Ma part de vérité : Me Joseph Kokou Koffigoh recadre Anani Sossou

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Chers amis,

Victime d’un cyber-harcèlement pour la deuxième fois en trois mois de la part d’un certain Anani Sossou, j’ai pris la décision de dire quelques mots de certains évènements passés de notre cher pays. Cette fois-ci, j’ai choisi, au lieu de la poésie, le moyen de la prose plus propice aux développements qui vont suivre. C’est d’ailleurs le souhait que Anani Sossou lui-même a formulé. Je n’ai qu’un seul regret, celui de devoir répondre à ce Monsieur au moment où s’ouvre le énième dialogue inter-togolais. J’y suis obligé, au vu des commentaires désobligeants qui ont suivi son attaque amplifié par les réseaux sociaux. Si nous voulons triompher des ténèbres, il nous faut un peu de lumière. Il s’avère donc urgent que j’apporte mon éclairage.

En novembre 1992 des militaires ont pris d’assaut le Haut Conseil de La République le parlement de transition et ont séquestré les hauts conseillers. L’objectif affiché pour ce deuxième coup de force contre les institutions, après celui perpétré contre la Primature le 3 décembre 1991, était d’exiger le déblocage des fonds du Rassemblement du Peuple Togolais (RPT) gelés par la Conférence Nationale Souveraine.

On n’a pas besoin de sortir de Sciences-po pour savoir à qui profitait le crime.
Toujours est-il que ce acte gravissime a plongé le pays dans la stupeur. En ma qualité de Chef du Gouvernement de Transition victime du même coup de force presqu’un an plus tôt, je mesurais au plus haut point les souffrances que subissaient les hauts conseillers et j’ai usé de tous les moyens dont je pouvais disposer pour obtenir la libération des otages. Je me suis mis en rapport avec le Président de la République Chef Suprême des Armées pour qu’il use de son autorité afin d’obtenir la libération des otages. À cet effet j’ai mis en place une cellule de crise pour gérer la situation. J’ai également mis en branle nos amitiés diplomatiques à l’intérieur et à l’extérieur du Togo afin qu’elles agissent sur le Chef de l’État pour éviter que l’irréparable soit fait.
Finalement la libération n’est intervenue qu’après que les militaires aient obligé Monseigneur Fanoko Kpodzro Président du Haut Conseil de la République à signer un ordre de déblocage des fonds du RPT.

Durant cette crise mes entretiens téléphoniques avec le Chef de l’État étaient particulièrement difficiles car je lui rappelais sans cesse le risque d’explosion du pays si jamais il arrivait un malheur à un seul des otages et à plus forte raison à Monseigneur Fanoko Kpodzro une des figures emblématiques de la transition démocratique au Togo.

Lors d’un entretien téléphonique avec Monseigneur je lui ai, bien entendu, exprimé ma profonde tristesse, ma solidarité et ma compassion, mais aussi ma détermination à faire tout ce qui est possible pour leur libération; j’ai terminé en lui disant qu’à mon avis la clé principale de leur libération se trouvait entre les mains du Président de la République. Celui-ci était le Président-Fondateur du RPT dont on veut débloquer les fonds par le biais de ce coup de force, et surtout le Chef Suprême des Armées suivant l’Acte Constitutionnel no7 de la Conférence Nationale Souveraine. C’est du reste la même disposition constitutionnelle que j’ai eu à rappeler au Chef de l’État lors de nos entretiens. En aucun cas, je n’ai eu à dire à Monseigneur Fanoko Kpodzro les propos qu’il me prête 26 ans après les faits. N’étant pas le commanditaire de ce crime, je ne vois pas comment moi je pouvais poser des conditions aussi ridicules à la libération des otages à savoir demander aux députés de cesser de me critiquer. Étant issu du mouvement démocratique et ayant lutté de toutes mes forces pour la liberté d’expression dans mon pays, je ne pouvais m’offusquer du fait que les parlementaires exercent leur devoir de critique et de contrôle de l’action gouvernementale.
Je ne sais donc pas où Monseigneur Kpodzro a trouvé cette conversation que je démens catégoriquement.

Étant catholique, il ne me viendrait jamais à l’idée de traiter un évêque de menteur. Je suis trop bien élevé pour ça. Mais il faut reconnaître que l’âge peut jouer de vilains tours à la mémoire de tout être humain et même à celle d’un « homme de Dieu », or, Monseigneur est semble-t-il âgé de 88ans.

Ceci étant, cette fausse conversation que Monseigneur m’attribue à tort, a encore servi à un certain Monsieur Anani Sossou pour me jeter en pâture à des loups sur Facebook et les réseaux sociaux. Ce Monsieur que je ne connais pas, si ce n’est qu’il habite en Belgique, n’en est pas à son premier coup. Il m’avait déjà attaqué à propos des évènements du 3 décembre 1991 durant lesquelles, avec une poignée de gardes, j’ai eu à affronter des chars de l’armée, avec à la clé beaucoup de morts et de blessés. Mes éléments et moi avons subi ce sort parce que je ne voulais pas, sur injonction de l’armée dissoudre le Haut Conseil de la République qui a eu la maladresse de dissoudre le RPT quand j’étais en mission à Paris.

Nous sommes entrés en ce mois de février 2018 dans les temps du carême catholique, et j’encaisse le coup qui m’est destiné comme le énième sacrifice, dans la lutte que je n’ai jamais cessée de mener avec et pour le peuple, pour une démocratie pacifique dans notre pays.
À l’heure du dialogue et de la réconciliation, je me demande quels desseins poursuivent ceux qui s’acharnent à déformer l’histoire et surtout à couvrir d’autres concitoyens d’opprobre.

Autre élément qu’à peine je me hasarderai à commenter: ce sont les tristes événements de janvier 1993 et leurs suites. Nous étions en pleine grève générale et illimitée décrétée par l’opposition depuis le 16 novembre 1992. Or il nous fallait organiser les Présidentielles avant le 31 décembre 1992 qui marquait la fin constitutionnelle de la transition. J’ai réussi à convaincre le Chef de l’État d’ouvrir des négociations avec l’opposition surtout sur les garanties de sécurité. Le Président a accepté et nous avons publié un communiqué. Hélas, mes amis partisans et promoteurs de la grève ne voulaient pas entendre parler de dialogue. La grève est « non négociable » entendait-on proclamer dans les meetings populaires notamment à Ablogame, sous des tonnerres d’applaudissements. On a fait croire à notre peuple affamé à la suite de trois mois de cessation complète d’activités, que le régime allait bientôt tomber. Toute position contraire relevait bien sûr de la haute trahison. La transition telle que prévue par la Conférence Nationale Souveraine avait pris fin selon une déclaration du pouvoir. Ce qui signifie qu’il ne restait plus aucune légitimité aux institutions qui en étaient issues. Et pourtant certains faisaient nuitamment le trajet de Lomé 2 la résidence du Chef de l’État pour se faire nommer Premier Ministre. Le Président Eyadéma a compris que ces gens n’étaient pas sérieux puisqu’ils continuaient de prôner la poursuite de la grève sans en mesurer les conséquences désastreuses sur la vie des concitoyens.
C’est dans ces conditions qu’une catastrophe s’est produite à Lomé lors de la visite des Ministres de la Coopération français et allemands: le massacre de Freau Jardin perpétré par un commando occulte du sein même des forces de sécurité. Le pays était en ébullition. Sur ces entrefaites, la télévision nationale montre un gendarme décapité dans un carrefour du quartier de Bè Kpota. Des militaires, sous le choc, en profitent pour sortir des casernes, tirer en l’air et piller des magasins. La population de Lomé terrorisée s’enfuit en partie, qui vers le Bénin, qui vers le Ghana, et qui dans son village à l’intérieur du pays. C’est juste avant cet exode que le Haut Conseil de la République refait surface pour se réunir de force à l’Hotel de la Paix, non pas pour destituer le Président de la République, (ils avaient trop peur de lui)…, mais pour démettre le Premier Ministre élu par la Conférence Nationale Souveraine, celui là même qui au prix de sa vie, s’était opposé en décembre 1991 à la dissolution du Haut Conseil de la République. La décision était évidemment nulle, puisque le Haut Conseil de la République avait légalement cessé d’exister.

Comme en 1991 beaucoup d’acteurs du processus démocratique ont pris la clé des champs. On a même été informé d’une situation ubuesque à Cotonou où nos frères sont allés former un gouvernement en exil avec à la tête non pas un Président de la République mais plutôt un Premier Ministre qui viendrait travailler avec ce même Éyadema que tout le monde contestait. C’est ainsi que la division sur fond de tribalisme qu’on vivait déjà au sortir de la Conférence Nationale Souveraine s’est approfondie.

Revenons au pays. Il fallait remettre le Togo sur les rails et rapidement former un gouvernement. J’ai formé ce gouvernement que j’ai justement baptisé gouvernement de crise, non sans poser des conditions, notamment le renforcement des garanties de sécurité pour tous y compris aux opposants et à leur domicile, l’ouverture d’un dialogue avec l’opposition dès qu’elle en accepterait les termes, l’organisation d’élections propres et transparentes à commencer par les Présidentielles etc… Ce programme minimum à été décliné en 7 points et rendu public. Ce programme minimum à été réalisé sans faute.

Le dialogue s’est déroulé en plusieurs étapes à commencer par Colmar en France qui a échoué. Il s’est poursuivi à Ougadougou sous la facilitation du Président Blaise Compaoré et, après moult es péripéties, fut sanctionné par un accord signé à Lomé.

J’ai pu ainsi organiser les présidentielles en 1993 (gagnées par Éyadema) les législatives en 1994 (gagnées par l’opposition). Entre-temps j’ai eu à gérer d’autres crises résultant d’attaques armées dirigées par une opposition armée basée au Ghana, contre le camp militaire de Lomé et le Chef de l’État.

Ayant été élu député, j’ai rendu mon tablier au Président de la République pour aller siéger à l’Assemblée Nationale.

Conclusion

Il y a toujours des leçons à tirer du passé:

Au Togo, le choc des extrémismes ne peut jamais nous sortir d’affaire.
Neuf mois de grève générale et illimitée n’ont pu venir à bout de ce pouvoir, à plus forte raison de simples marches sans négociation ne réussiront pas à le faire ou à s’en défaire.
Mais on pourra progresser et créer les conditions d’une alternance pacifique si on accepte de dialoguer sincèrement. Les marches ne peuvent être comprises que comme un moyen de pression comme l’avait fait Martin Luther King aux USA.

Une opposition divisée par des querelles intestines et l’exaltation des égos, court vers l’échec. Il lui faudrait paradoxalement emprunter au RPT sa formidable capacité à rester soudé, si elle, c’est à dire l’opposition, veut constituer une alternative crédible.

La lutte armée n’a rien donné dans le passé; il est inutile voire dangereux d’en rêver aujourd’hui. Le cas du Togo est spécial.

« Les hommes de Dieu » doivent pousser à la réconciliation par le dialogue et prier abondamment au lieu de jeter de l’huile sur le feu. À cet égard on doit saluer l’initiative de la Conférence des Évêques du Togo d’inviter les fidèles à des journées de prière et de jeûne pour la réussite du dialogue.

La limitation des mandats doit être acceptée comme remède aux tentations de prise de pouvoir par les voies anticonstitutionnelles. Le pouvoir doit le comprendre et accepter d’en discuter loyalement les modalités. Une nouvelle chance nous est donnée par le dialogue qui s’ouvre. Tout le reste est littérature et poursuite du vent.

Me Joseph Kokou Koffigoh 

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