLA, et du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA). Le HCUA a été formé par des dissidents du groupe djihadiste Ansar Dine, dirigé par l’islamiste malien Iyad Ag Ghaly, aujourd’hui en fuite. Pour le gouvernement, les soldats maliens ont été « affaiblis par des problèmes de coordination, de renseignement ». Ces violences ont eu pour effet de bouleverser l’agenda militaire français, alors que Paris s’apprêtait à annoncer un redéploiement de son dispositif militaire en Afrique de l’Ouest et dans la bande sahélienne. Des renforts français ont été envoyés en urgence à Gao (Nord) et Kidal (avec un contingent d’environ d’un moins de cent hommes), pour un total de 1 600 hommes dans l’ensemble du Mali. Leur mission est d’appuyer les forces maliennes et de l’ONU, de lutter contre les « groupes terroristes », et non d’intervenir dans les affaires maliennes, avait rappelé mardi le Quai d’Orsay.

AFP

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