Les mots qui ne veulent rien dire [Par Jean-Claude DJÉRÉKÉ ]

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Dans la bouche de certaines personnes, les mots peuvent être détournés de leur vraie signification; ils deviennent alors mensongers. Nous ne devons pas banaliser les mots mensongers car “la perversion de la Cité commence par la fraude des mots » (Platon).
Mon adversaire, c'est le monde de la finance » disait-il ! – Le Blog de Denis Garnier
Je voudrais revenir sur quelques mots mensongers. D’abord ceux prononcés le 22 janvier 2012 par le candidat socialiste François Hollande au Bourget: “Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance”. Hollande mentait car, une fois au pouvoir, il s’acoquina avec les riches, leur faisant des cadeaux (90 milliards d’euros au patronat contre 35 milliards à l’époque de Sarkozy). Hollande, Laurent Fabius, Dominique Strauss-Kahn, Jérôme Cahuzac, Bernard Cazeneuve, Manuel Valls et d’autres font partie de “la gauche caviar” qui se réclame du socialisme tout en menant une vie qui n’a rien à voir avec les valeurs socialistes telles que la simplicité, la solidarité, la compassion, le partage, la proximité avec les milieux populaires, l’attention aux faibles et défavorisés, le contact avec les militants de base, la lutte pour la vérité et la justice, etc. (cf. Laurent Joffrin,“Histoire de la gauche caviar”, Paris, Robert Laffont, 2006).
Il y a ensuite les mots creux d’Emmanuel Macron. Si l’on en croit le mouvement “Solidarités émergentes”, le slogan « En Marche ! » signifierait en réalité « Marche Arrière » (https://solidaritesemergentes.wordpress.com/2017/09/20/la-corruption-du-langage-par-la-profession-politique-quand-en-marche-signifie-marche-arriere/comment-page-1/). Beaucoup de Français pensaient que Macron inaugurerait une nouvelle façon de faire la politique, qu’il redonnerait du respect à la fonction présidentielle et qu’il réduirait le déficit du pays sans étrangler les pauvres. Un an après son élection, on se rendit compte qu’il avait des atomes crochus avec les oligarques, qu’il était un homme, non pas du nouveau monde, mais de l’ancien.
Chez nous, ce ne sont pas les slogans creux qui manquent. On a eu, par exemple, “Le Progrès pour tous, le bonheur pour chacun”. Ce slogan était trompeur car seule une minorité (la famille, le clan et le groupe ethnique du chef) connut le progrès et le bonheur. On nous a cassé les oreilles avec le “Vivre ensemble” et “Un ivoirien, un toit”. Ressassées ad nauseam dans les discours, meetings et journaux du RDR, ces expressions n’en étaient pas moins une mystification car, si le premier slogan signifie “vivre chez les autres sans eux”, le second n’a pas empêché que des individus et familles dont les maisons avaient été rasées dorment à la belle étoile ou dans un cimetière. Un jour, j’ai dû conseiller à un ami du Sud d’ajouter à son nom Coulibaly, Moussa ou Koné s’il voulait être embauché par les créateurs et défenseurs du “Vivre ensemble”.
“Justice des vainqueurs” et “le bunker de Gbagbo”, quoiqu’abondamment utilisées par les médias français, étaient des expressions inapropriées. Pourquoi? D’une part, parce que le RHDP n’a gagné ni le second tour de l’élection de 2010 ni la guerre. Il convenait de parler plutôt de “justice à deux vitesses” dans la mesure où les criminels de l’autre camp n’ont jamais été inquiétés. D’autre part, parce que le président Houphouët n’avait pas construit un bunker mais une résidence présidentielle. Laurent Gbagbo fut kidnappé dans cette résidence et non dans un bunker.
“Démocratie” est un autre mot utilisé pour arnaquer les populations car, dans les pays, ce n’est plus le peuple qui décide mais les oligarques propriétaires des médias et des moyens financiers. C’est d’abord à eux qu’obéissent les pantins de présidents. En 2005, les peuples français et hollandais avaient dit non au projet de traité constitutionnel européen. Sous Sarkozy, ce traité fut voté en catimini. En Afrique, certains prétendent avoir été élus démocratiquement après avoir bénéficié de l’aide et du soutien d’une commission électorale inféodée à l’exécutif. Et nos partis politiques, sont-ils vraiment démocratiques quand le culte du chef semble y être la règle, quand, sous prétexte de discipline du parti, toute critique y est étouffée?
En conclusion, je dirais que celui qui veut s’exprimer doit avoir le souci de ne pas trahir le sens des mots. Il doit veiller à employer le terme juste car “mal parler n’est pas seulement une faute contre le langage même, cela fait encore du mal aux âmes” (Platon).

Jean-Claude DJÉRÉKÉ 

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