«La France devrait soutenir les dictateurs africains, sinon ils ne feraient pas d’élection» Jacques Chirac

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Un Sommet de l’Afrique en France

«La France devrait soutenir les dictateurs africains, sinon ils ne feraient pas d’élection» Jacques Chirac

La France annonce un Sommet à l’Elysée les 6 et 7 décembre. 37 chefs d’Etat sont convoqués ou invités c’est selon. La question qui se pose est: «Pourquoi un sommet pour rassembler les pays africains plus dispersés que jamais. Pourquoi la France se substitue t-elle aux organisations telles que le Nepad mis en place par l’Union africaine? Quelle est la finalité de ce cérémonial?»

Curieusement, il a fallu plus de cinquante ans à la France pour remettre enfin le plan des tracés des frontières inter-Etat, laissant pendant tout ce temps-là des contestations avoir lieu. La France a remis en effet le 29 novembre à l’Union africaine, à Addis-Abeba, les copies numérisées d’archives françaises relatives aux frontières africaines. «Ces documents concernent 45 traités et cartes de pays d’Afrique de l’Ouest, du Nord et de l’Est, concernant la période 1845-1956. Nous entendons ainsi appuyer le programme lancé en 2007 par l’Union africaine avec pour objectif de faciliter la délimitation et la démarcation des frontières africaines et d’encourager les coopérations transfrontalières. La France est impliquée en faveur de la consolidation des frontières africaines, afin que de contribuer à la paix, à la sécurité, et au développement du continent.» (1)

Un sommet dans une Afrique qui n’a pas exorcisé ses vieux démons

Un début de réponse nous est donné par Yannick Ebosse qui brosse un état des lieux de la situation des pays africains. Il écrit: «Selon des sources, ce sommet programmé en décembre 2013 aura pour thème: «L’Afrique en mutation, enjeu majeur pour la France et l’Europe.»» (…) Après avoir publié plusieurs documentaires sur la nocivité de la cellule françafricaine logée à l’Elysée, François Hollande subtil président avait décidé de renommer et reconfigurer le travail de celle-ci (…) pour laisser place à un poste de conseiller diplomatique pour les affaires africaines auprès du Président de la République (…) (2)

Dans tous les cas écrit Yannick Ebosse, ce sera le retour d’une façon ou d’une autre aux anciennes méthodes. Il écrit: «Rebelote et revoici la France qui monte au créneau avec un sommet digne de la négritude. Une foire aux chefs d’Etat africains qui seront forcés d’écouter la redéfinition de leur coopération envers un maître. Désormais ayant perdu assez de terrain en laissant place à la Chine comme partenaire privilégié pour plusieurs pays africains, le colon français qui avait après un partage à la SDN réussi à gagner un grand gâteau africain a décidé de revenir avec une politique forte et diverse selon un rapport classé top secret et intitulé «L’Afrique est notre Avenir. En 2050, le quart du monde sera africain. Ce qui positionne notre continent comme une destination privilégiée de «conquistadores». Dans plusieurs Etats émergents du monde, la délocalisation d’industries occupe une place privilégiée. La Chine toujours citée en exemple comme un pays accueillant des sociétés délocalisées s’est tournée depuis quelques années vers l’Afrique (…) Depuis 1960, cette politique de colonisation a gardé sa constance, faisant la part belle aux intérêts économiques où l’accession aux ressources minières des pays africains pour perfuser celle de la France n’a jamais failli malgré l’impression d’envahissement de la Chine dans plusieurs «colonies».(2)

L’Afrique spectatrice de son destin décidé ailleurs

Lucide, l’auteur démonte la mécanique de l’accession au pouvoir des dirigeants africains: «Dans le contexte actuel, le terme «Françafrique» a toujours été utilisé lorsqu’on observe plusieurs actions menées dans les relations personnelles (militaires, économiques, etc.) pour imposer ou aider une tierce personne à conquérir un pouvoir. La Centrafrique est un exemple patent. (…) Ces dix dernières années, 3 milliards de personnes sont actives dans le monde. Projetée en 2050, l’Afrique va booster cette statistique; ce qui pousse la France à penser que si elle réussit son entrée avec sa nouvelle politique, sa propre délocalisation se fera sans effet boomerang car les pays choisis seront amis et partenaires.» (2)

Cinquante ans après, le destin de l’Afrique est toujours décidé dans les ancienennes officines. «L’objectif dit-on à l’Elysée serait l’indépendance militaire de l’Afrique dans la préservation de la sécurité sur son territoire. La France ne veut plus être en première ligne, en tout cas pas toute seule. «Ce sont les Africains qui, demain, devront assurer la sécurité de leur continent», a déclaré François Hollande, à Addis-Abeba en mai dernier, ajoutant que la France fournira toujours son soutien en cas de besoin. L’actuel ministre des Affaires étrangères algérien, alors commissaire à la Paix et la Sécurité de l’Union africaine, Ramtane Lamamra, avait souligné, à juste titre, que le sommet consistera à établir une «ligne directrice fondamentale selon laquelle l’Afrique a la responsabilité principale et les partenaires internationaux se mobiliseront autour de l’Afrique, en soutien à l’Afrique, en appoint à l’Afrique dans la plus grande transparence».

Après le thème sécurité, le deuxième thème est consacré aux partenariats économiques et au développement. L’idée est toujours la même, après avoir sécurisé on montre comment faire pour se développer. L’idée est de proposer les moyens d’augmenter les flux d’échanges dans les deux sens (flux humains, financiers, d’entreprises…). Et pour ce faire, il s’agira de «travailler ensemble pour que la croissance du continent africain puisse être une croissance bénéfique à tous» (Afrique et Europe).

Enfin, un thème bateau pour faire bien celui du climat et ceci dans la perspective sans lendemain -comme tous les autres sommets- du sommet de 2015 qui se tiendra en France. Paris veut faire de l’Afrique «l’allié de choix» pour ce sommet sur le climat parce qu’il y a de «fortes convergences» entre l’Europe et l’Afrique.

Interférence avec le système du Nepad

On est en droit de se demander si le temps de la Françafrique est révolu. La Françafrique sera-t-elle enterrée les 6 et 7 décembre à Paris s’interroge un quotidien sénégalais? D’aucuns évoquent, le néocolonialisme et le retour de Paris aux méthodes anciennes de la Françafrique, d’autres une France soucieuse d’établir de nouveaux rapports avec le continent fort d’un milliard d’habitants.

Comble de la cacophonie et d’interférences, l’Allemagne ne veut pas être en reste. On apprend que parallèlement avec les Allemands, un autre sommet se tiendra à Dakar. «Un sommet dit de Dakar pour le développement des infrastructures en Afrique, aura lieu les 13 et 14 décembre prochains à Dakar, sur le thème «Des partenariats public-privé pour la transformation des infrastructures continentales» a appris APA de source officielle.

Le sommet est organisé par l’Agence du Nepad et la Commission de l’Union africaine en collaboration avec la Banque africaine de développement (BAD), la Commission des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et l’Agence allemande pour la coopération internationale. L’objectif du sommet de Dakar est d’accélérer la dynamique dans la mise en oeuvre des projets prioritaires structurants d’infrastructures pour une intégration effective du continent. Le président Macky Sall, hôte du sommet, dirige le Comité d’orientation des chefs d’État et de gouvernement du Nepad (Hsgoc)…(3)

On apprend que parallèlement au sommet dont il est probable que le communiqué est prêt depuis bien longtemps, des échanges, se font pour faire admettre accepter et militer pour une vision de futures relations qui permettraient de concevoir une nouvelle «Françafrique» pour conjurer les pertes de parts de marché prises par les Américains, les Chinois et autres partenaires de l’Afrique.

Les réseaux actionnés

Deux rencontres internationales de l’Adapes et de l’Ipemed à Paris 4/5 décembre 2013 sont prévues «Problématique du Sahel et de la sécurité en Afrique» et «Enjeux et perspectives nouvelles de la colocalisation en Méditerranée». Les tables rondes annoncent la couleur «L’Afrique émergente est-elle une chance pour l’Europe?» La sécurité et la stabilité du Bassin méditerranéen sont un enjeu crucial pour notre région, interpellant l’Algérie et d’une manière générale le Maghreb qui, à l’avenir, devra, grâce à une relance économique soutenue, être le pont entre l’Europe et l’Afrique, continent à très fortes potentialités tant en ressources naturelles qu’humaines qui devrait tirer la croissance de l’économie mondiale horizon 2025/2030. Les tensions au Sahel préfigurent d’importants bouleversements géostratégiques nécessitant de nouvelles politiques d’adaptation.

La deuxième rencontre à l’initiative de l’Institut de prospectives économique du Monde méditerranéen (Ipemed), se tiendra à Paris le 05 décembre 2013. Elle a pour ambition de booster l’Afrique en lui indiquant la marche à suivre tout en parlant de partenariat euro-méditerranéen, d’UPM, de relations privilégiée avec la France, bref une cacophonie de plus. Ceci se fera par la mise en place des projets concrets, afin de dynamiser le tissu productif des deux rives de la Méditerranée y compris les services assis sur les nouvelles technologies, qui ont une valeur marchande de plus en plus importante, avec naturellement une «cellule de suivi». Il faudra, on l’aura compris, une coordination des politiques tant macro- que microéconomiques des pays de l’Afrique et des deux rives de la Méditerranée. Ensuite, un Etat de droit et une bonne gouvernance. C’est à quelques variantes près le défunt Processus de Barcelone, l’UPM, la Politique européenne de bon voisinage. Bref, le résultat est que la France en prenant des habits de l’Europe prêche pour sa chapelle, son pré carré comme au «bon temps des colonies».

Le sort de l’Europe

En fait, à travers la France et l’Allemagne qui se battent pour avoir une part du «gâteau africain», c’est le sort de l’Europe qui se joue. L’Europe doit s’adapter à la réalité que nous vivons dans un monde de plus en plus dominé par l’Asie.

Dans une contribution lucide de Craig J. Willy nous lisons à ce propos: «Une UE divisée est en train de perdre la course contre l’Asie. Lente et axée sur le consensus, l’élaboration de la politique à Bruxelles est totalement inefficace vis-à-vis de l’État central chinois. (…) Si l’Europe n’arrive pas à forcer la Chine à respecter ses principes, l’Union devra se plier au modèle de développement asiatique. Le choix est-il entre une Europe allemande ou chinoise? Le développement économique de la Chine et d’autres pays asiatiques a un impact sur le rôle des Etats européens dans les affaires mondiales. Craig J. Willy fait valoir que, avec la montée des économies asiatiques, le monde est de plus en plus éloigné du modèle de libre-échange défendu par l’Europe et d’autres Etats de l’Ouest.

Les relations économiques entre l’Union européenne et la Chine sont un exemple classique de ce que le sociologue français Emmanuel Todd a appelé «la mondialisation asymétrique,» caractérisée par l’inégalité d’ouverture et les déficits commerciaux insoutenables. L’auteur reproche à la Chine de ne pas être fair-play (…) Il n’est pas surprenant que cette asymétrie énorme dans l’ouverture économique coïncide avec les flux commerciaux asymétriques. L’UE est le partenaire économique le plus important de la Chine avec en 2012 un commerce estimé à 433,8 milliards d’euros. L’UE a un déficit commercial avec la Chine de 146 milliards d’euros. L’Allemagne est le seul pays de l’UE avec un excédent commercial à 4,3 milliards d’euros au premier semestre 2012. En revanche, la France a enregistré un déficit de 4,7 Md d’euros. (…)» (4)

«L’Occident peut croire qu’il peut imposer le libre-échange, mais la taille énorme de la Chine signifie que ce ne sera pas possible de manière coercitive. Les Mondialistes occidentaux doivent reconnaître que tout porte à croire que c’est en effet le siècle asiatique, et que si la Chine finit par respecter leurs principes juridiques et commerciaux de l’Atlantique, il aura été par choix.» (4)

La Cour européenne des droits de l’homme: l’interdiction du voile intégral en débat

Pendant ce temps, les pays européens se jettent à corps perdus dans des combats d’arrière-garde. On apprend que l’Europe veut s’aseptiser en mettant un cordon sanitaire contre l’Islam d’une façon indirecte en combattant les femmes voilées (…) La question hautement symbolique de l’interdiction du voile islamique intégral dans les lieux publics en France sera débattue à la Cour européenne des droits de l’homme (Cedh) Dans son argumentaire, le gouvernement français souligne les «objectifs légitimes qu’il poursuit, outre la sécurité publique», il dénonce «le caractère intrinsèquement discriminatoire au détriment des femmes de la pratique du voile intégral». Les juges européens rendront leur arrêt début 2014.» (5)

Le manque de vision de l’avenir de l’Afrique ballottée

C’est un fait durant ce cinquantenaire que l’Afrique n’a jamais connu la paix du fait des interférences des anciennes puissances coloniales, de la rareté des matières premières dont l’Afrique regorge et de l’apparition de nouveaux acteurs qui font à l’Afrique des propositions qu’elle ne peut pas refuser. Devant toutes ces avanies, que pense-t-on que l’Afrique fait? Coordonne-t-elle en vue d’une sécurité alimentaire? En vue d’une médecine de qualité? Etudie-t-elle un développement endogène? Demande-t-elle qu’on la laisse en paix en alimentant en armes des belligérants ou en soutenant des tyrans qui refusent l’alternance? Rien de tout cela, elle décide de mettre en place une force d’action rapide avec les armes des Occidentaux pour justement maintenir en place les tyrans adoubés. A quoi sert alors l’ingérence amicale? Les rodomontades ont de beaux jours devant elles…

La France serait bien -dans l’égale dignité avec ses «anciennes provinces»- inspirée de miser sur le savoir en oeuvrant à la mise en place d’une Université franco-africaine en Algérie.

Université qui peut commencer par une structure souple avec des compétences délocalisées aussi bien en Afrique, qu’en France. Les compétences formées auraient pour vocation de contribuer justement à un réel co-développement de l’Afrique et de la France par la création de richesses hors matières premières. Les premières disciplines seraient l’énergie, l’environnement, l’économie…

Pr Chems Eddine Chitour

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